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Le droit des gens, dit encore l'oracle des lois, est fondé sur ce principe, que les diverses nations doivent se faire pendant la paix autant de bien, et dans la guerre le moins de mal qu'il est possible, sans nuire à leurs intérêts.

Ce droit des gens se forma, dit-on, dans notre Europe moderne, par la tradition deș usages des Romains, et par celle des lois germaniques. Il suivit les progrès de la civilisation dépouillé de la rouille des temps barbares, il acquit aux beaux jours de la chevalerie, au milieu des violences du régime féodal, toute la force des principes religieux; il suppléa les lois positives, il devint une sorte de législation générale à laquelle toutes les souverainetés se soumirent. Dans le 15° et le 16 siècles, de grands publicistes, Grotius, et après lui Puffendorf, rendirent un éminent service à l'humanité, en fixant les principes du droit des gens par ceux de la loi naturelle : ils en firent un corps de doctrine; et l'on dut sans doute à l'influence de leurs nobles enseignemens l'esprit de justice et de

modération qui, pénétrant peu à peu dans les conseils des souverains, amena le congrès et la paix de Munster.

Cette mémorable transaction, la plus générale et la plus équitable qui ait jamais balancé tant d'intérêts divers, et les ait fait concourir sous la réciprocité des garanties à l'intérêt commun de la conservation de la paix, fut à la vérité pendant près de deux siècles le fondement du droit public de l'Europe; mais l'autorité de ce code politique fut une trop faible digue contre l'ambition des puissances qui tendaient à s'agrandir. Les plus fortes surent trouver dans ce mémorable contrat des clauses propres à pallier leurs usurpations; les plus faibles l'invoquèrent vainement. Ne nous arrêtons point aux nombreux exemples que nous avons rappelés ailleurs; disons seulement que vers la fin du 18° siècle, avant l'explosion de la révolution, les droits des nations furent totalement méconnus par les mêmes puissances qui depuis ont prétendu les faire revivre : non, il n'y a plus eu de droit public en Europe depuis le partage de la Pologne.

L'injuste agression d'une puissance contre une autre; l'invasion de la Silésie par le grand Frédéric; celle du territoire des Suisses par le Directoire de la république française; le détrônement des princes indiens par les Anglais, sont des violences faites à l'ordre social : mais dans ces abus de la force et du droit de la guerre, le principe du droit des gens auquel le conquérant porte atteinte est pourtant conservé, car il lui rend hommage par les prétextes même plus ou moins spécieux dont il couvre son agression. Il n'en est pas de même quand cette violation du droit naturel et du droit des gens, quand Ja ventilation d'un corps de nation, le parfage de son territoire, la distribution des âmes, l'attribution des droits de souveraineté sont, au sein de la paix, froidement résolus dans un congrès de puissances, qui n'ont d'autre titre de possession à faire valoir sur un pays que celui de la force et de leur propre convenance. Alors toutes les idées du juste et de l'injuste se confondent, et l'état social n'a plus de moralité.

Tel a été le coup

funeste porté par

le

par

tage de la Pologne à l'association des états de l'Europe; toutes les garanties mutuelles ont été infirmées, la base sur laquelle elles reposaient a été détruite : il faut, pour la repro duire, qu'il naisse d'un nouvel ordre de choses, de l'essence et des formes des gouvernemens, d'autres et de plus solides principes de droit public.

Faut-il s'étonner si depuis ce grand naufrage, l'ambition et la cupidité n'ont plus connu de frein; si chaque gouvernement a voulu tout ce qu'il pouvait, et faut-il attribuer à des causes secondaires la désorganisation générale? De si hauts exemples ne restèrent pas sans imitateurs, et les peuples aussi ne furent point spectateurs impassibles de l'asservissement des Polonais. Les derniers soupirs de leur liberté expirante retentirent dans tout l'univers habité; un demisiècle n'a point affaibli ces impressions; tant que durera leur existence politique, les nations du vieux continent redouteront comme le dernier des malheurs d'avoir à subir le sort de la Pologne, et se tiendront en garde

contre ces grands attentats. La raison publique, non plus cet être fantastique auquel de vils démagogues vouèrent un culte ido lâtre, mais la saine opinion, guidée par l'équité naturelle, a fait de tels progrès parmi les hommes, que les gouvernemens monarchiques sont insensiblement conduits à chercher dans ce sentiment universel le plus solide appui de leur pouvoir légal.

La conduite de Bonaparte dans le dénoûment des affaires des Suisses, fut un hom mage rendu à cet esprit du siècle qui domine les dominateurs ; après avoir désarmé les partis et les avoir réduits au silence, il ne voulut point dicter la loi, et s'astreignant au rôle de médiateur, dès que les cinquante-six députés des cantons furent rassemblés à Paris le 10 décembre 1802, il leur fit connaître ses intentions par une lettre dont nous rappor tons ici les passages les plus importans, et qui fut publiée comme un manifeste.

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