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grosse fontaine, et qu'un foible génie ne pouvoit profiter avec un génie trop fort et trop abondant (ce génie trop fort et trop abondant, c'étoit lui, et M. le Brun étoit le génie trop foible: c'est ce qu'il dit au sujet du silence qu'il gardoit sur les ouvrages de M. le Brun);

Qu'il falloit que les écoliers apprissent à dessiner les draperies sur les bas-reliefs (c'est ordinairement, selon moi, ce qu'il y a de moins bon dans les bas-reliefs antiques);

Qu'il ne faut point de fleurs aux bordures des tapisseries, ni d'or bruni aux bordures des tableaux, parce qu'ils brillent trop, ni d'ornemens aux niches des figures, parce que ces figures en sont elles-mêmes l'ornement;

Que Raphaël commençoit à peindre comme le Titien quand il mourut, c'est-à-dire à faire des reflets, comme on le voit au portrait de Leon X :

Che

fabriche sono i ritratti dell' animo dei principi;

Que le peintre Tudesco étoit tout un autre homme pour les desseins d'argenterie que M. le Brun.

<< Je doute, disoit-il, que le roi se connoisse encore aux belles choses; il faudroit pour cela qu'il eût vû quelque morceau d'architecture. Maintenant qu'il a vû de la sculpture (il entendoit parler de son buste), il pourroit mieux en

juger que de l'architecture. « Il dit à M. le Brun qu'il falloit toujours faire les jambes plus longues que courtes (il avoit raison, c'étoit le défaut de M. le Brun);

Que les Espagnols n'aiment en sculpture que le poli, qu'ils appellent lindo.

Un roi dit : « Je vole mes sujets. » Le ministre dit « Je vole le roi. » Le tailleur dit : « Je vole le ministre. » Le soldat : « Je les vole l'un et l'autre. » Le confesseur : « Je les absous tous quatre. » Et le diable dit : « Je les emporte tous cinq. »>

La colonne Trajane a été l'école de Raphaël et de Jules Romain. Michel-Ange disoit que si les Lombards avoient bien dessiné, on ne regarderoit plus ses ouvrages ni ceux des autres, mais qu'il n'y avoit que Rome où il y eût une colonne Trajane (pures forfanteries). Il y a quel ques bas-reliefs dans le bas de cette colonne qui sont fort beaux, et presque tous les sculpteurs, pour se former le goût, en ont des plâtres qui sont aussi bons que les originaux. Le surplus de la colonne ne vaut gueres, et depuis qu'on les a apportés moulés en France il ne s'est pas trouvé un seul peintre ni sculpteur qui ait été les copier, quoiqu'on ne les ait fait venir que dans cette intention-là.

M. de Chantelou a dit que les figures de la colonne Trajane étoient faites avec cette consi

dération que celles d'en haut paroissoient de la même grandeur que celles d'en bas, parce qu'elles sont réduites et faites pour être de la même ouverture d'angles de rayons visuels, ce qui fait que toutes les figures semblent d'une grandeur égale, quoiqu'elles soient toutes differentes les unes des autres. (Le bon homme ne sçavoit ce qu'il disoit. Je les ai fait mesurer par M. Girardon, qui m'en a apporté les mesures: les bas-reliefs du bas de la colonne sont de la même grandeur que ceux du haut; il n'y a pas une ligne de différence.)

Le cavalier dit que Vigarani n'avoit aucune intelligence ni de la perspective ni du dessein; que son pere avoit sçu quelque chose touchant les machines, mais que son fils n'y entendoit rien, et qu'il faisoit tout par un valet qui en sçavoit plus que lui.

Il faut achever ce qui regarde le cavalier Bernin avant que de passer à autre chose. Lorsque les fondations du devant du Louvre, du dessein du cavalier Bernin, furent fort avancées, il demanda à s'en retourner, ne pouvant se résoudre à passer l'hiver dans un climat aussi froid que le nôtre. La veille de son départ, je lui portai moimême et dans mes bras, pour lui faire plus d'honneur, trois mille louis d'or en trois sacs, avec un brevet de 12,000 liv. de pension par an, et un de 1,200 liv. pour son fils. Il me dit

pour toute réponse que de pareils bons jours seroient bien agréables, si l'on en donnoit bien souvent; qu'à l'égard du brevet, il croyoit qu'il pourroit être payé une année ou deux, et pas d'avantage. Je lui répondis que les promesses du roi étoient solides, et qu'il n'avoit aucun sujet de pouvoir en douter. Je fus surpris d'une si bizarre réception. On lui promit trois mille louis d'or par an, s'il vouloit rester, 6,000 liv. pour son fils et autant au seigneur Mathias son éleve, 900 liv. au sieur Jules, 600 liv. au sieur Cosme, camerier, et 500 liv. à chacun de ses estafiers, et, en cas que le sieur Mathias demeurât seul, on lui promit 12,000 liv.

par an 1.

1. Comment concilier ce qui est rapporté ci-après avec ce que dit M. de Voltaire dans son Discours sur l'Envie :

A la voix de Colbert Bernini vint de Rome;
De Perrault dans le Louvre il admira la main.
Ah! dit-il, si Paris renferme dans son sein
Des travaux si parfaits, un si rare génie,
Falloit-il m'appeller du fond de l'Italie ?

Si le Bernin avoit admiré le dessein de Perrault le medecin, son frere n'auroit certainement pas manqué de le rapporter. Si l'on compare aussi ce que dit M. de Voltaire dans son Siècle de Louis XIV, lorsqu'il traite du gouvernement interieur du royaume, avec ce que rapporte ici M. Perrault, on y trouvera bien de la difference. « On appella de Rome, dit cet écrivain, le cavalier Bernin, dont le nom étoit célebre par la colonade

Quand il fut question de bâtir sur les fondations du cavalier Bernin, M. Colbert, qui commençoit à se dégoûter du dessein qu'il avoit donné, voulut que le roi, qui étoit à S. Germain, vînt voir à Paris le modele du dessein1 du cavalier, achevé avec beaucoup de soins et de dépense, et que Sa Majesté décidât de l'exécution en présence de toute sa cour, afin d'être disculpé envers le public, si ce dessein venoit à être généralement désaprouvé. La veille du jour

qui entoure le parvis de S. Pierre, par la statue equestre de Constantin, par la fontaine de la place Navone. Des équipages lui furent fournis pour son voyage. Il fut conduit à Paris en homme qui venoit honorer la France. Il reçut, outre cinq louis par jour pendant huit mois qu'il y resta, un présent de cinquante mille écus, avec une pension de deux mille écus, et une de cinq cens pour son fils. Le Bernin, par reconnoissance, fit depuis, à Rome, la statue equestre du roi qu'on voit à Versailles. Mais quand il arriva à Paris avec tant d'appareil, comme le seul homme digne de travailler pour Louis XIV, il fut bien surpris de voir le dessein de la façade du Louvre du côté de S. Germain l'Auxerrois, qui devint bientôt après dans l'exécution un des plus augustes monumens d'arIchitecture qui soient au monde. Claude Perrault avoit donné ce dessein, exécuté par Louis le Vau et d'Orbay. Il inventa les machines avec lesquelles on transporta des pierres de cinquante-deux pieds de long, qui forment le fronton de ce majestueux édifice. >>

1. On peut voir dans le livre d'architecture nommé le Grand Marot le projet du cavalier Bernin, qui y est gravé tout entier.

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