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de force de conviction? Pourquoi ce puissant intérêt, ce gage du bonheur de la vie présente ne saisirait-il pas la raison et l'opinion publique aussi-bien que le gage du bonheur de la vie future?

Les esprits véritablement éclairés (et le nombre en est incontestablement plus considérable qu'il ne le fut en aucun temps) s'attachent de plus en plus à cette idée positive, que rien n'empêche de mettre en pratique la théorie de la meilleure forme de gouvernement. Il faut bien enfin reconnaître avec eux que cette théorie n'est point vaine, qu'elle est, ainsi que toutes les connaissances humaines, fondée sur des axiômes, sur des expériences constatées: ces expériences ont été faites bien avant nous, chez des peuples non moins civilisés, dans des états, relativement au reste du monde connu, et respectivement entre eux, aussi puissans que ceux des temps modernes. Les écrits des plus anciens législateurs, ceux des philosophes tels que Platon et Aristote sont d'éternels témoignages de cette vérité : on trouve, même dans leurs erreurs, la preuve qu'ils avoient profondément médité sur les institutions sociales les plus propres à conserver la liberté, par l'énergie du gouvernement: le plus érudit et le plus éloquent de nos philosophes, l'abeille de la Grèce, Barthélemi, dans le LXII® chapitre de son Anacharsis (de la Nature des gouvernemens suivant Aristote et d'autres philosophes), nous

a donné une excellente analyse de tout ce que les sages, dans leurs divers systèmes, avaient enseigné sur la politique; il y résume les principes de cette science qui, selon l'opinion des anciens, et comme l'a fort bien exprimé le savant traducteur d'Aristote, n'était que le complément de la morale. En relisant ce beau fragment de l'abbé Barthélemi on s'affermit dans cette conviction que ces génies immortels avaient poussé leurs recherches sur l'état de l'homme en société, aussi loin que puisse aller l'intelligence humaine : le flambeau qu'ils allumèrent n'a pu s'éteindre dans la longue nuit des temps barbares; il a brillé d'un plus vif éclat dès la renaissance des lettres; les principes qu'ils avaient fixés et consacrés, ont peu à peu dissipé les ténèbres de l'ignorance; les germes semés par la docte antiquité ont été recueilpar d'antres génies, et parmi ceux-ci la France peut s'enorgueillir d'avoir produit les plus illustres. Une culture. plus étendue et perfectionnée par les progrès de la civilisation, par ceux des sciences et des arts, a fécondé ces germes; leur développement ne pouvait être moins rapide; aucune puissance humaine n'aurait pu le restreindre; la prudence et l'habileté des chefs des nations ne peuvent s'appliquer utilement et glorieusement au bonheur public, et y diriger ce grand mouvement qui les entraîne qu'en le secondant à propos.

lis

Ceux qui s'alarment des progrès des lumières, et par conséquent de la raison, à cause des passions et des désordres qui en empoisonnent les fruits, pensent qu'on aurait pú, qu'on pourrait peut-être encore prévenir cette inondation; ils raisonnent comme si un seul homme tenant dans sa main fermée toutes les vérités, eût dû se garder de l'ouvrir : mais pour faire trève à leurs regrets et à leurs reproches, qu'ils suivent la progression croissante depuis le premier terme jusqu'à celui que nous voyons, et qu'ils assignent, s'ils le peuvent, ce point où elle aurait pu s'arrêter.

La doctrine des anciens philosophes était, même de leur temps, une sorte de mystère. Leurs écrits, transmis à leurs disciples, étaient gardés, enfouis comme des trésors. Ceux qui pouvaient les acquérir, loin de les publier, se les appropriaient, et nous devons au hasard la conservation et la découverte de ces mines, si riches d'enseignement, que nos études et nos recherches ne les ont pas épuisées.

Mais au lieu de ces transmissions mystérieuses et presque toujours orales dans un cercle d'initiés, l'art de l'imprimerie les a tellement multipliées, que les principes de morale et de politique, base de la science du gouvernement, sont pour ainsi dire de-' venus usuels à l'instar des connaissances physiques et parallèlement avec elles.

La politique extérieure des états, c'est à dire leurs rapports comme sociétés distinctes, et leurs obligations réciproques, furent l'objet des premières recherches des publicistes modernes ; ils y appliquèrent ces mêmes principes qu'ils venaient de puiser dans les œuvres des philosophes grecs et romains, et dans les saintes Écritures, source non moins abondante, Là commença, vers le seizième siècle de l'ère chrétienne, la grande révolution qui semble devoir s'achever dans le dix-neuvième siècle : les progrès furent lents jusques au dix-septième siècle. Dès le treizième, Thomas d'Aquin (saint Thomas), dont l'esprit supérieur ne put être étouffé par les subtilités de l'école, avait, dans ses Opuscules philosophiques, traité des devoirs des princes, et Gilles de Rome son élève, qui fut le précepteur de Philippe-le-Bel, écrivit sur le même sujet. Ce ne fut qu'au seizième siècle, que le goût de la littérature et des beaux-arts, en s'épurant par la recherche de bons modèles de l'antiquité, fixa l'attention et les études des écrivains sur les questions politiques. Cependant, și l'on jette les yeux sur la situation de la partie la plus civilisée de l'Europe à cette époque ; si l'on se rappelle les guerres atroces, les fréquentes révolutions des républiques et des petites souverainetés d'Italie, la complication de leurs intérêts avec ceux des deux grandes puissances inconciliables, les intrigues des papes, le brillant, mais

scandaleux pontificat de Léon X, le manque de foi, l'impudeur des violations de toute espèce dans les transactions entre les divers gouvernemens, on voit que l'impunité du crime, l'oppression et la misère des peuples, marquèrent des plus funestes signes cette époque de la renaissance des lettres : mais les études philosophiques ne tardèrent point à redresser les erreurs de la politique. Machiavel, dont le génie, cédant à l'esprit de son siècle, corrompit la morale par de fausses applications, n'en ouvrit pas moins la carrière, et fut bientôt suivi par des écrivains plus amis de la vérité, plus dignes de servir sa cause. Bodin, dans ses Recherches historiques, et dans ses Livres sur la répu– blique, proclama les vrais principes de la monarchie tempérée, et de la tolérance en matière de religion. Grotius, aussi recommandable par son caractère que par ses talens, l'esprit le plus éclairé et le plus universel qui brilla dans le dix-septième siècle, l'ami de l'infortuné Barneveld, ne fut pas seulement le défenseur de la liberté de sa patrie, il porta le flambeau dans les routes ténébreuses de la politique. Son Traité du droit de la guerre et de la paix, opéra une véritable révolution. Aucun ouvrage n'avait jusqu'alors produit une sensation aussi générale. Grotius, en s'élevant contre l'arbitraire, et l'abus de la force, traça d'une main ferme les devoirs respectifs des peuples et des souverains. Les cabinets s'étonnèrent de cette autorité

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