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porations aussi contraires à la géographie physique des divers pays, qu'aux mœurs et aux intérêts des peuples.

Ne considérant ici que le fond des choses et non les résultats des jeux de la fortune, on est forcé de reconnaître que cette tendance de tous les états vers leur accroissement est la conséquence de la loi commune à tous les corps organisés; ils doivent, s'ils ne sont détruits par des phénomènes imprévus, développer leurs forces vitales, et atteindre tôt ou tard jusqu'au degré d'extension et de puissance audelà duquel ils ne peuvent plus que décheoir. Des obstacles momentanés n'arrêtent point le cours de la nature; plus on élagué un arbre vigoureux, et plus la séve a d'activité; il faudrait, pour dessécher ses rameaux, que la foudre eût frappé jusqu'à ses racines.

La France avait donc atteint ses limites naturelles aux sonimités des Alpes comme sur le Rhin. Elle eût pu s'y renfermer et les rendre inexpugnables. Ces lignes étaient bien meilleures que celles de la vieille France, hérissées de forteresses dont l'enchaînement pouvait spéculativement former un système de défense, et qui pourtant ne servirent qu'à disperser et paralyser les débris de ses armées. Bonaparte, accoutumé par la victoire à mépriser tout autre moyen de conservation que celui de prévenir l'ennemi et

de détruire dans son propre pays ses ressources de toute espèce tandis qu'il ménageait les siennes, négligeait d'affermir les nouvelles frontières de l'empire; il ne fortifia que les points qui pouvaient servir d'appui à ses bases d'opérations offensives, et n'arrêta jamais un plan général de défense intérieure. Toujours occupé de projets d'expéditions lointaines séduit par le succès de l'entier amalgame des provinces de la Belgique, de la Savoie et du Pićmont avec les départemens limitrophes de l'ancienne France, il ne songeait plus qu'à lier, par des routes militaires, à la manière des Romains, ces provinces incorporées avec les contrées plus éloignées qu'il avait conquises; celles-ci non encore soumises aux lois françaises n'en étaient pas moins rangées sous son obéissance.

C'est dans cette vue qu'il s'attacha à perfectionner la route d'Italie par le Mont-Cenis, et qu'il fit ouvrir, à grands frais, celle du Simplon par le Valais, communication la plus directe de Genève à Milan. La construction en fut ordonnée quelques mois après la bataille de Marengo, par un arrêté des Consuls du 7 septembre 1800.

Le général Lery, commandant l'arme du génie à l'armée des Grisons, fut d'abord chargé de diriger les reconnaissances des différens débouchés entre le lac de Genève et celui de Constance, « d'examiner le

» système de défense le plus convenable à cette partie » de la Suisse, et de déterminer principalement celui » nécessaire pour la vallée du Rhône dans le Valais, » d'après les dispositions relatives à la communi>> cation immédiate qui devait être établie entre la >> France et la Cisalpine, en ouvrant par le Simplon » une route pour le canon, de Brigg à Domo ďOs

sola.» Ces reconnaissances furent faites au milieu de l'hiver; saison la plus propice à cause de la fermeté des neiges, et parce qu'on peut mieux juger des encombremens et des points les plus menacés par les avalanches. Dès le 20 janvier 1801, le général Lery adressa au ministre de la guerre et au général en chef Macdonald un mémoire descriptif de toutes les vallées formées par les sources et les affluens du Rhône, de la Reuss et du Rhin, avec l'indication de tous les postes à occuper sur la ligne de défense de la Suisse par rapport à l'Italie à l'est et l'ouest du mont Saint-Gothard. Ce mémoire sommaire auquel était joint un itinéraire de toutes les routes chemins et sentiers, est le travail le plus complet, le plus clair et le plus sûr qui ait été fait sur cette partie de la grande chaîne des Alpes : les vues générales qu'il renferme s'accordent avec celles que nos lecteurs ont pu remarquer dans l'excellent mémoire du général Lecourbe, inséré dans les pièces justificatives du deuxième volume de cet ouvrage.

Après cette reconnaissance, d'habiles ingénieurs

pour

furent envoyés du côté du Valais à Brigg, et du côté de l'Italie à Domo d'Ossola, faire les projets de la nouvelle route, sans s'astreindre à suivre le sentier à peine praticable pour les mulets, et le seul par lequel on pût gravir, en passant à travers les torrens, la sommité de la chaîne entre la gorge de la Saltine sur les eaux du Rhône, et le val de Vedro sur celles du Tesin.

Le général Tureau, commandant les troupes françaises stationnées dans le Valais, fut chargé de la surveillance des travaux dont il rendait compte au ministre de la guerre ; mais comme ces travaux étaient exécutés sous l'inspection des ingénieurs des ponts et 'chaussées, le directeur général de cette administration, en fut spécialement chargé.

Indépendamment des difficultés que présentait dans les hautes vallées du Rhône et du Tesin l'exécution de la route, il fallait, au milieu des précipices et des masses de rochers escarpés à pic, ou diversement inclinés, couper et soutenir de larges rampes praticables pour l'artillerie, et leur conserver une pente proportionnelle : ces travaux, les plus étonnans qu'aient exécutés les modernes, furent commencés pendant l'hiver de 1801, et portés à leur perfection en moins de six campagnes.

Suivant les itinéraires, la distance de Genève

(point de départ) à Milan est de 78 lieues et demie, qui se partagent de la manière suivante :

De Genève à Brigg, par la rive gauche du lac 38 lieues et demie ;

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De Brigg à Domo d'Ossola, 15 lieues et demie ; De Domo d'Ossola à Milan, 24 lieues et demie. La route de Genève à Milan, par le grand SaintBernard, n'est que de 72 lieues et demie; mais celle du Simplon, quoique de 6 lieues plus longue, est, militairement parlant, plus directe. Pour s'en convaincre, il faut surtout considérer les points d'arrivée au pied des montagnes, du côté de l'Italie. Quand on est à Aoste, au pied du Saint-Bernard, il reste 38 lieues pour aller jusqu'à Milan. On a d'ailleurs encore devant soi le défilé du château de Bard、 et le passage du Tesin; au lieu qu'à Domo d'Os sola, au pied du Simplon, il ne reste que 24 lieues et demie, dont un tiers par la navigation de Margozzo, à Sesto sur le lac Majeur. Cette navigation est protégée par la place d'Arona sur la rive droite du lac; on a passé le Tesin, et il n'y a plus qu'une marche de Sesto à Milan on arrive donc ainsi, -par la route du Simplon, au coeur de la Lombardie, presque en sortant des hautes montagnes.

L'ouverture de cette nouvelle communication de la France et de la Suisse occidentale avec l'Italie supérieure mécontenta beaucoup la majorité des can

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