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que les armées françaises pénétrèrent dans ce sanctuaire de la paix : le prestige des barrières naturelles qui le faisait croire inacces

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sible, s'évanouit ; et celui de l'inviolabilité des constitutions fut aussi promptement dissipé. Le délire de l'égalité, la fureur des innovations marchant sur les traces des brigades françaises, inondèrent rapidement et subjuguèrent l'Helvétie. Sur quelque fondement que repose la sécurité des États, il y existe toujours des élémens d'opposition, des fermens de discorde qui n'attendent pour éclater qu'une occasion favorable. Les plus vieux gouvernemens sont précisément ceux qui doivent le plus les redouter, parce qu'ils y ont acquis plus de force; et telle était en effet la disposition des esprits chez le plus grand nombre des citoyens, dans les cantons aristocratiques les plus exposés à l'invasion; au lieu de concourir à la défense commune du territoire et de la liberté helvétique, avec la même énergie qui fit triompher leurs aïeux des fiers Bourguignons, les habitans des petites villes et des campagnes se soulevèrent au

nom de l'égalité, et se livrèrent aux vainqueurs les vieilles constitutions s'écroulėrent, et les novateurs, protégés par les gouvernemens éphémères et convulsifs de la république de France, furent, comme tous les disciples, plus ardens que leurs maîtres dans cette funeste imitation. Des familles entières, persécutées à cause de leurs anciens priviléges, coururent chercher un refuge en Autriche : leurs biens furent confisqués et vendus; les magistrats les plus influens furent exilés. Cependant, les chances de la guerre ayant ramené pour quelque temps en Suisse, les armées autrichiennes, les familles fugitives et les magistrats que les Français avaient forcés de s'éloigner de leur patrie, se rangèrent sous les bannières de leurs anciens ennemis; et partout où elles purent triompher, les aristocrates ne manquèrent pas de se faire réintégrer dans la pleine jouissance de leurs droits. Ils leur furent promptement arrachés par les nouveaux succès des armes françaises; mais, cette fois, la victoire plus constante donna plus de force

au système d'unité et d'indivisibilité, chimère favorite des propagateurs des doctrines républicaines, dont ils poursuivaient avec persévérance l'impossible application.

Le directoire français imposa à la Suisse toutes les formes de son gouvernement, et le pouvoir tomba dans les mains des plus furieux démagogues, qui ne purent l'exercer que par la violence: ils proclamèrent l'égalité absolue des droits, et tentèrent vainement d'établir l'égalité des charges publiques; les cantons démocratiques furent précisément ceux qui résistèrent le plus à cette révolution si contraire à leurs intérêts : froissés par ce gouvernement militaire et centralisé, ils s'insurgèrent; et leur soumission ne fut obtenue qu'au prix du sang: des femmes, des enfans furent fusillés, et l'histoire placera cette atroce persécution au rang des plus grands crimes.

Ce gouvernement unitaire devenu odieux, n'était soutenu que par la présence des armées françaises; il se traîna péniblement jusqu'à l'époque du traité de Lunéville. L'art. 11

de ce traité, garantissait l'indépendance de la république Helvétique et le droit de ce peuple à se donner la forme de gouvernement qui lui conviendrait.

Dans la situation où se trouvait alors la Suisse, cette déclaration solennelle n'était qu'un signal de guerre civile; l'affranchissement du joug militaire de la France n'y pouvant faire triompher ni les partisans de l'ancien régime ni les enthousiastes d'une constitution purement démocratique et homogène dans tous les cantons, l'indépendance et la neutralité que les hautes parties contractantes à Lunéville feignaient de vouloir rétablir, ne pouvaient reposer sur aucune garantie.

Le parti de la révolution qu'on appelait la faction française, était soutenu par la majorité de la nation jalouse de consolider la conquête de ses droits politiques; et cependant, le parti de l'ancien régime avait conservé beaucoup d'influence sur les hommes les plus éclairés, sur les vrais amis de l'indépendance de leur malheureuse patrie; ce parti

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comptait dans ses rangs les hommes les plus distingués par leurs talens et leur expérience. Un troisième parti s'attachant aux intérêts nés du nouvel ordre de choses voulait opérer la fusion du fédéralisme et du gouvernement unitaire. Pour prévenir de nouveaux désordres, il eût fallu que la France et l'Autriche, agissant avec une généreuse bonne foi et dans l'intérêt du pays, eussent de concert comprimé les partis, et les eussent contraints d'accepter leur médiation: mais la cour de Vienne voulait faire prédominer le parti aristocratique, et se réserver son influence toujours plus ferme et plus constante que celle des partis populaires; tandis que que le premier Consul, qui ne considérait la Suisse que sous les rapports militaires et comme une frontière extérieure, voulait centraliser son administration pour la tenir plus sûrement dans sa dépendance; il trouvait dans le choc des passions, dans la dissidence des opinions sur la forme du gouvernement, le prétexte qui lui était nécessaire pour prolonger l'occupation du territoire, détacher le Valais de

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