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à revoir et à corriger les ouvrages, soit de prose, soit de vers, qui se composoient à la louange du roi, pour les mettre en état d'être imprimés à l'imprimerie du Louvre. Il en a été corrigé de quoi faire un très-gros volume, et j'ai rendu les manuscrits de ces differents ouvrages, qui remplissoient deux fort grands porte-feuilles. Chacun de ceux qui composoient cette petite Académie travailloit aussi de son côté à des ouvrages particuliers sur les belles actions de Sa Majesté.

M. Colbert nous demanda des desseins pour des tapisseries qui devoient se faire à la manufacture des Gobelins. Il en fut donné plusieurs entre lesquels on choisit celui des quatre élémens, où l'on trouva moyen de faire entrer plusieurs choses à la gloire du roi. Comme ces tapisseries se voient tous les jours et que les estampes avec le discours qui les accompagne forment un beau volume, je n'en dirai pas davantage. J'observerai seulement que toutes les devises sont de moi. A d'autres que mes enfans je n'aurois pas fait cette remarque et moins encore ce que je vais dire. Ayant porté à M. Colbert 48 devises pour cette tapisserie, seize de l'abbé de Bourseis, seize de l'abbé de Cassagnes et seize de ma façon, toutes mêlées les unes avec les autres, afin qu'il en choisît seize sans sçavoir qui en étoit l'auteur, il s'en trouva

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quatorze des miennes. Dans la joie que j'en eus, je ne pus m'empêcher de le lui dire. Sur quoi il me demanda quelles étoient les deux. autres devises de ma façon qu'il n'avoit pas adoptées. Les lui ayant marquées : « Ces deux là, me dit-il, me semblent aussi bonnes que les deux que j'ai prises à leur place il faut les joindre avec les autres et qu'elles soient toutes de vous. » On fit ensuite le dessein de la tenture des quatre saisons de l'année sur le modele de celle des quatre élémens; on l'a aussi gravée et accompagnée de semblables explications. Des seize devises qui ornent cette tenture, il y en a neuf de moi.

L'intention de M. Colbert étoit que nous ́travaillassions à l'histoire du roi, et pour y parvenir il me faisoit écrire, dans le registre dont je viens de parler, plusieurs choses que le roi avoit dites, pour les inserer dans son histoire. Je me souviens, entre autres, de celle-ci. Un jour il dit en présence de M. de Villeroy, de M. Le Tellier, de M. de Lionne, de M. le maréchal de Grammont, de M. Colbert et de quelques autres dont il ne me « Vous êtes tous mes amis,

souvient pas : ceux de mon royaume que j'affectionne le plus et en qui j'ai le plus de confiance. Je suis jeune, et les femmes ont ordinairement bien du pouvoir sur ceux de mon âge. Je vous ordonne à tous que, si vous

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remarquez qu'une femme, quelle qu'elle puisse être, prenne empire sur moi et me gouverne le moins du monde, vous ayez à m'en avertir. Je ne veux que vingt-quatre heures pour m'en dé2 barasser et vous donner contentement là-dessus. >> Il me faisoit aussi écrire des actions fort considérables de Sa Majesté, lesquelles étoient ou peu connues de tout le monde, ou dont les motifs et quelques circonstances n'étoient sçues que de lui seul. Il me dicta, entre autres, l'affaire de M. Fouquet d'un bout à l'autre, et il me la fit retoucher trois ou quatre fois avant que de la transcrire dans le registre. J'oubliois de remarquer que peu de tems après qu'il nous eut assemblés, il nous mena faire la révérence au roi. C'étoit dans le tems que la reine mere tomba malade de la maladie dont elle mourut. Le roi étoit dans une petite garderobbe derriere la chambre de la reine, d'où il alloit à tout moment la voir, la servant, dans sa maladie, presque dans tous ses besoins, soit pour lui donner à boire, soit pour lui porter ses bouillons; fils n'ayant jamais davantage honnoré sa mere pendant toute sa vie. Après que M. Colbert nous eut présentés au roi, il nous dit ces paroles: << Vous pouvez, Messieurs, juger de l'estime que je fais de vous, puisque je vous confie la chose du monde qui m'est la plus précieuse, qui est ma gloire. Je suis sur que vous ferez des

merveilles; je tâcherai de ma part de vous fournir de la matiere qui mérite d'être mise en œuvre par des gens aussi habiles que vous êtes. >> Quelque temps après, M. Charpentier, dont M. l'abbé de Bourseis et M. Chapelain parlerent avantageusement à M. Colbert, fut associé à cette petite Académie. Nous jettâmes tous les yeux sur lui pour écrire l'histoire du roi, c'està-dire pour tenir la plume; car toute la compagnie devoit y travailler en la revoyant et en la corrigeant. Lorsqu'il fut question de décider comment il y travailleroit, on lui dit qu'il se servît des gazettes et de tout ce qui se peut recouvrer dans le public pour former le corps de son histoire; qu'à mesure qu'il auroit fait quelque chose de considérable et que l'Académie l'auroit revu, M. Colbert y ajouteroit ou en retrancheroit ce qu'il jugeroit nécessaire. Pour faciliter la chose, je proposai un expédient: c'étoit que, quand M. Charpentier auroit composé la valeur d'un petit cahier et que ce cahier auroit été revu par la compagnie, il l'envoyeroit à M. Colbert dans un paquet qu'on mettroit sur sa table avec les autres paquets de lettres qu'il recevoit incessamment, de sorte que la lecture qu'il feroit de ce cahier le délasseroit de la lecture des autres lettres, et qu'en mettant en marge ou en interligne ce qu'il jugeroit à propos d'y ajouter, et en rayant ce qu'il faudroit

en retrancher, la chose se feroit sans que ce travail consumât un temps particulier et fût une occupation de surcroît à toutes les autres. M. Colbert approuva fort cet expédient, mais M. Charpentier ne voulut jamais l'accepter, demandant toujours que M. Colbert lui fournît des mémoires et l'entretînt du secret des affaires, ce qu'il n'avoit pas le tems de faire et qu'il ne fit point. Ainsi, la chose en demeura là. Ce fut une grande perte pour la petite Académie, mais un bonheur pour M. Pelisson, et particulierement pour MM. Racine et Despréaux, chargés depuis d'écrire l'histoire du roi par Mme de Montespan, qui regarda ce travail comme un amusement dont elle avoit besoin pour occuper le roi. Ils en ont reçu de très-grandes récompenses en différens temps.

M. Colbert, ayant formé cette petite Académie, songea à en établir une plus grande et plus considérable pour l'avancement et la perfection de toutes les sciences. Il se fit donner d'abord un mémoire de tous les hommes sçavans qui s'assembloient alors chez M. de Monmort, conseiller d'Etat, amateur de toutes les sciences et de tous les sçavans, comme aussi de tous ceux qui étoient en réputation d'exceller en quelque science, soit dans le royaume, soit dans les pays étrangers. M. Chapelain, M. l'abbé de Bourseis et M. Carcavi furent ceux qu'il consulta

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