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sentent une perspective vraisemblable d'utilité; mais observez que quand les patriotes vous diront que, dans une nouvelle diète, ils auront la supériorité d'influence dans les délibérations et les résolutions des états, c'est comme s'ils nous disaient : Dépensez deux millions pour nous dans deux ans, et les Suédois qui veulent le maintien du gouvernement actuel, étant amis de la France, et se trouvant alors à la tête de l'administration, prévaudront sur les Suédois qui, ayant les mêmes principes par rapport au soutien du gouvernement, et les mêmes vues d'ambition, sont les ennemis déclarés de la France.

Considérez attentivement deux choses, monsieur (je ne puis trop le répéter): 1° quelle utilité réelle peut résulter pour la France et pour le commerce de cette supériorité de nos amis? aucune car il en arrivera certainement un accroissement de faiblesse; et plus la Suède devient faible (ce qui se démontre à chaque diète), plus elle est inutile; 2° quand bien même l'on pourrait articuler quelques petits avantages à retirer de la supériorité de nos amis dans la diète prochaine, leurs antagonistes feront ce qu'ils ont fait depuis la diète passée, et suivront la même marche que nos amis suivent actuellement ils nécessiteront la convocation d'une nouvelle diète; alors nouvelles dépenses de la part de la France, moins de succès, et accumulation d'anarchie en Suède et d'inutilité pour le roi. Dans cet état de choses, il faut se déterminer positivement ou à être l'allié d'une puissance qui ait une consistance solide, ou à l'abandonner à son malheureux sort ce qu'il y a de pis c'est d'alimenter sans fruit les artisans de sa faiblesse.

D'après tout ce que je viens de vous exposer, monsieur, le roi vous ordonne de faire usage de vos connaissances et de vos talents afin de vous former un projet de conduite qui tende:

1° A rétablir le pouvoir monarchique en Suède par l'influence de la France, et assez solidement pour que le roi, uni au roi de Suède, dirige ses efforts dans ce royaume vers l'objet unique du maintien du pouvoir monarchique que cette influence aura rétabli. Sur ce point je ne présume pas qu'il vous soit difficile de concerter un plan avec le roi et la reine de Suède et leurs confidents;

2o A engager nos amis à adopter ce parti, et à y concourir

loyalement; leur présenter l'idée de cette révolution comme le moyen le plus certain de culbuter le parti dominant, qui en tous les temps, s'il n'est contenu, ruinera la Suède; leur faire sentir que leur intérêt particulier concourt dans ce momentci avec celui de la France au succès de ce projet; les pressentir sur l'impossibilité où se trouve le roi de soutenir vainement en Suède un parti qui n'y est pas le plus fort; enfin leur marquer le désir qu'a le roi que la reconnaissance qu'il a droit d'attendre des anciens patriotes se manifeste par leur concours au nouveau système, qui paraît seul avantageux aux deux couronnes, etc.

Instructions données par Louis XV au baron de Breteuil, tors de l'avènement de Catherine II au trône de Russie.

(1762.)

Monsieur de Breteuil, j'ai reçu la lettre que vous m'avez écrite de Vienne le 7 août dernier, no 25. Si vous ne pensiez pas vous trouver sitôt dans cette ville je ne devais pas non plus m'y attendre. Mon ministre des affaires étrangères vous a mandé ce que j'ai jugé de votre départ de Pétersbourg dans un moment si intéressant, ainsi que de votre précipitation à vous éloigner de plus en plus de la Russie. Si vous partiez malgré ce que vous saviez d'une révolution prochaine dont vous avez appris l'issue à Varsovie, il était naturel d'y attendre, sous quelque prétexte, les ordres que vous demandiez et que je vous y aurais fait adresser, au lieu de vous mettre dans le cas de différer à les exécuter en vous rapprochant de la France. Quoi qu'il en soit, l'aveu que vous faites à mon ministre de votre tort dans cette occasion me fait juger que vous redoublerez de zèle pour mon service, et pour réparer tout ce que votre conduite a pu y porter de préjudice..... La conduite, les procédés et les actions de Pierre III, ainsi que le silence et la patience affectée de l'impératrice, annonçaient également que ce prince ne resterait pas longtemps sur le trône; mais on ne prévoyait pas que l'événement dût être si prochain. Le changement de gouvernement en Russie change aussi la conduite de toutes les

puissances étrangères avec cet empire. Deux objets doivent aujourd'hui exciter votre vigilance: ce sera 1o l'intérieur de la Russie, et 2° les principes que la nouvelle impératrice se formera par rapport aux puissances alliées ou ennemies de l'impératrice Élisabeth.

La dissimulation de l'impératrice régnante, et son courage aut moment de l'exécution de son projet, indiquent une princesse capable de concevoir et d'exécuter de grandes choses.

Il n'est pas douteux que la mémoire de Pierre III a peu de partisans ; ainsi l'on ne doit point prévoir de troubles fomentés par le désir de la vengeance. Mais l'impératrice, étrangère par sa naissance, qui ne tient en aucune manière à la Russie, et nièce du roi de Suède, a besoin d'une force inébranlable pour se conserver sur un trône qu'elle ne doit ni à l'amour de ses sujets, ni à leur respect pour la mémoire de son père, comme on le vit lors de la révolution qui y plaça l'impératrice défunte. Quelque attention qu'elle apporte, il y aura des mécontents. Si cette princesse a l'âme haute, elle a le cœur sensible. Elle aura un favori, une confidente; le choix qu'elle fera nous importe peu. Il ne s'agit que de connaître ceux qui auront la principale part à sa confiance, et de chercher à se les concilier.

La princesse d'Askow doit certainement être bien avant dans ses bonnes grâces; mais peut-on répondre qu'une entreprise secondée par une personne si jeune n'ait eu d'autre motif que le bien de l'État ou l'attachement à sa souveraine? La passion du tzar pour mademoiselle de Woronzow a pu exciter sa jalousie. Si cette raison n'existe plus par la mort de ce prince, la princesse d'Askow, romanesque et encouragée par le succès, peut ne se pas trouver assez récompensée, et croire qu'on ne lui marque pas assez de confiance; enfin, pour quelque motif que ce soit, ne fût-ce que pour le désir d'intriguer, elle peut checher à remuer de nouveau. L'impératrice, si elle en découvre quelque chose, peut l'en punir, ce qui changerait encore la face de cette cour. On doit s'attendre à voir bien des factions.

Elles sont encore plus certaines si cette princesse a un favori. En choisissant un Russe, le crédit qu'il aura excitera sans doute la haine des autres; si elle choisit un Allemand, tous les Russes en

seront peinés, surtout s'il profite de sa faveur pour distribuer les grâces à ses compatriotes. Enfin si M. Poniatowski retourne à Pétersbourg, l'éclat que ce voyage fera ne peut manquer de préjudicier à la gloire de l'impératrice, et par conséquent d'affaiblir son gouvernement, en aliénant d'elle le cœur de ses sujets. Votre principal soin, dans ces premiers moments, doit être d'examiner avec attention la conduite de cette princesse, de voir quels seront ceux qu'elle rendra l'objet de ses bonnes grâces particulières; de chercher à vous assurer de leur amitié, pour tourner les résolutions de la cour de Russie d'un côté favorable à mes affaires. Vous me marquerez exactement ce que vous découvrirez sur ce point, et les moyens que vous croirez propres à vous concilier ces favoris, afin que sur vos relations je vous donne mes ordres.

Je suis persuadé de l'empressement que non-seulement les courtisans, mais même les étrangers et tous les ministres qui résident auprès de cette princesse auront à lui marquer leurs respects, et même à chercher à se faire remarquer d'une manière particulière, pour attacher plus intimement la Russie aux intérêts de leurs maîtres. C'est ce respect dû aux têtes couronnées qui doit faire la base de votre conduite et de vos discours avec l'impératrice, que vous assurerez, dans toutes les occasions, de mes dispositions favorables pour tout ce qui peut l'intéresser. Tout autre principe serait peu convenable à ma dignité et à ma manière de penser, et je n'y fonderai jamais ma politique; mais comme le cœur d'une princesse telle que l'impératrice entre toujours pour beaucoup dans ses résolutions, soit qu'il s'accorde avec ses intérêts, soit qu'il s'y trouve opposé, je suis persuadé que vous me rendrez à cet égard le compte le plus exact et le plus fidèle.....

La conduite du tzar défunt et son attachement à nos ennemis, lequel était aussi outré que dépourvu de vues et de prudence, pouvaient n'avoir rien de dangereux pour mes intérêts. Peut-être même n'y était-il pas contraire, puisqu'il faisait cesser l'union entre les deux cours impériales. Cette union, nécessaire contre l'ennemi commun, avait été interrompue depuis six mois. Aujour d'hui, il est à craindre que la cour de Vienne ne cherche à reprendre son ancien crédit à Pétersbourg, et à renouveler l'ancien

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système. Le comte de Mercy aura sans doute profité des premiers moments du nouveau règne et de votre absence pour ranimer cette union. L'impératrice-reine lui en aura fourni les moyens, tant en lettres qu'en présents; et je ne doute pas que ce ministre n'ait gagné bien du terrain avant votre arrivée. Vous devez donc vous attendre à ne plus trouver dans l'ambassadeur de Vienne auprès de l'impératrice Catherine celui que vous avez laissé auprès de Pierre III. Cette différence exige beaucoup de circonspection dans votre conduite avec cet ambassadeur, de qui il convient que vous vous défiiez, en conservant cependant le même extérieur avec lui, d'autant plus qu'il est capable et bien dirigé.

Vous ne devez pas négliger non plus d'observer la conduite que la cour de Pétersbourg va tenir avec celles de Londres et de Berlin. Il est vraisemblable que les liaisons de l'Angleterre avec la Russie vont reprendre une nouvelle force. Si l'intimité de M. Keith avec l'empereur défunt a pu rendre ce ministre désagréable à l'impératrice, le roi d'Angleterre y a pourvu en lui donnant le comte de Buckingham pour successeur..... Le roi de Prusse, quoique la Russie lui ait rendu toutes ses conquêtes, ne paraît devoir désirer que l'inaction de cette puissance. Peut-être même que ce prince, en consultant ses vrais intérêts, peut sans se concerter avec nous tendre au même but. Vous savez déjà, et je le répéterai ici bien clairement, que l'objet de ma politique avec la Russie est de l'éloigner autant qu'il sera possible des affaires de l'Europe. Sans rien faire personnellement qui puisse donner lieu à se plaindre de vous, l'objet de votre attention doit être de donner de la consistance à tous les partis qui se formeront immanquablement dans cette cour. C'est par la dissension qui y règnera qu'elle sera moins en état de se livrer aux vues que d'autres cabinets pourraient lui suggérer. Vous devez chercher à gagner l'amitié et la confiance des personnes puissantes dans cette cour et de celles qui peuvent le devenir.

Le crédit du moment sera utile pour donner une tournure favorable à toutes les affaires de la Pologne, et pour changer le ton de la cour de Pétersbourg avec cette république. Votre crédit futur doit porter sur les moyens d'empêcher la Russie de prendre part à une guerre contre moi, contre mes alliés, et principalement

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