Abbildungen der Seite
PDF
EPUB

Par le premier paquebot partant pour Constantinople, M. le président du conseil s'empressa, en racontant les faits, de fournir à la Porte, par l'entremise de M. le Chargé d'affaire de Grèce à Constantinople, les explications propres à l'éclairer sur la conduite de M. Musurus, et de donner, en la justifiant sur ce qui s'était passé, l'assurance que les intentions du roi et de son gouvernement n'étaient pas de nature à éveiller les soupçons ni les susceptibilités. Par la même occasion, M. Musurus transmit à son gouvernement une note adressée à M. Colettis, où l'incident était représenté sous les couleurs les plus sombres, où le manque de procédés était atténué par l'assertion qu'une démarche avait eu lieu de sa part le 24. Cette note contenait la première mention officielle des instructions dont M. Musurus, en quittant le bal, avait argüé pour la première fois.

M. Musurus ayant donc parlé d'une visite au président du conseil, dans la matinée du 24, le fait dut être vérifié, et nous sommes obligé de dire que M. Colettis, qui avait passé la plus grande partie de la journée chez lui, qui avait reçu de nombreuses visites, celles de plusieurs ministres étrangers, n'avait pas reçu la visite de M. Musurus, et que, quand il avait été absent, aucun des hommes de service à sa porte n'avait vu M. le ministre de Turquie, aucune carte n'avait été laissée, aucune lettre n'avait été adressée pour demander une entrevue. Enfin le secrétaire, qui, le 24 au soir, avait vu M. Colettis, n'avait dit aucun mot de cette visite, à laquelle, au dire de la note, ce secrétaire avait pris part.

La Sublime Porte, ne tenant aucun compte de la conduite antérieure de M. Musurus et des représentations qu'elle avait motivées, supposant le gouvernement grec informé des instructions relatives au visa, tenant les égards dus à un souverain et à son gouvernement pour exactement observés, induite en erreur sur l'origine et l'époque de la nomination du lieutenant-colonel Karatassos aux fonctions d'aide de camp du roi, aussi bien que sur plusieurs circonstances secondaires; la Sublime Porte, disonsnous, sans s'enquérir de la valeur d'une accusation portée par son représentant contre le souverain et le gouvernement auprès desquels il était accrédité, déclara le sultan offensé dans la per

sonne de M. Musurus, demanda une réparation dans un délai de trois jours, fixa les termes de cette réparation, et si elle était refusée ordonna à son ministre de quitter la Grèce.

Une résolution si précipitée causa au roi une douloureuse impression; cependant, ne perdant pas de vue le grand intérêt des bonnes relations entre les deux pays, voyant que les déclarations de la Porte élevaient l'incident jusqu'à la hauteur des deux couronnes, S. M. adressa, en date du 13 février, une lettre autographe à S. M. le Sultan, lettre concue dans les termes les plus propres à expliquer les paroles adressées à un agent qui semblait avoir oublié le but élevé de son mandat.

Cette lettre, tout le monde en conviendra, contient le désaveu le plus formel de toute intention blessante, et l'expression la plus franche du désir de maintenir les meilleures relations. Le président du conseil écrivit le même jour à A'ali-éfendi une lettre dont personne ne peut nier la parfaite convenance, et qui fut communiquée à M. Musurus, dans la ferme persuasion qu'informé de la démarche royale, il se déterminerait à attendre de nouveaux ordres. Un désir sincère de conciliation l'eût ainsi conseillé. D'autres inspirations l'emportèrent, et M. le ministre de Turquie, sur sa demande réitérée, reçut ses passe-ports.

La lettre autographe du roi ne trouva pas à Constantinople l'accueil qu'on était en droit d'attendre. S. M. le Sultan répondit en termes obligeants qu'il serait plus conforme à la dignité des deux couronnes de remettre la question à la sagesse des ministres. Ce fut dans le même sens qu'A'ali-éfendi répondit à M. Collettis.

On avait donc à Constantinople d'abord, sinon aggravé, au moins élevé la question en la plaçant entre les deux souverains; plus tard, on remettait le débat aux deux gouvernements. Celui de S. M. Hellénique ne put se méprendre sur la portée et le but de ces résolutions successives; en exprimant ses regrets, il entra dans la nouvelle voie, et ne tarda pas à tenter une seconde démarche conciliatrice. Tout en se prononçant par le motif même du désir d'un arrangement sincère et durable contre le retour de M. Musurus, il proposa, en date du 10 mars, d'envoyer à Constantinople un ministre dont le premier devoir serait d'exprimer

combien son gouvernement regrettait que des circonstances fâcheuses eussent amené une altération momentanée dans les bons rapports entre les deux pays. Le Chargé d'affaires de la Grèce dut en outre déclarer que tout ministre ottoman, représentant fidèle des sentiments et des intentions de son gouvernement, serait accueilli à Athènes avec tous les égards dus à l'Envoyé du sultan, et recevrait au premier moment de son arrivée les témoignages les plus précis du désir de faire ressortir de l'incident. même une entente conforme aux intérêts réciproques.

Cette démarche, qui, si le sultan avait pu se croire offensé, pouvait être considérée comme une réparation; cet appel sérieux aux intérêts vrais des deux pays, ne triompha pas d'une prévention malheureusement trop profonde; on y répondit par l'interruption complète des rapports diplomatiques et par la menace de mesures coercitives.

Pendant que tout cela se passait, une des grandes puissances, gardienne jalouse de la paix en Europe, proposa spontanément, dans l'intérêt de la Porte, autant que dans l'intérêt de la Grèce et de tant d'autres intérêts solidaires, un mode d'arrangement. M. le prince de Metternich fit, en date des 10 et 13 mars, les propositions suivantes :

La Grèce devait déclarer à la Porte qu'elle recevrait tout ministre, fût-ce même M. Musurus, avec les égards dus au représentant d'une puissance amie, pourvu qu'il arrivât avec des instructions conformes aux sentiments manifestés dans la lettre du sultan. Le gouvernement de S. M. Hellénique devait s'engager à tenir à ce représentant arrivant à Athènes un langage qui, sans coûter à la dignité du roi et du pays, exprimât le regret de ce qui avait amené une fâcheuse complication.

La Porte devait se tenir pour satisfaite de cette déclaration, envoyer à la place de M. Musurus un musulman; ou si elle tenait à renvoyer M. Musurus, ce ne devait être que pour peu de temps.

Le gouvernement de S. M. Hellénique, appréciant les sages et bienveillantes intentions de M. le prince de Metternich, renonça à ses protestations contre le retour de M. Musurus et accéda, le 28 mars, à la proposition du médiateur. Le gouvernement de

S. M. Hellénique devait attendre l'accueil que cette même proposition rencontrerait à Constantinople. Il en reçut un premier avis le 29 avril, par la communication que lui fit M. le ministre d'Autriche à Athènes d'une dépêche de M. l'internonce, en date du 25. Voyant par cette communication qu'il planait à Constantinople un doute sur l'acceptation du gouvernement hellénique, M. Colettis en renouvela l'assurance par une lettre au prince de Metternich, en date du 10 mai.

Cette déclaration réitérée du gouvernement grec s'était croisée avec une lettre adressée le 8 mai par M. le prince de Metternich, et arrivée le 20 à M. le ministre d'Autriche à Athènes. La double proposition était ainsi précisée. Il est utile de citer ici textuellement le paragraphe officiellement communiqué: « Vous êtes au fait des conseils que j'ai donnés simultanément à la Porte et au cabinet d'Athènes; mes conseils sont les suivants : Que le gouvernement hellénique annonce au divan qu'il recevra avec tous les égards qui lui sont dus tout envoyé du sultan, fût-ce même M. Musurus; que la Porte se reconnaîtra satisfaite de cette déclaration, et qu'elle ne renvoie pas M. Musurus à Athènes, ou si elle le renvoie, que ce ne soit pas pour y rester.

» J'ai, en retour de cette double ouverture, reçu une lettre du grand-vizir, qui renferme l'acceptation de ma proposition. Le comte de Sturmer a ajouté à l'envoi de la lettre de RéchidPacha l'expression de sa conviction qui est, à vue de pays, que le sultan, satisfait par la déclaration ainsi conçue de la cour d'Athènes, ne renverra plus M. Musurus. M. Colettis, de son côté, m'a adressé une lettre renfermant son plein assentiment à ma proposition. Les lettres des deux ministres me sont arrivées à vingt-quatre heures de distance; il est clair que j'ai dû dès lors regarder la question comme vidée. »

Cette première annonce officielle de l'adhésion de la Porte fut confirmée par la réponse de M. le prince de Metternich à M. Colettis, en date du 22 mai. M. le ministre d'Autriche à Athènes accompagna la remise de cette lettre de l'information que la Porte insistait sur l'envoi de M. Musurus, et du conseil d'abandonner à l'entente directe et confidentielle du cabinet de Vienne et de Constantinople la question de la durée du séjour de M. Musurus

à Athènes. Le gouvernement du roi reçut cette communication le 1er juin. Tout en regrettant que la Porte n'eût pas apprécié complétement la valeur politique du sage conseil de l'Autriche de ne pas renvoyer M. Musurus, tout en regrettant que, malgré l'espérance d'une résolution plus amicale qu'elle avait fait naître dans l'esprit de M. l'internonce, la Porte insistât de nouveau sur le renvoi d'un agent peu propre à maintenir les bonnes relations; tout en ne se dissimulant pas les graves inconvénients de ce retour, les dangers mêmes qu'il pouvait faire naître, le gouvernement du roi tint à honneur d'être fidèle à l'engagement pris envers l'Autriche; et respectant l'intention qui faisait désirer au cabinet de Vienne le changement indiqué dans les termes de la conciliation, il renonça à la fixation préalable de la durée du séjour de M. Musurus; il renonça à un acquiescement formel de la Porte à la condition du séjour limité, acquiescement qui, dans la première proposition, était la condition de celui de la Grèce au retour de M. Musurus. Le gouvernement du roi alla plus loin encore, il consentit à renoncer à l'énonciation même de la condition. Par ce sacrifice, le gouvernement du roi voulut donner tous les gages possibles de ses sentiments conciliants; il considérait, en outre, comme de son devoir de répondre par une entière confiance à la spontanéité de l'intervention bienveillante de l'Autriche.

Le 6 juin, M. le président du conseil adressa à M. le prince de Metternich la lettre pour A'ali-éfendi ; l'accompagnant d'une nouvelle expression du désir de renouer avec l'empire ottoman des rapports de sérieuse et efficace amitié.

Par des instructions adressées à M. le général de Prokesch, en date du 28 juin, M. le prince de Metternich approuva le sens de la lettre de M. Colettis à A'ali-éfendi, la renvoya en recommandant quelques changements de rédaction, et conseilla la transmission directe d'Athènes à Constantinople. Par ces mêmes instructions, M. le prince de Metternich précisa le langage à tenir à M. Musurus à son retour, ainsi que les points d'étiquette convenus entre lui et l'ambassadeur ottoman a Vienne. A la même époque, M. le ministre d'Autriche informa le cabinet d'Athènes qu'une nouvelle lettre du grand-vizir à M. le prince de Metternich, en date du 2 juin, annonçait que la Porte avait admis les

« ZurückWeiter »