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forme quelques notions des sciences exactes, une connaissance superficielle de l'histoire, dirigée dans le sens du catholicisme et de la prérogative royale, et par-dessus tout, la haine contre les innovations de la politique et de la philosophie. L'éducation des princes tendait à leur inculquer l'idée du pouvoir divin de la royauté, et à leur enseigner l'obéissance absolue qu'ils devaient à l'aîné, appelé à la couronne et devenu en quelque sorte leur tuteur.

MONSIEUR, comte de Provence, s'était fait remarquer par une certaine application littéraire, non pas sérieuse et classique encore comme elle l'est devenue depuis, mais par cette littérature d'école et de boudoir, assez commune au règne de Louis xvI. On citait M. de Provence comme un bel esprit du temps il faisait le madrigal avec assez de grâce; ramassait-il un mouchoir, envoyait-il un bouquet? aussitôt de petits vers, qu'on trouvait adorables, étaient improvisés par MoNSIEUR; il charmait la cour et était les délices de la province. Dans un voyage qu'il fit en Provence, les dames se l'arrachaient, comme il le dit lui-même, tant la grâce de son menuet avait séduit les coeurs. MONSIEUR vivait au

Luxembourg, son apanage, dans une espèce de retraite favorable aux muses; il ne dédaignait pas d'associer sa plume à celle de ses courtisans littéraires. Pour un petit nombre d'amis, il ne désavouait pas la paternité de l'opéra de Panurge. On disait que les amours étaient impuissans auprès de MONSIEUR, et cette triste réputation qui se répand si vite parmi les femmes, était entretenue par le caquetage de⚫ Mme de Balbi, son amie, qui, par son titre auprès de la comtesse de Provence, habitait le Luxembourg. MONSIEUR avait déjà joué un rôle politique; il avait signé la protestation des princes du sang contre l'exil du parlement, et lors de l'assemblée des notables il présida le bureau qui demanda la double représentation du tiers. Aussi le nom de M. de Provence était-il fort populaire.

M. le comte d'Artois avait un caractère tout opposé à son frère. Son éducation était entiè rement négligée; il avait un esprit de mots, d'heureuses reparties de cour, mais il n'avait pas d'instruction, et les gens de son intimité avouaient que le jeune comte ne lisait jamais rien, si ce n'est le Vicaire de Wakefield; mais en revanche, M. le comte d'Artois avait tous les

brillans défauts d'un mauvais sujet de grande maison, le jeu, le vin, les femmes; il montait gracieusement à cheval, tirait assez bien l'épée, et jouait même agréablement la comédie. Ses amours ne choisissaient pas; il passait des genoux de Mme la duchesse de Polignac dans les bras de Miles Contat et Duthé, et de là dans ceux d'une fille de guinguette. Il reste encore des débris de la correspondance avec l'actrice qui fixa près d'une année le cœur du volage amant, et le cynisme des expressions indique un esprit usé par la débauche et qui cherche à réveiller des émotions éteintes. Le comte d'Artois faisait cependant les délices de la cour de Louis xvi; il était de l'intimité et de toutes les parties de la reine; il y avait peu de femmes qui n'eussent succombé aux tendres propos de l'aimable comte, et la calomnie allait plus loin et plus haut. M. d'Artois avait signé la protestation des princes du sang contre l'exil du parlement, mais dans l'assemblée des notables, il rangea son bureau à l'opinion d'une seule représentation du tiers. et du vote par ordre; ce qui le sépara, dès cette époque, des opinions politiques de M. le comte de Provence. Ce prince avait deux

fils : le duc d'Angoulême et le duc de Berri; ils étaient confiés aux soins du comte de Serrent, un de ces seigneurs à vue courte, propre seulement à les façonner aux principes et à l'étiquette de la vieille monarchie.

Les princes du sang, MM. d'Orléans, de Condé et de Conti voyaient peu la cour. La tige puissante d'Orléans visait déjà à la popularité. Le prince de Condé vivait à Chantilly, mais plein d'idées chevaleresques, il se faisait à tous propos le défenseur de la noblesse. Depuis la guerre de Sept-Ans le prince de Condé n'avait pas pris les armes; mais, comme colonel général de l'infanterie, il commandait le camp de Saint-Omer, formé à l'occasion de l'entrée des Autrichiens dans les Pays-Bas. M. le prince de Conti s'était fait l'homme du parlement, ce qui lui avait valu de Louis le surnom de

mon cousin l'avocat.

XV,

Autour de ces princes s'étaient formées comme des cours particulières; chacun avait ses favoris, ses protégés et ses petites intrigues. MONSIEUR aimait les comtes d'Avaray et de la Châtre, ses fidèles serviteurs. Le comte d'Artois était déjà l'inséparable de la famille Polignac, et partageait avec eux et la reine, les

faveurs du livre rouge. M. d'Orléans voyait MM. Rochambeau, de la Fayette, et Lepelletier de Saint-Fargeau, le parti anglais et réformateur. M. le prince de Condé était entouré de la noblesse d'épée, et M. de Conti, des parlementaires. Mais toute cette cour était dominée par un esprit d'intrigues; on se disputait les faveurs: un regard de la reine était acheté par le cardinal de Rohan, au prix du fameux collier. L'adjudication des fermes, la feuille des bénéfices, tout était l'objet de honteuses spéculations. Le plus honnête homme, l'infortuné Louis XVI, laissait ainsi aller l'état vers la grande révolution qui se préparait.

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