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DU STYLE

DES

COMPOSITIONS DIPLOMATIQUES.

OBSERVATIONS GÉNÉRALES.

Les relations des États ou des souverains entre eux donnent lieu à une multitude de communications écrites, soit qu'elles aient pour objet des droits ou des obligations réciproques, soit des affaires d'intérêt, d'amitié ou de parenté, soit des questions de simples procédés. Ces communications sont assujetties à un cérémonial plus ou moins déterminé par leur objet, et par les personnes dont elles émanent ou celles auxquelles elles s'adressent. Le style consacré à ces relations extérieures entre les puissances se nomme indifféremment style diplomatique, style de cour, style de chancellerie (2).

(1) Voy., plus loin, chap. 1, Protocole diplomatique et de chancellerie, et chap. vi, Appendice.

(2) Voy. les documents, chap. I, II, IV, vi; et T. I, § 45.

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Quoique les écrits en matière politique soient, par leur nature, susceptibles d'une infinité de nuances, ils sont cependant soumis à certaines règles de diction, déterminées par les convenances et par l'usage.

Moins que tout autre écrit, un acte diplomatique ne doit offrir rien de vague, ni de hasardé dans sa composition, mais, au contraire, aller au but par la voie directe; les idées doivent en être justes, la marche ferme et rapide, la diction correcte, les expressions claires, naturelles et précises: il faut qu'on y trouve ce tact des convenances qui sait toujours approprier le ton et le style aux circonstances et aux personnes, de manière à n'être jamais ni au-dessus ni au-dessous du sujet traité.

En diplomatie, il ne suffit pas d'être compris : il faut encore s'exprimer avec une netteté telle que la mauvaise foi ni la chicane ne puissent dénaturer, ni à l'aide de l'équivoque fausser le sens d'un mot ou d'une phrase, pour lui donner une interprétation forcée ('). Il faut donc, avant tout, se bien pénétrer de son sujet, n'y laisser aucun point obscur, et le consi

(1) Cette recherche scrupuleuse de la clarté doit même s'étendre jusqu'à la ponctuation; on a vu plus d'une fois le sens d'un article important dépendre de la place d'une virgule, et des contestations fâcheuses naître d'une circonstance en apparence puérile, mais en réalité très-sérieuse.

Nous citerons comme exemple une erreur d'accentuation qui souleva de nombreuses difficultés pour l'établissement légal de l'état civil des enfants d'un ancien ministre d'Esp gne à la cour de Saint-Pétersbourg. Le traducteur ou le copiste du document qu'il s'agissait de produire à cet effet avait placé un accent fort inopportun, qui transformait « les enfants naturels et légitimes de feu, etc., enfants légitimés. »

en

dérer sous toutes ses faces, afin d'en saisir tous les éléments. Cette clarté dans l'ordre des idées, condition absolue de toute bonne rédaction, se répandra d'ellemême sur l'expression de la pensée, soit par le choix des termes, soit par leur enchaînement.

Tout écrit politique doit non-seulement persuader mais convaincre, c'est-à-dire diriger ou déterminer, dans le sens le plus conforme aux intérêts qu'on défend, les opinions et par suite les actes relatifs à tel objet donné. C'est ainsi qu'on peut se proposer de faire envisager comme vrai ce qui paraissait faux, comme certain ce qui semblait douteux, comme légitime ce que l'on croyait injuste, comme honnête ce qu'on trouvait blamable, comme utile ou nécessaire ce qui paraissait dangereux ou superflu.

L'intérêt étant le plus puissant mobile en politique, le négociateur habile le fera toujours valoir de préférence aux motifs de droit, et même aux arguments étayés de preuves juridiques. Mais comme les puissances, de même que les particuliers, préfèrent toujours s'appuyer, autant que possible, sur des motifs plus respectables que leur propre intérêt, il faut, en leur présentant avec un certain ménagement les arguments fondés sur cette seule base, fortifier ces considérations égoïstes par des motifs plus nobles d'équité, de générosité ou de grandeur.

La concision doit être l'une des premières qualités de l'écrivain diplomatique. Moins prodigue de mots que riche de pensées, celles-ci doivent être justes et lumineuses, toujours en rapport direct avec le sujet, qu'il s'agit d'éclaircir et non d'orner.

Avant d'établir des principes ou d'alléguer des preuves, le premier soin doit être d'en examiner la justesse. S'étayer d'un principe faux, douteux, ou étranger à la cause, ce serait s'exposer à voir tomber avec lui l'édifice qu'il devait soutenir, et donner un grand avantage au contradicteur. Il ne faut donc s'appuyer que sur des principes généralement reconnus et sur des preuves irrécusables. On prouve les faits par des autorités, les droits par des titres, les principes par des raisonnements, les maximes pratiques par les avantages qui résultent de leur application, par les inconvénients qu'il y aurait à s'en écarter, et surtout par des précédents analogues.

Si l'obstination ou la mauvaise foi de ses adversaires réduit le négociateur à porter ses preuves jusqu'à une démonstration rigoureuse, il doit en faire disparaître la sécheresse et la forme prétentieuse. En s'attachant aux moyens décisifs, il ne négligera pas les demi-preuves, les probabilités, les vraisemblances et les analogies.

Dans tous les écrits destinés à établir ou à renverser des points de droit ou des prétentions quelconques, les citations sont admises; mais il faut, en évitant l'apparence d'une recherche ridicule d'érudition, ne les choisir qu'exactes et les employer avec sobriété. Lorsqu'il s'agit de réfuter des faits, des principes ou des maximes, on ne saurait mieux faire que de les combattre par d'autres maximes plus généralement admises, et par des principes ou des faits opposés. Nous insistons principalement sur l'emploi des exem

ples, qui entraînent souvent avant la réflexion, et qui doublent la force du raisonnement.

Toute composition en matière politique renferme des points principaux et des parties secondaires. Pour les exposer ou les développer selon leur importance, il faut savoir placer chaque chose dans son vrai jour, et ordonner les matières de telle sorte que les transitions ne soient point forcées, et que les arguments, se fortifiant l'un l'autre dans une gradation naturelle, complètent la conviction; enfin, on doit soutenir l'attention en sachant se restreindre et conclure. En un mot, bien dire dans l'ordre convenable tout ce qui doit être dit, et rien au delà, tel est le grand art du diplomate.

Nous répéterons à satiété qu'on ne saurait trop recommander aux rédacteurs d'actes et offices diplomatiques d'unir à la précision des idées la propriété des termes et la concision du style. Les circonlocutions, les épithètes oiseuses, les expressions ambitieuses ou recherchées, les longues périodes, les hors-d'œuvre, les lieux communs, sont plus particulièrement malvenus dans les écrits de ce genre, où tout étant grave et important doit marcher simplement et directement au but.

Il semble inutile de faire observer que des fautes contre la langue non-seulement jetteraient du ridicule sur le rédacteur, mais pourraient nuire plus ou moins gravement à l'objet traité. (Voy., chap. iv, Correspondance ministérielle et diplomatique.

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