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Un troisième parti de l'émigration comprenait les constitutionnels, sous l'influence de Mme de Staël, et dont les chefs étaient MM. de Narbonne, de Montmorency, le comte de Montesquiou, etc. C'était par eux que la restauration aurait dû agir, pour obtenir quelque crédit en France. Mais c'était précisément ceux que l'émigration pure avait en horreur; on les considérait comme les auteurs de la révolution comme les hommes qui avaient renversé la vieille monarchie. Cependant Louis XVIII dont l'esprit était si juste, consultait souvent les principaux d'entre les constitutionnels, et ce fut d'après leur avis qu'il lança sa proclamation explicative, après la tentative malheureuse de Lavilheurnoy.

Voici quels en étaient les termes : « Français, nous avons dit à nos agens et nous leur répétons sans cesse, rappelez notre peuple à la sainte religion de ses pères et au gouvernement paternel qui fut si long-temps la gloire et le bonheur de la France. Expliquez-lui la constitution de l'état qui n'est calornniée que parce qu'elle est méconnue. Instruisez-le à la distinguer du régime qui s'était introduit depuis trop long-temps. Montrez-lui qu'elle est

également opposée à l'anarchie et au despotisme. Consultez les hommes sages et éclairés sur les parties dignes de perfection dont elle est susceptible, et faites connaître les formes qu'il faut adopter pour travailler à son amélioration. >>

Ce n'était plus le même langage. Une fois ces concessions faites, il y avait moyen de rapprochement, c'est ce qu'on tenta au 18 fructidor; mais la partie pure de l'émigration net fut pas satisfaite des termes de la proclamation; elle y voyait la possibilité d'un système libéral. Les constitutionnels et ce qu'on appelait encore les orléanistes furent alors l'objet des plus violentes diatribes. Conduite maladroite dont la branche aînée des Bourbons ressent aujourd'hui la funeste erreur! <«< Il ne faut pas que MONSIEUR se dissimule, disait M. de Vauban, que la faction d'Orléans s'agite dans tous les sens, qu'elle est renforcée par tout ce qui s'appelle constitutionnel qu'elle acquiert de jour en jour plus de consistance*. Si la France, ou plutôt les meneurs,

* Je n'ai point cru devoir rapporter les expressions de haine de la vieille émigration contre M. le duc d'Orléans, aujourd'hui Roi des Français; elles ne doivent servir à l'histoire que comme document, pour faire connaître l'esprit désordonné des émigrés.

appelaient le fils du duc d'Orléans au trône, vous le verriez entrer l'épée à la main, pour assurer par la valeur, une usurpation que vous auriez peut-être le regret de voir reconnaître. La république ne l'a-t-elle pas été déjà? Il courrait à une gloire que la postérité lui accorderait peut-être un jour. »>

Voilà dans quels termes de prédictions l'émigration passionnée parlait de l'union du duc d'Orléans avec les constitutionnels! Il est arrivé ce jour où ils se sont entendus! à qui la faute!

LA RESTAURATION, PAR PICHEGRU.

1796.

Les émigrés avaient eu d'abord l'idée qu'il suffirait à quelques régimens de se montrer pour faire tomber nos frontières. Ils n'avaient pu croire à cet enfantement des armées républicaines débordant sur toutes les rives du Rhin. Leur enthousiasme de coalition s'affaiblit alors. Ils cessèrent de croire qu'un escadron de houlans ou le corps des hommes d'armes suffiraient pour porter sur le bouclier le roi de France à Versailles. Des agens qui entouraient le prince de Condé lui persuadèrent qu'on pourrait facilement entraîner à la cause royale quelques uns des chefs des grandes armées républicaines, et l'on jeta d'abord les yeux sur Pichegru.

Pichegru avait commandé avec le plus grand éclat les armées de la république; il venait de conquérir la Hollande avec une hardiesse de

valeur et de tactique qui avait excité l'admiration de l'Europe. Il commandait alors l'armée française du Haut-Rhin, opposée précisément au corps d'émigrés du prince de Condé. Le géné ral républicain était chargé d'arrêter les Autrichiens devant Huningue. On savait dans le camp de Condé que l'ambition de Pichegru n'était pas satisfaite, qu'il avait à Paris un parti politique dans les conseils; que l'armée qui obéissait à ses ordres était mal payée, mal vêtue, et qu'il y avait moyen d'en gagner plusieurs chefs.

En conséquence le prince de Condé chargea de cette périlleuse mission un libraire de Bâle, M. Fauche-Borel, homme actif, plein d'ardeur et d'intrigues. M. Fauche se rendit à Lauterbourg, centre des opérations du général en chef. N'ayant pu le joindre, il court à Huningue, et s'introduit sous différens prétextes dans la pièce où se promenait le général. Fauche-Borel le regarde fixement, et avec tant d'affectation, que Pichegru, soupçonnant qu'il a quelque chose à lui communiquer, dit à haute voix : « Je ne dînerai point ici aujourd'hui ; j'irai à Bolpsein, chez Mme Salomon (c'était la maîtresse de Pichegru). En même temps il jeta un regard très-expressif sur Fauche-Borel. L'agent

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