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§ 53.

Des fonctions de l'agent diplomatique.

Les fonctions du ministre sont la pratique de ses devoirs; nous n'en saurions donner une définition à la fois plus courte et plus complète. Ayant dit quels sont ces devoirs, il serait superflu d'insister sur leur application nous exposons le mécanisme de la machine diplomatique, en en faisant connaître les ressorts et les rouages, mais nous n'avons pas à la voir marcher devant nous. S'il était indispensable, toutefois, nous nous bornerions à rappeler ici succinctement, et en quelque sorte pour mémoire, que le ministre a pour fonctions de servir d'organe et d'agent à son gouvernement dans les transactions, négociations et relations de tout genre que ce gouvernement souscrit, conclut ou soutient avec celui auprès duquel il est accrédité; qu'il a de plus mission de surveiller l'exécution des traités en vigueur et les tendances politiques du cabinet dont il observe la marche, de rendre incessamment au sien un compte exact et fidèle de tout ce qui peut concerner les intérêts de son pays, et de prêter son appui à ses nationaux. Cela dit (et toutes les pages de cet ouvrage ont trait à la définition et à l'application de ces devoirs), qu'il nous soit permis d'ajouter quelques mots, non sur le mode d'exercice des fonctions diplomatiques, mais sur quelques règles de conduite qui s'y rattachent, et sur certaines pratiques reprochées à la diplomatie et qu'on lui suppose à tort familières.

La vigilance du ministre public s'étend à tout ce

par

qui se passe sous ses yeux; elle suppose l'entente faite des affaires qu'il dirige, la connaissance exacte des intérêts qui lui sont confiés, et dont la gestion est subordonnée aux modifications que le temps apporte à toutes choses. Il doit prévoir ces modifications avant qu'elles se réalisent, autant que sa position privilégiée lui en donne les moyens, afin de s'y préparer à temps et de les rendre, si faire se peut, avantageuses. Cette vigilance n'est possible qu'à l'aide de renseignements recueillis de toutes parts avec adresse; mais ces investigations incessantes ne doivent pas se faire tracassières et indiscrètes, ni se trahir par des démarches compromettantes. Pour le ministre jaloux de tout savoir l'activité ne suffit pas, le tact et la réserve sont des qualités obligées : très-souvent pour mieux voir il doit feindre de ne pas regarder. Telles tentatives pour être déjouées doivent paraître d'abord ignorées; c'est à son discernement et à sa prudence à décider du moment où la surveillance secrète doit faire place au contrôle avoué. Dès qu'il y a empiétement sur des droits acquis ou délaissement d'obligations contractées, l'intervention officielle est dans ses attributions et ses devoirs; mais trop de zèle peut nuire à la meilleure cause, et il doit éviter que des démarches intempestives ne préjudicient aux résultats désirés.

Il y a des circonstances délicates où la conduite des affaires exige d'aller au delà de la souplesse, et où la ruse peut devenir nécessaire et même licite, surtout quand l'agent qui y recourt se trouve excusé d'en faire usage par l'emploi qu'on en fait contre lui. Que le ministre, néanmoins, se garde de s'en servir jus

qu'à faire douter de sa bonne foi; qu'encore moins il l'exagère jusqu'à la fausseté. L'opinion favorable que sa conduite antérieure aurait fait naître se convertirait promptement en défiance, qui une fois éveillée irait croissant chaque jour. Ce n'est jamais impunément, même en politique, qu'on sort du droit chemin pour se jeter dans les voies obliques : aussi vaut-il mieux connaître les détours de la ruse pour la déjouer que pour s'en servir, et rien ne sert-il mieux le diplomate que l'opinion justifiée d'une loyauté qui en dédaigne l'emploi.

« C'est chose regrettable, dit Gérard de Rayneval, qu'on ne puisse parler de politique sans que l'idée de corruption ne s'associe à ce mot; » aussi tous les anciens auteurs qui ont écrit sur le droit des gens se sont-ils crus obligés de disserter magistralement sur la corruption et s'ingénient-ils à discuter cette question, difficilement discutable, s'il est permis ou non d'y avoir recours. Nous ne voyons pas bien ce qui leur imposait cette tâche; et si nous-même nous semblons nous y soumettre c'est bien moins, que nos honorables devanciers nous le pardonnent, pour les imiter que pour les combattre. A part, en effet, certaines concessions banales faites aux exigences de la morale, c'est tout au plus s'ils hésitent à admettre la corruption comme moyen politique, en en faisant une arme nécessaire et quasi légitime toutes les fois que, dans le maniement des affaires publiques, un intérêt un peu grave pousse à s'en servir. Ces principes relâchés n'ont que trop contribué aux abus reprochés aux gouvernements, qui aujourd'hui encore en subissent les conséquences. Nous

savons bien qu'il y aura toujours des fidélités à l'encan et des consciences à vendre; mais ce que la loi pénale flétrit d'une peine infamante n'en reste pas moins un crime caractérisé. Il y a des moments critiques dans la vie des États où il semble que les circonstances dans lesquelles ils se trouvent doivent tout absoudre; mais il en est de semblables dans celle des individus, et qui oserait affirmer que, également menacés, les uns puissent s'affranchir de la loi et non les autres? Faire de la corruption un moyen applicable à tous les cas où elle peut être profitable, c'est en faire aussi un dissolvant universel; c'est ouvrir la porte à tous les scandales, c'est apprendre aux hommes à capituler avec leur conscience là où la vénalité prévaut l'honneur abdique. Quand cette opinion fatale est dans la pensée de tous que tout est vénal, que la séduction peut se glisser jusqu'au siége du juge, franchir le seuil du cabinet de l'homme d'État et du ministre, pénétrer chez les fonctionnaires de tous grades, aborder le capitaine sous sa tente ou le commandant de la citadelle sous la poterne; quand le mal s'aggrave de cette autre idée malsaine que la corruption n'entache tout au plus que le suborné sans flétrir le suborneur, ce n'est pas l'administration publique, ce n'est pas le gouvernement seuls qui sont corrompus, c'est toute la

nation.

Nous n'insisterons pas davantage sur ce sujet, nous résignant d'avance, s'il le faut, à être l'objet de la compassion des forts qui nous classeraient parmi ces cerveaux étroits dont la faiblesse se refuse aux conceptions supérieures, et pour qui la fin, quelque avan

tageuse qu'elle puisse être, ne justifie pas tous les moyens.

§ 54.

Des attributions et des obligations du ministre
relativement à ses nationaux.

Les sujets du souverain que le ministre représente dans le pays où il est accrédité sont les protégés naturels de la mission. Les lois de chaque pays décident jusqu'à quel point la juridiction volontaire exercée par le ministre sur les personnes de sa suite peut s'étendre sur ceux de ses compatriotes qui ne font pas partie de la légation.

Quelles que soient à cet égard les conventions particulières qui existent entre les gouvernements, presque partout aujourd'hui certains pouvoirs spéciaux sont dévolus au ministre en vue de ses nationaux.

Ainsi, dans la plupart des États, il a qualité pour recevoir ou pour dresser, sur la demande ou à la réquisition de ses nationaux, divers actes de la compétence des notaires, tels que contrats de mariage, donations entre-vifs, procurations, testaments, etc. ); il a qualité également pour dresser les actes de l'état civil (naissances, décès, mariages), légaliser les pièces administratives ou judiciaires, délivrer ou viser des passe-ports (Voy. T. II, p. 589).

La protection d'office que le ministre doit à ses nationaux, dans tous les cas où ils seraient victimes de

(1) Pour la délivrance de ces actes le ministre délégue ordinairement ses pouvoirs au chancelier de la légation.

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