du souverain qui s'obstine à maintenir un agent qui déplaît. On a mis en question si l'on doit recevoir un ministre nommé par un usurpateur (1). Quiconque est en possession de l'autorité souveraine dans un État, n'importe à quel titre, si la nation l'avoue, à qualité pour exercer cette autorité au dehors: la raison en est que l'étranger n'est point juge du régime intérieur d'une nation, et qu'il suffit que son chef exerce l'autorité suprême sans contradiction au dedans, pour qu'il soit fondé à l'exercer au dehors (2). Au surplus, la politique ou la raison d'État fait adopter ou rejeter cette doctrine selon les vues particulières des gouvernements; et il faut convenir qu'il est impossible de soumettre cette matière à des principes pratiques positifs et irréfragables, car la politique a autant de latitude pour caractériser une usurpation, qu'elle en a pour déterminer les limites des droits extérieurs de l'usurpateur. C'est ainsi qu'elle reconnait ou non, suivant les circonstances, un souverain dont l'autorité, acquise par la violence, ne se soutient que par la force, ou se consolide paisiblement avec le temps. § 7. De la détermination de la classe des agents Ordinairement la classe à laquelle un ministre doit (1) Voy. RAYNEVAL, Institutions, T. II; Appendice, §§ 2 et 3. (2) Voy. la note p. 42. appartenir est au choix du gouvernement qui le nomme. La liberté de ce choix éprouve cependant certaines restrictions, attendu que les différentes classes de ministres sont en rapport avec les degrés du cérémonial diplomatique, qu'il s'est introduit entre les puissances de l'Europe certaines inégalités dans ce cérémonial, et qu'enfin tout État reste libre de fixer les prérogatives honorifiques qu'il entend reconnaître à l'envoyé qu'il reçoit. Il est généralement admis que le droit d'envoyer des ministres de première classe est réservé aux États gouvernés par des têtes couronnées, ainsi qu'aux princes souverains jouissant des honneurs royaux (1) et aux grandes républiques (2). Aucun État en possession de ces honneurs ne reçoit des ministres de première classe envoyés par des princes souverains auxquels ces mêmes honneurs ne sont point attribués, non plus que des petites républiques, ni des quelques États mi-souverains qui subsistent aujourd'hui. Lorsqu'un État conteste à un autre État le droit d'accréditer auprès de lui des ministres du premier ordre, il s'abstient d'user de ce droit à son égard. D'après le même principe de réciprocité, le souverain qui reçoit un ministre d'une certaine classe en envoie ordinairement un de la même classe auprès de la puissance qui l'accrédite. Il arrive quelquefois, dans le cours d'une mission, qu'un ministre est élevé à un (1) Les honneurs royaux placent l'État qui en est en possession audessus de tous les autres États souverains auxquels ils ne sont point accordés. (2) Ainsi qu'au pape, en sa qualité de souverain temporel. rang supérieur, notamment à celui d'ambassadeur, pour traiter temporairement d'une affaire particulière. Quelquefois aussi un Envoyé ordinaire est nommé Envoyé extraordinaire, et réciproquement. § 8. De la détermination du nombre des ministres à recevoir. Tout État libre peut accréditer plusieurs ministres auprès d'un même gouvernement, soit que chacun d'eux ait sa mission spéciale, soit qu'ils aient à conduire ensemble les mêmes négociations. Ces ministres peuvent être tous du même rang (1) ou de classes différentes. Il arrive donc quelquefois qu'un État envoie non-seulement plusieurs ministres ensemble à la même cour (2), mais aussi qu'une légation déjà existante est augmentée d'un second et d'un troisième ministres (3). On nomme quelquefois simul (1) Dans ce cas, ils ont droit au même cérémonial. (2) C'est surtout dans les congrès pour la paix que ce droit a été souvent exercé. Autrefois les électeurs de l'empire d'Allemagne envoyaient aux assemblées, pour l'élection et le couronnement de l'empereur, chacun deux, trois ou quatre ambassadeurs; ils avaient le même droit à la cour de Vienne.- La république de Venise avait coutume d'envoyer deux ambassadeurs, pour féliciter un empereur ou un roi à son avénement au tròne; au pape, elle en envoya jusqu'à quatre. Voy. MOSER, Sur divers objets touchant le droit d'ambassade. (En allemand.)-Le corps helvétique envoyait autrefois ordinairement plusieurs ministres ensemble à la cour de France. — Les ProvincesUnies des Pays-Bas félicitaient les rois d'Angleterre à leur avénement au trône par trois Envoyés. (Voy. les Mémoires du comte D'AVaux, T. IV, p. 284.) (3) Rien de plus licite à chaque gouvernement que de partager sa tanément un Envoyé ordinaire et un Envoyé extraordinaire, ou un ministre de première ou de seconde classe, conjointement avec un autre du second ou du troisième rang. On ne manque cependant pas d'exemples de gouvernements qui aient refusé de recevoir plusieurs ministres de première classe envoyés simultanément ('), tandis qu'il en est d'autres qui en ont expressément demandé et même exigé l'envoi (2) confiance entre plusieurs personnes, ou de l'accorder tout entière à une seule; et comme lui seul est compétent pour savoir à qui il lui convient de remettre le soin de ses intérêts, il serait contradictoire d'admettre qu'il fût loisible à un autre gouvernement de se refuser à recevoir plus d'un Envoyé, lorsqu'il est évident que le nombre de ces ministres devant lui être absolument indifférent, il se peut qu'il n'en soit pas de même pour l'État dont ils ont à soutenir les intérêts. Au reste, il est fort rare que celui-ci gagne à être représenté par plusieurs ministres à la fois. Mais ce qu'on ne devrait jamais faire, dit PINHEIRO, c'est d'accréditer auprès d'un même gouvernement plusieurs ministres, chargés chacun d'une négociation particulière. La lutte d'amour-propre qui s'établit ordinairement entre ces ministres donne souvent lieu à des scènes inconvenantes, et dès lors ne fait que nuire au succès de leurs négociations. (1) La France refusa, en 1744, au couronnement de l'empereur d'Allemagne Charles VII, de reconnaître plusieurs ambassadeurs envoyés à la fois par un même électeur; elle finit par se relâcher sur cette prétention, mais il fut dit que c'était pour cette fois seulement. (Voy. MOSER, Versuch, etc., T. III, p. 106.) (2) Les papes autrefois, lors de leur avénement à la tiare, exigeaient des souverains catholiques des ambassades d'obédience. Quant aux ambassades d'excuse dont l'histoire nous offre plusieurs exemples, celle qui fut envoyée par la république de Gênes à Louis XIV, en 4685, et par la Grande-Bretagne à Moscou, en 1709, à l'occasion d'une insulte personnelle faite à l'ambassadeur du tzar à Londres, doivent surtout être citées. (Voy. les Causes célèbres du droit des gens, T. I, p. 47; T. II, p. 399.) Il arrive fréquemment qu'un même ministre est chargé de plusieurs missions à la fois près différentes cours ('), et que plusieurs princes souverains n'ont qu'un même agent diplomatique accrédité près la même cour (2). § 9. Du choix des personnes. Ici, plus que pour toute autre fonction, la première condition requise du titulaire est d'y être propre. Mais presque partout le choix est influencé par des considérations secondaires, telles que la naissance, la religion, la fortune, etc. (3). Quelques souverains catholiques n'ont jamais choisi pour ministres que des personnes professant leur culte, et plusieurs princes ecclésiastiques, autrefois, nommaient exclusivement des ecclésiastiques aux agences diplomatiques, du moins à celles de première classe. L'histoire offre quelques exemples de femmes auxquelles des fonctions diplomatiques offi (1) Le ministre de Saxe à Vienne est également accrédité à Turin ; le ministre d'Angleterre à Hanovre est accrédité à Hambourg; les ministres étrangers accrédités à Florence le sont également à Modene: il y aurait encore un grand nombre d'autres exemples de même nature à citer. (2) Pendant la vie de l'impératrice Marie-Louise, duchesse de Parme, l'ambassadeur d'Autriche était ordinairement, et en même temps, Envoyé extraordinaire, ou Chargé d'affaires de Parme; les deux grands-duchés de Mecklembourg n'ont qu'un même ministre à la cour de Vienne, etc. (3) Il y a moins d'inconvénients qu'on ne pourrait le croire dans ces sortes d'influences, pourvu que l'aptitude nécessaire soit suffisante. |