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PRÉFACE DE L'ÉDITEUR

(1759)

M

ONSIEUR Colbert a rendu son ministère si recommandable, que tout ce qui peut servir à developer et à faire connoître les ressorts secrets qui l'ont fait agir dans les differentes rencontres, doit intéresser le public. C'est dans cette vue que nous lui offrons ces Mémoires de M. Charles Perrault, de l'Académie Françoise, et premier commis des bâtimens du Roi. On sçait qu'il étoit dans la confiance intime de M. Colbert, et qu'aimé et protegé de ce Ministre, il fit servir le crédit qu'il avoit auprès de lui à l'avancement des arts et des sciences ainsi personne n'étoit plus en état de s'instruire d'un grand nombre de particularités intéressantes de son administration qui sont ignorées ou peu connues. On peut ajouter d'autant plus de créance à ce que dit notre auteur dans cet ouvrage, qu'il ne l'avoit composé que pour l'instruction de sa famille : c'est une espèce de testament où il rend compte naïvement à ses enfans de la part que ses frères et lui ont eue à differentes affaires, pendant le glorieux regne de Louis XIV, et où il détaille les services particuliers qu'il a rendus aux bâtimens du Roi en differentes occasions.

Le manuscrit original, écrit de la propre main de

XXXII

PRÉFACE DE L'ÉDITEUR

M. Charles Perrault, appatenoit à feu M. l'abbé de Fleury, Chanoine de Notre-Dame de Paris, lorsqu'il nous fut communiqué, et il a passé depuis à la bibliothèque du Roi, où il est actuellement. A l'exception de quelques légers changemens pour la correction du style dont notre auteur s'étoit mis peu en peine dans cet ouvrage, fait uniquement pour sa famille; nous le donnons tel qu'il l'a laissé; et nous nous sommes contentés d'y ajouter quelques notes et quelques remarques qui nous ont paru nécessaires.

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Ma naissance. - Traduction du sixiéme livre de l'Eneide Murs de Troye. Portrait de mon

en burlesque.

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frere le docteur. - Origine des Lettres Provinciales.Médaille de l'alliance des Suisses. Devise pour

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monseigneur le Dauphin. Correction des ouvrages faits à la louange du roi.- Dessins de tapisseries. Maniere de travailler à l'histoire du roi. - Etablissement de l'Académie des sciences. Gratification des gens de lettres. Etablissement d'un laboratoire pour

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Chan

la chymie dans la Bibliotheque royale. gement fait à l'Observatoire à l'arrivée de M. de

Cassini.

E suis né le douziéme janvier 1628, et né jumeau (celui qui vint au monde quelques heures avant moi fut nommé François, et mourut six mois après.) Je fus nommé Charles par mon frere le receveur général des finances, qui me

tint sur les fonts avec Françoise Pepin, ma cousine.

Ma mere se donna la peine de m'apprendre à lire, après quoi on m'envoya au college de Beauvais, à l'âge de huit ans et demi. J'y ai fait toutes mes études, ainsi que tous mes freres. Mon pere prenoit la peine de me faire répéter mes leçons les soirs après soupé, et m'obligeoit de lui dire en latin la substance de ces leçons. Cette méthode est très-bonne pour faire entrer les étudians dans l'esprit des auteurs qu'ils apprennent par cœur. J'ai toujours été des premiers dans mes classes, hors dans les plus basses, parce que je fus mis en sixième que je ne sçavois pas encore bien lire. J'aimois mieux faire des vers que de la prose, et les faisois quelquefois si bons que mes régens me demandoient souvent qui me les avoit faits. J'ai remarqué que ceux de mes compagnons qui en faisoient bien ont continué d'en faire, tant il est vrai que ce talent est naturel et se déclare dès l'enfance.

Je réussis particulierement en philosophie : il me suffisoit souvent d'avoir attention à ce que le régent dictoit pour le sçavoir et pour n'avoir pas besoin de l'étudier ensuite. Je prenois tant de plaisir à disputer en classe que j'aimois autant les jours où l'on y alloit que les jours de congé. La facilité que j'avois pour la dispute me faisoit

parler à mon régent avec une liberté extraordinaire et qu'aucun autre des écoliers n'osoit prendre. Comme j'étois le plus jeune et un des plus forts de la classe, il avoit grande envie que je soutinsse une thèse à la fin des deux années; mais mon pere et ma mere ne le trouverent pas à propos, à cause de la dépense où engage cette cérémonie. Le régent en eut tant de chagrin qu'il me fit taire lorsque je voulus disputer contre ceux qui devoient soutenir des thèses. J'eus la hardiesse de lui dire que mes argumens étoient meilleurs que ceux des Hibernois qu'il faisoit venir, parce qu'ils étoient neufs et que les leurs étoient vieux et tout usés. J'ajoutai que je ne lui ferois point d'excuses de parler ainsi, parce que je ne sçavois que ce qu'il m'avoit montré. Il m'ordonna une seconde fois de me taire, surquoi je lui dis, en me levant, que puisqu'il ne me faisoit plus dire ma leçon (car en ce tems-là les philosophes disoient leur leçon tous les jours, comme les autres écoliers, et c'est un grand abus de les en avoir dispensés), qu'on ne disputoit plus contre moi, et qu'il m'étoit défendu de disputer contre les autres, je n'avois plus que faire de venir en classe. En disant cela, je lui fis la révérence et à tous les écoliers, et sortis de la classe. Un de mes amis, nommé Beaurain, qui m'aimoit fort, et qui s'étoit en quelque sorte rangé auprès de moi parce que

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