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un des premiers de la ville. En passant, il reproche à mes saïs de marcher devant un chrétien, et surtout devant un Français, et les menace de la bastonnade après mon départ. Je crus ne devoir pas garder le silencé sur une pareille insulte; et, rentré chez moi, j'envoyai le citoyen Jaubert auprès du pacha, pour me plaindre et demander une prompte réparation. Je lui déclarai que j'entendais que cet homme se rendît chez moi publiquement, pour me demander pardon, se mettre à ma disposition, et implorer ma pitié. Il se trouva que Mustapha était très-protégé du pacha, et l'on chercha à arranger la chose autrement; mais j'insistai en déclarant formellement au pacha, que si cette réparation n'avait pas lieu de la manière dont je l'avais demandée, je partirais sur-le-champ, et que j'écrirais immédiatement à Paris et à Constantinople, pour me plaindre.

Cette déclaration produisit tout l'effet que j'en attendais, et Mustapha effrayé se rendit le lendemain chez moi, conduit par M. Rosetti, me demanda pu→ bliquement pardon et se mit à ma disposition. Je luí dis que mon premier mouvement avait été de lui faire trancher la tête, et que je n'avais accordé sa vie qu'aux sollicitations du pacha et de M. Rosetti; mais que, s'il lui arrivait dorénavant d'insulter des Français ou des gens de leur suite, sa perte serait inévitable.

Cette affaire, qui se divulgua à l'instant dans la ville, produisit le meilleur effet.

Le même jour on chercha à exciter les Albanais contre moi. Deux lettres venant de Rosette, et écrites par des protégés anglais, assuraient que l'on avait signalé, sur les côtes de la Natolie, une flotte française de trois cents voiles; que nous marchions sur ·Constantinople, et que mon séjour en Égypte n'avait d'autre but que de les tromper et de les endormir sur leurs dangers. Je fis venir chez moi le négociant qui avait reçu la lettre; je le sommai de me la remettre, ce qu'il fit aussitôt : je l'envoyai à l'instant au pacha lui-même, en lui faisant dire que ces nouvelles absurdes étaient répandues pour occasionner des désordres, et pour chercher à altérer la bonne harmonie qui existait entre la France et la sublime Porte; que j'en garantissais la fausseté sur ma tête.

Le pacha avait connu le piége, et n'en avait point été la dupe. Il me communiqua même une lettre du général Stuart, qu'il venait de recevoir, et à laquelle était joint un ordre du jour du premier Consul, lors de son commandement de l'armée d'Orient. Cet ordre du jour, du mois de septembre 1798, rappelait aux Égyptiens que Constantinople était tributaire de l'Arabie, et que le temps était venu de rendre au Caire sa suprématie, et de détruire en Orient l'empire des Osmanlis. Le général Stuart

priait le pacha du Caire de se bien pénétrer de l'esprit de cet ordre, et de voir après, quelle devait être la sincérité de notre attachement et de notre paix avec les Turcs.

Je fus indigné de voir qu'un militaire d'une des nations les plus policées de l'Europe se dégradât au point de chercher à faire assassiner, au moyen d'insinuations de cette nature. Il a été trompé dans son attente. Le pacha m'a prodigué, jusqu'au moment de mon départ, les traitemens les plus flatteurs, et le commissaire anglais au Caire a été témoin de l'attachement de cette ville aux Français.

Les deux personnages les plus influens aujourd'hui auprès du pacha du Caire sont Rosetti et Maharouki; ils détestent également la France, et sont en guerre ouverte entre eux. On croit généralement que Rosetti a trahi la cause des beys, et qu'il est maintenant pour les Osmanlis. Cependant cet homme astucieux se ménage la faveur des mamelouks s'ils sont vainqueurs. Il fait dans ce moment avec le pacha un commerce de safran et de grains, qui en peu de temps a augmenté sa fortune de plusieurs millions.

Shérif Effendi, avant mon départ, a été nommé pacha de Jedda, et remplacé par Najaï-Effendi, qui est en route pour se rendre au Caire. Il a refusé son pachalic, et compte s'en retourner à Constantinople, après avoir été en pèlerinage à la Mecque.

Muhammed, pacha du Caire, est un esclave de la Géorgie, élevé dans la maison du capitan - pacha, à qui il est entièrement dévoué; il a beaucoup du caractère de son maître. Le cheik El-Sadat, malgré les vexations qu'il a essuyées après le départ du général Bonaparte, m'a fait prier de lui envoyer le citoyen Jaubert, à qui il a protesté le plus grand attachement à la personne du premier Consul : « Le » séjour de ce grand homme en Égypte, m'a-t-il dit, » n'a été marqué que par des bienfaits, et ma patrie >> ne doit s'en ressouvenir qu'en le bénissant : il était >> juste et bon. >>

J'ai vu plusieurs cheiks d'Arabes; tous se plaignent des Osmanlis.

Le mutessib ou chef de la police du Caire, c'est Zou'f-Fukiar, ancien intendant du premier Consul.

J'ai reçu une députation des moines du MontSinaï, que j'avais déjà recommandés au pacha; j'ai écrit à leur supérieur, pour l'assurer de la bienveillance et de la protection du premier Consul. Les moines de la propagande au Caire, que j'ai remis sous la protection nationale dont ils jouissaient avant la guerre, ont célébré un office solennel et chanté un Te Deum en action de grâces pour la prospérité du premier Consul. J'ai assisté à cette cérémonie à laquelle étaient accourus tous les chrétiens du Caire, j'ai assuré les Pères de la propagande qu'ils rentraient

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dans la jouissance de tous leurs anciens priviléges. La veille de mon départ (le 3 novembre), j'ai vu encore le pacha ; je lui ai recommandé tous les chrétiens généralement, ainsi que les Turcs qui, pendant le séjour de l'armée française en Égypte, avaient eu des relations avec elle, il m'a non-seulement promis de les respecter, mais même de les traiter avec bonté, Le 4 je suis parti dans une kange du pacha pour me rendre à Damiette. Le pacha me fit escorter jusqu'à Boulak, avec les mêmes honneurs que le jour de mon arrivée. J'avais écrit au capitaine Gourdin de se rendre à Damiette avec la frégate, afin de passer en Syrie.

Le 6, je m'arrêtai quelques momens à Séménoud, et ensuite à Mansoura, où je vis le commandant de la ville et le cheik Esseid-Muhammed-el-Chenaoni, qui vinrent me visiter, ainsi que tous les autres cheiks. Je leur parlai dans les mêmes termes qu'aux autres différens cheiks de l'Égypte, et j'en reçus les mêmes protestations d'attachement.

La tour de Mansoura est détruite.

Le même soir j'arrivai à Damiette.

Je me rendis le lendemain chez Ahmed-PachaIlchil, créature du grand -visir; il me rendit ma visite le même jour, et il s'est parfaitement conduit avec moi pendant tout mon séjour dans cette ville.

Le 8 je fus visiter le fort de Lesbeh et les tours du

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