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§ 29.

De la juridiction criminelle du ministre sur le personnel de la mission.

Le droit de juridiction criminelle du ministre sur le personnel de la mission est encore moins étendu que celui qui fait partie de ses attributions en matière civile. Il se borne, en général, au moins dans les États chrétiens d'Europe et d'Amérique, aux actes suivants, pour le cas d'un crime ou d'un délit commis, dans l'hôtel du ministre ou au dehors, par une personne appartenant à la légation : le ministre peut :

4° Arrêter l'inculpé s'il se trouve dans l'hôtel, ou demander son extradition s'il a été arrêté au dehors par les autorités du pays (');

2o Constater le fait, le corps du délit, par un procès-verbal; il adresse à cet effet les réquisitions nécessaires aux autorités locales;

3o Entendre les témoins appartenant au personnel de la légation;

4° Livrer l'inculpé aux autorités de l'État que représente le ministre, pour qu'elles procèdent ultérieurement;

5° Exécuter au besoin les réquisitions de ces autorités tendant à obtenir de plus amples informations.

(1) Les cartels d'extradition consentis et signés par les gouvernements précisent les cas où l'extradition doit avoir lieu elle ne s'applique jamais aux crimes politiques; elle n'atteint ordinairement que les malfaiteurs et repris de justice, et s'étend aux conscrits réfractaires et aux déserteurs. (Voy. T. II, p. 145.)

Quant à la juridiction correctionnelle que les ministres possédaient ou s'arrogeaient autrefois sur les personnes de leur suite qui étaient attachées à leur service particulier, les puissances chrétiennes ne l'accordent plus aujourd'hui à leurs agents diplomatiques, même à ceux de première classe (1).

D'ailleurs, à l'égard de cette catégorie de personnes qui, ne faisant point partie de la légation, n'ont aucun droit personnel aux priviléges que l'intérêt commun des nations civilisées a fait attacher au caractère diplomatique, l'immunité de la juridiction criminelle du pays ne saurait être invoquée d'après les principes, et ne se fonde que sur l'usage. Lors done qu'une de ces personnes a commis hors de l'hôtel du ministre un délit punissable par les lois du pays où elle se trouve, elle ne doit être soustraite à la juridiction des autorités locales que si le ministre l'exige et ne préfère pas renoncer à ce droit, comme il le peut toujours (2). Dans le cas même, supposé ci-dessus, d'un

(1) Toutefois, les chefs de mission à Constantinople ont, à cet égard, des prérogatives plus étendues que celles qui leur sont accordées dans les autres cours. L'article 6 du traité de Kaïnardgi contient cette disposition: « Si quelqu'un de ceux qui se trouvent au service du ministre russe à la Porte, après avoir commis quelque crime ou action punissable, se faisait Turc pour se soustraire au châtiment, il n'en subira pas moins la peine qu'il mérite. »

Par contre, la Porte prétend, pour ses ambassadeurs, un droit de juridiction encore moins limité.

(2) Cette distinction fut appliquée, en 1794, à Munich, dans un cas assez bizarre. Il s'agissait du chasseur du comte de Brühl, ministre de Prusse à Munich, qui s'était suicidé dans une auberge. Le ministre demanda l'extradition du cadavre; le gouvernement bavarois s'y refusa, en alléguant qu'il fallait distinguer la suite proprement

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délit commis par des personnes faisant partie de la légation, s'il n'appartient pas aux tribunaux du pays où le délit a été commis de prononcer un jugement contre les prévenus, la procédure n'en doit pas moins être instruite par eux. Aucun privilége ne saurait dépouiller la partie offensée et plaignante du droit de faire procéder aux informations, sur les lieux, par les autorités locales auxquelles la loi commune en défère le pouvoir.

Ces autorités ont qualité pour faire comparaître devant elles toutes les personnes dont les déclarations ou les dépositions seraient nécessaires à l'enquête, tant que ces actes ne compromettront pas d'une manière réelle et non fictive les intérêts politiques de la puissance à laquelle le défendeur appartient; car c'est cette enquête même qui fournit au plaignant les moyens d'appuyer sa demande devant les autorités étrangères. Si donc, dans une cause criminelle, les

dite du ministre d'avec les gens qui lui étaient simplement attachés, tels que les officiers de sa maison et les laquais, sur lesquels la juridiction appartenait au gouvernement local.-Du reste, ainsi que l'affirme avec raison BYNKERSHOEK, il est indifférent que l'inculpé appartienne ou non à l'État dans lequel le ministre réside. La juridiction criminelle s'étend à tous les délits commis sur le territoire et dont les auteurs ne sont pas soustraits au droit commun. Toutefois, il y a des exemples de décisions en sens contraire. Ainsi, en 1812, le chasseur du ministre de Bavière à Berlin ayant assassiné un laquais du même ministre, mais hors de l'hôtel de la légation, et le ministre ayant fait arrêter l'assassin dans son hôtel, le gouvernement prussien abandonna l'information de l'affaire et la punition du coupable à l'autorité bavaroise, attendu que le criminel n'était point sujet prussien. Il fut conduit à Munich sous escorte militaire bavaroise, et le magistrat de la ville de Berlin se borna à ordonner la visite légale du mort et l'audition des témoins.

juges instructeurs trouvaient insuffisantes les dépositions obtenues dans les formes indiquées plus haut ('), ce serait la loi commune qu'on devrait suivre, sauf les égards que les usages du pays ont pu introduire envers les personnes de haut rang, lorsque le droit des parties ou les devoirs de la justice exigent que l'on prenne la déposition de ces personnes. En observant ces égards et en renfermant l'enquête dans les limites nécessaires à l'instruction de la procédure, nul, et l'ambassadeur lui-même, ne saurait se refuser> à faire la déposition requise.

§ 30.

De l'observation des règlements de police.

De ce qui vient d'être dit au sujet de l'immunité de la juridiction civile et de la juridiction criminelle attribuée au ministre public dans le pays où il réside, il s'ensuit naturellement que lui-même peut bien moins encore être soumis à la juridiction inférieure des tribunaux de police dont tous les étrangers qui séjournent dans le pays sont en général justiciables.

Il n'en est pas moins tenu de ne troubler en rien l'ordre établi, et de veiller à ce que dans l'intérieur de son hôtel il ne se fasse rien qui puisse compromettre au dehors la sûreté publique, contrairement aux ordonnances qui y sont relatives (2). C'est pour

(1) Voy. le § précédent.

(2) Malgré son immunité, un ministre est tenu de respecter les lois et règlements de police qui concernent la sûreté et l'ordre public: en se conduisant autrement, il pécherait contre le principe même sur le

quoi le ministre étranger doit défendre dans son hôtel tout usage de matières combustibles qui pourraient devenir dangereuses à la sûreté publique; il doit veiller également à ce que les gens du pays ne puissent prendre part chez lui aux jeux de hasard défendus par les lois; il doit interdire aux gens de sa suite tout commerce de marchandises prohibées, ainsi que l'exercice d'un métier quelconque qui serait préjudiciable aux intérêts des habitants. Le ministre doit aussi se conformer aux lois et ordonnances de police, non-seulement dans les jours de fêtes publiques et en d'autres circonstances analogues ('), mais en tout

quel est fondée son immunité. On peut dire la même chose s'il en abuse: dans ce dernier cas il serait censé y avoir renoncé. (Gérard DE RAYNEVAL, ch. xiv, § 5).

(1) C'est à tort, selon nous, que le corps diplomatique prétendrait n'être pas obligé de prendre part à de certaines démonstrations, d'ailleurs indifférentes, dans les occasions de deuil public ou de réjouissances nationales. Ce n'est pas qu'il soit tenu de partager les sentiments qui dictent ces actes extérieurs à ceux qui y sont intéressés; c'est par respect pour le public, c'est pour ne point s'exposer à soulever les passions populaires, à provoquer des voies de fait qu'il n'est pas toujours au pouvoir du gouvernement d'empêcher et qu'il peut rarement punir, que la prévoyance du ministre étranger doit le porter à prendre part à ces démonstrations, quels que puissent être les sentiments qui lui dicteraient une conduite contraire.

Toutefois, s'il s'agissait de ces fêtes qui ont lieu quelquefois à la suite des succès obtenus par l'une des nations belligérantes entre lesquelles le gouvernement de l'Envoyé a gardé une stricte neutralité, il serait très-naturel qu'il refusât de s'y associer. Les convenances ne permettraient point qu'il suivit en pareil cas une conduite opposée à celle de son gouvernement; et cela est d'une telle évidence, on peut le faire si aisément comprendre aux gens de toutes les classes, qu'il n'est pas à craindre que l'opinion publique s'égare au point d'interpréter la conduite du ministre comme un affront fait par lui aux sentiments nationaux.

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