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bons ouvriers n'employent que le moins qu'ils peuvent et qu'autant qu'il en fault precisement pour les mettre en œuvre, en feront un meilleur jugement, et le vostre, Monsieur, m'en est une asseurance indubitable. Je ne pretens pas qu'on me loue d'avoir atteint à cette mediocrité si souhaitable et si recherchée : il fault plus de force que je n'en ay pour y arriver et surtout pour s'y maintenir; mais je pretens qu'on ne doit pas me blamer si je me la suis proposée, et si quelquefois j'ay refusé de m'elever, pour ne pas m'écarter de cette route metoienne (sic) que j'ay choisie et que j'affecte presque partout tant que je puis. Quoy qu'il en soit, Monsieur, c'est à vous d'en repondre et de garantir pour bon ce petit ouvrage, puisque desja vous l'avez aprouvé. Je n'ay autre chose à faire qu'à vous l'offrir et à vous suplier de le recevoir, puisque vous avez eu la bonté de le vouloir bien ainsy, comme une marque de l'honneur que j'ay d'estre de vos amis et de la forte passion avec laquelle je seray toute ma vie,

Monsieur,

Vostre très humble et très obeissant serviteur. PERRAULT.

Dans cette belle lettre, Perrault ne craint pas d'avouer qu'il a eu pour objet, dans ses œuvres poétiques, de se tenir dans les bornes d'une mé

diocrité raisonnable, et que, s'il a refusé de s'élever dans des genres qui touchent au sublime, c'est qu'il n'a pas voulu s'écarter de cette route moyenne qu'il a choisie. Vers la fin de sa vie, il avait l'intention de revoir avec soin ceux de ses ouvrages qu'il croyait dignes d'être soumis au jugement de la postérité. «< Autant il étoit indulgent pour les autres, dit Bruzen de La Martinière dans la préface des PASSE-TEMPS POÉTIQUES, autant, dans les dernières années de sa vie, étoit-il devenu sévère pour les siens. Il en avoit déja retouché la plus grande partie, et, comme il se disposoit à continuer son travail, il tomba malade et mourut peu de temps après. » Ce travail de révision que Perrault avait entrepris, avec le projet de le faire suivre d'une édition nouvelle et définitive de ses œuvres, n'a pas été terminé. Bruzen de La Martinière en a publié une partie dans les Passe-temps poÉTIQUES, et l'on reconnaît que l'auteur s'appliquait à faire dans ses ouvrages un grand nombre de changements et de corrections, outre des retranchements considérables. Ainsi avait-il, malgré les critiques de Boileau, conservé, en les corrigeant toutefois, ses deux contes des Souhaits ridicules et de GRISÉLIDIS; il y ajouta même un conte inédit, un petit chef-d'œuvre, L'ESPRIT fort; mais il avait rejeté, sans hésiter, L'Amour Godenot, qui n'était qu'une satire ingénieuse, dans son recueil de 1676, et qui, dans sa pensée, devait faire

le sujet d'un conte, comme celui de PEAU D'ANE, qu'il destinait à grossir la Bibliothèque bleue.

Les derniers vers qu'il ait composés expriment bien les idées de philosophie chrétienne qui avaient fait sa consolation dans la retraite et la solitude; c'est une pieuse et touchante préparation à la mort, qu'il a intitulée STANCES LIBRES SUR LA VANITÉ DU REPentir dans la VIEILLESSE:

Dans le cours de notre bel age,

Quand la Nature ardente, échauffant nos desirs,
Nous rend si propres aux plaisirs
Qu'il est mal aisé d'être sage;

Cependant, malgré tant d'attraits,

On ne peut trop le dire et le faire connoître,
En ce temps-là même il faut l'être,

Ou l'on court grand danger de ne l'être jamais.

Il est rare que la vieillesse

Affirme en nous le bon sens;

Ce que l'on y voit de sagesse
N'est que l'effet de sa foiblesse
Qui rend nos desirs impuissans.

L'homme paroît en vain renoncer aux délices
Dont il fit autrefois son souverain bonheur;
Rendez à tous ses sens la premiere vigueur,
Vous verrez aussitôt renaître tous ses vices.

Le pécheur qui tranquillement Attend, à revenir de son égarement, Qu'il soit au bout de sa carriere, Se trompe malheureusement:

C'est une grace singuliere

Que Dieu ne fait que rarement.

« Ces Stances, où règne un vrai (?) si sensible et si naïvement exprimé, dit Bruzen de La Martinière, sont constamment de M. Perrault; elles ont été gravées sous son nom, peu de temps après sa mort, et annoncées comme son dernier ouvrage. On les a cependant insérées parmi les œuvres de M. Pavillon; mais elles lui appartiennent aussi peu que beaucoup d'autres pièces qu'on lui a faussement attribuées. » Bruzen de La Martinière loue ailleurs le talent poétique de Perrault, à propos de l'agréable poëme de LA CHASSE, qu'il a réimprimé avec les corrections de l'auteur: « Les vers ne coûtoient guère plus que la prose à M. Perrault. On en peut juger par cette pièce, qu'il fit, dit-on, en une soirée, par une espèce de défi; elle est écrite d'un style aisé, naturel, et la rime se présente presque toujours d'elle-même; on y remarque d'ailleurs plusieurs traits également naïfs et saillans, qu'on ne peut guère s'empêcher de retenir. »>< L'abbé Tallemant avait dit auparavant, dans son Éloge de Perrault, prononcé devant les membres de l'Académie française : « Le nombre et la diversité de ses poësies font connoître et la vivacité de son imagination et la facilité qu'il avoit à composer; mais rien ne marque mieux cette heureuse facilité que le Poëme à M. de La Quintinie,

ouvrage digne d'être associé aux GÉORGIQUES. La fertilité de son génie lui faisoit produire mille nouveautés ingénieuses, qui servoient à égayer nos assemblées publiques. »

P. L. JACOB, bibliophile.

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