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F.

FABER, FABRE OU LE FÈVRE (Jean), né aux environs d'Angoulême, mort dans cette ville en 1340, exerça les fonctions de juge à la Rochefoucauld, et, suivant quelques biographes, fut élevé à la dignité de chancelier de France. Le Commentaire qui reste de lui sur les institutes de Justinien (Venise, 1488, in-fo.; Lyon, 1593, in-4°) l'a placé au rang de nos plus savants jurisconsultes. Cet ouvrage, écrit vers 1328, contient d'importantes recherches sur le droit coutumier. C'est sous ce rapport surtout qu'on peut le considérer comme un monument historique. On lui attribue encore: Breviarium in codicem, Paris, 1545; Lyon, 1594.

magie les exploits de ce grand capitaine. En 1635, à cette fameuse retraite de Mayence, que plusieurs écrivains comparent à celle des dix mille de Xénophon, Fabert contribua beaucoup à sauver les débris de l'armée française qui fuyait devant les Impériaux, et fit voir que chez un homme de guerre la valeur peut ne pas exclure l'humanité. L'armée autrichienne, après avoir tenté vainement de pénétrer en Champagne, rétrogradait à son tour. Le corps de Fabert, chargé de la poursuivre, arriva dans un camp où l'ennemi avait abandonné ses malades et ses blessés. — « Tuons tous «< ces gredins-là, s'écria un Français.« Ce conseil, dit Fabert, est d'un bar« bare; cherchons une autre vengeance « plus noble et plus digne de notre na«<tion. » Et aussitôt il fit distribuer aux malheureux les vivres et les secours dont ils avaient besoin. Fabert se trouva au siége de Saverne en 1636, de Landrecies en 1637, de Chivas en 1639. Blessé à celui de Turin en 1640, d'un coup de feu à la cuisse, les chirurgiens déclaraient l'amputation indispensable. Le cardinal de la Valette ( troisième fils du duc d'Epernon), dont il était aide de camp, et Turenne, l'engageaient à y consentir. « Il ne faut pas mourir par pièces, leur dit Fabert; la mort m'aura << tout entier ou n'aura rien, et peut« être lui échapperai-je. » Effectivement il guérit, et assez vite, car il figura l'année suivante à la bataille de la Marfée et au siége de Bapaume. En 1642, Fabert suivit le maréchal de la Meille raye dans le Roussillon, et se distingua beaucoup à la prise de Collioure, par laquelle s'ouvrit la campagne. On commença, immédiatement après, le siége de Perpignan. Louis XIII vint à l'armée malade, il chargea Fabert de lui rendre compte des opérations. Un jour, M. le Grand (Cinq - Mars) se permit de disputer contre Fabert. Le roi, dont l'amitié pour ce favori déclinait sensiblement, le tança fort de sa présomption. 11 sortit en disant tout bas à Fabert: « Je vous remercie, Mon« sieur! » Le roi voulut savoir ce que c'était; Fabert ne le lui voulut jamais apprendre. - « Il vous menace peut

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FABERT (Abraham), qui de simple soldat devint maréchal de France, naquit à Metz le 15 octobre 1599. Son grandpère et son père étaient imprimeurs dans cette ville, et avaient été anoblis par les ducs de Lorraine. Si nous mentionnons ce fait de mince importance, c'est qu'il nous paraît s'accorder mal avec l'accusation portée contre Fabert de n'avoir pas su le latin et de n'avoir pas fait d'études. Quoi qu'il en soit à cet égard, les nombreuses lettres que possède de lui la bibliothèque royale témoignent qu'il écrivait fort correctement sa langue. Fabert montra dès sa jeunesse une inclination décidée pour la carrière des armes, et n'atteignit pas plutôt l'âge d'entrer au service, qu'il s'enrôla dans un des régiments du duc d'Épernon. Les preuves de courage et de capacité qu'il donna bientôt lui gagnèrent l'estime des chefs et la confiance des soldats; mais il languit quelque temps dans les grades inférieurs. D'Épernon, quoique éloigné de la cour, le recommandait d'une façon si pressante, qu'on lui accorda enfin une compagnie dans les gardes. Dès lors Fabert s'avança rapidement, et chaque nouveau grade qu'il obtint fut la récompense d'une belle action. Il affrontait si résolument le péril, et, grâce à son sang-froid, il y échappait avec tant de bonheur, que la multitude, toujours portée à expliquer par des causes surnaturelles les faits qui passent son intelligence, n'attribuaît à rien moins qu'à la

re? Sire, on ne fait point de meaces en votre présence, et ailleurs on ne le souffrirait pas. » Tallemant 3 Réaux, qui raconte l'anecdote prélente, ajoute que Fabert était fort n dans l'esprit de Louis XIII, que roi avait même dit en certaine occan qu'il se servirait de lui pour se aire du cardinal, qu'on l'avait choisi nme un homme de cœur et de sens, que M. de Thou l'avait sondé à mainreprises pour l'entraîner dans le ti de M. le Grand. Mais Fabert, ne connaissait que son devoir et préférait les combats aux intris, se tint constamment à l'écart des tis. Fabert prit Porto-Longone et mbino en 1646; Mazarin, la même ée, le fit maréchal de camp. On préi que comme le cardinal, par mae de retour, proposait à Fabert de servir d'espion dans l'armée, celuipliqua Peut-être faut-il à un mistre de braves gens et des fripons. ur moi, monseigneur, je ne veux e que du nombre des premiers. si Mazarin s'écriait-il par la suite, our qu'on cherchait à lui inspirer doutes sur la fidélité de Fabert: !s'il se fallait méfier de celui - là, qui pourrait-on mettre sa conice? Fabert réduisit Stenai en . Louis XIV, pour le récompenser es longs services, le nomma,

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, maréchal de France et gouverde Sedan. Fabert augmenta consiblement les fortifications de cette et paya de sa bourse une partie lépenses. Ses parents le lui repront : « Si, leur répondit-il, pour pêcher qu'une place que le roi m'a fiée ne tombât entre les mains de nemi, il fallait mettre à une brèche personne, ma famille et mon bien, n'hésiterais pas un instant. » Le i proposa, en 1662, le collier de rdres; il le refusa, par le motif ne pouvait produire les titres de sse exigés. On lui fit dire qu'il prét ceux qu'il voudrait, et qu'on ne aminerait pas. Il répondit que pour er son manteau d'une croix, il éshonorerait point son nom par mposture. Louis XIV, à cette oca, lui écrivait de sa main « Vo

refus, M. le maréchal, vous vaut

« à mes yeux plus de gloire que le colalier n'en vaudra jamais à ceux qui le >> recevront de moi. » Fabert mourut à Sedan le 17 mai 1662. Sentant sa fin prochaine, il demanda un livre de prières, et expira à genoux, tenant son livre ouvert au psaume Miserere mei, Deus. « On s'est obstiné, dit Voltaire dans le Siècle de Louis XIV, à vouloir attribuer au merveilleux la fortune et la mort de Fabert. Il n'y eut d'extraordinaire en lui que d'avoir fait sa fortune uniquement par son mérite. >>

Le fils unique du maréchal, nommé Louis, marquis de Fabert, comte de Sezanne, gouverneur de Sedan, colonel du régiment de Lorraine, fut tué par les Turcs au siége de Candie, le 23 juin 1669, âgé de dix-huit ans.

Les descendants du frère aîné d'Abraham Fabert se perpétuèrent pendant le dix-huitième siècle, et suivirent la carrière militaire.

FABLE. Il est des genres de littérature qui ne peuvent exister que dans une époque civilisée : il en est d'autres dont la culture est possible avant l'âge de la civilisation, et même dans des temps encore tout à fait barbares. L'apologue se place naturellement au nombre de ces derniers. En effet, le goût de la fiction, le goût de ces formes matérielles et de ces couleurs sensibles qui donnent plus de pouvoir aux vérités abstraites de la morale en leur donnant plus d'attrait, est un penchant inhérent à l'espèce humaine, un besoin qui cherche à se satisfaire dans tous les lieux et dans tous les temps. Peut-être même ce penchant est-il plus vif et a-t-il plus d'empire dans les époques privées de civilisation, chez les peuples encore rudes et ignorants dont l'intelligence faible et naïve s'attache avidement aux symboles, aux enveloppes matérielles de la pensée, et dont la raison ne s'éclaire que par le secours de l'imagination. En un certain sens, l'apologue appartient plus aux âges barbares qu'aux siècles où le génie et la raison ont perfectionné les lettres. Nous voulons dire qu'il répond à un besoin plus pressant, qu'il est plus à sa place dans l'enfance que dans la maturité des peuples. Du reste, les époques primitives manquant ordinairement de grands écrivains et

n'ayant point une langue faite, ne laissent rien en fait d'apologue que la postérité puisse mettre au rang des monuments. C'est dans l'âge du savoir et de la politesse que l'apologue recevra sa forme la plus ingénieuse, la plus frappante et la plus durable. C'est sous Louis XIV que l'apologue trouvera un la Fontaine. Toutefois, on peut considérer le moyen âge comme étant chez nous l'époque proprement dite de ce genre, parce que c'était celle où il s'accordait le mieux avec l'état des esprits.

Il serait difficile d'embrasser, dans des bornes étroites, une histoire complète de l'apologue ou de la fable en France au moyen âge. La seule nomenclature des ouvrages de cette espèce, que le moyen âge produisit, demanderait beaucoup de place et de temps. Nous nous bornerons à indiquer ce qu'il est surtout nécessaire de savoir. D'abord, on composa des fables en latin c'est surtout dans les monastères et les abbayes qu'on se livra à ce genre de travail. Les premiers fabulistes du moyen âge empruntèrent beaucoup de leurs sujets à Phèdre, à la traduction que Julius Titianus avait faite en prose latine, sous Caracalla et ses successeurs, des fables de Babrias, auteur grec, contemporain d'Auguste, et au Recueil d'un certain Romulus, dont l'époque n'est pas bien connue. Souvent même, au lieu d'imiter ces modèles, ils se bornaient à les paraphraser. Bientôt la langue dite vulgaire s'étant formée, et ayant dérobé au latin une partie de son influence et de ses priviléges, les trouvères, poëtes de cette langue nouvelle, tentèrent, dans le genre de l'apologue, des essais qui furent accueillis avec faveur, et qui bientôt se multiplièrent singulièrement. Les communications que les croisades établirent avec l'Orient vinrent leur ouvrir une mine nouvelle et féconde de fictions et de récits allégoriques. Les livres de fables des Arabes, traduits en latin ou en langue vulgaire, mirent à leur disposition tous les sujets créés par l'imagination poétique et symbolique de l'Asie. Ainsi, au répertoire qu'avait fourni l'antiquité latine et grecque, s'ajouta toute une nouvelle série de modèles. On imita en même temps Phèdre et Bidpaï, ou Pilpay, auteur présumé

du roman de Calilah et Dimnah, livre originaire de l'antique littérature hindoue on continua à remanier le re cueil de Titianus, et on fit de nombreux emprunts au roinan persan de Sandabad. Enfin on puisa largement à cette double source, et la France eut un nom bre considérable d'Esopes, aujourd'hui, il est vrai, entièrement inconnus, et dont nous ne citerons que quelques

uns.

Dans la seconde moitié du douzième siècle, Perrot de Saint-Cloot composa une partie de ce roman du Renard, que l'érudition de plusieurs littérateurs dis tingués de nos jours a travaillé à remettre en lumière. Bien que cet ouvrage soit ordinairement compris dans l'histoire du roman par ceux qui se sont occupés de recherches sur cette partie de notre littérature, cependant nous pensons qu'il convient mieux de le rattacher au genre de l'apologue: car, s'il porte le titre de roman, il ne renferme autre chose qu'une collection d'apologues, réunis par un lien commun, qu'une série de récits cachant des leçons de morale ou des vérités satiriques sous des formes allégoriques, que des dialo gues entre des animaux, à la tête desquels figurent, comme héros du livre, un loup et un renard. Dans la composition du roman du Renard, une érudition sûre a reconnu de nombreux souvenirs du roman de Calilah et Dimnah. Ce livre arabe était aussi une suite d'apologues, encadrés dans un récit général, servant à les lier les uns aux autres. Les deux héros de Bidpai sont aussi deux animaux, fins, ingénieux, rusés, comme le loup et le renard du conteur français: ce sont deux chacals. Les traditions de l'Orient prêtaient au chacal une finesse d'instinct merveilleuse, une intelligence presque égale à celle de l'homme; la ressemblance de ces deux monuments se borne, au reste, à des rapports entre le plan et plusieurs par ties de l'exécution. Perrot de SaintCloot et ses continuateurs se proposerent un but original, et s'inspirerent des idées de leur temps. Ils firent une 5tire de leur siècle, lançant avec une as sez grande liberté des traits quelquefois piquants contre les différents ordres qui composaient la société d'alors. Le re

nard exprime ordinairement l'habileté politique, l'intrigue astucieuse, la fourberie hypocrite s'élevant à la puissance et aux honneurs. Ce renard, grâce à son esprit et à son audace, fait une haute fortune: il devient pape. Ce personnage ne représente pas une seule classe de la société, mais l'esprit d'ambition, de calcul et de fraude, s'introduisant dans les différentes conditions, et détournant de la droite voie tantôt le seigneur, tantôt le prêtre, quelquefois aussi l'homme du peuple. Rien de plus curieux, comme étude de moeurs, que cette composition singulière. Du reste, la langue dans laquelle elle est écrite n'est remarquable que par sa pauvreté et son extrême rudesse. Les continuations de ce roman furent très-nombreuses on en fit jusque sous le règne de Philippe le Bel. C'est alors que parut le Renard couronné, qui renferme des allusions nombreuses aux luttes de la royauté avec le saint-siége, et dans lequel on trouve ce vers, qui en résume en quelque sorte la pensée :

Mieux vaut engin que ne fait force.

Dans le temps où écrivait Perrot de Saint-Cloot, un autre fabuliste composa le Castoiement d'un père à son fils, ou plutôt traduisit, en langue vulgaire, un roman arabe semblable à celui de Bidpai, en travaillant sur la traduction latine qu'en avait faite un juif espagnol. C'est une suite de leçons données par un père à son fils qui va entrer dans le monde chaque leçon, mise en action, est suivie d'apophthegmes et de sentenees. Plus tard parut le Dolopathos ou les sept sages de Rome, qui eut pour auteur un certain Herbert ou Hébert, et qui, analogue pour la forme de l'ensemble aux compositions précédentes, est également rempli de souvenirs des apologues orientaux.

:

Dans le treizième siècle, l'auteur de fables qui mérite surtout d'être cité, c'est Marie de France. Son recueil est d'un autre genre que ceux dont nous venons de parler elle composa des apologues détaches et s'exerça à imiter ou à traduire, en un petit nombre de vers, chacune des petites pièces latines de Romulus dont elle avait sous les yeux, ainsi qu'elle le dit elle-même, une traduction anglaise. Marie de France, dont le lan

gage tient beaucoup du dialecte anglonormand, offre aux amateurs de nos antiquités nationales un certain intérêt littéraire. Ses fables, qui manquent en général de finesse et de saillie, ont un assez grand charme de naïveté et de simplicité, et ne sont pas absolument sans art: la moralité est appliquée d'une manière juste et judicieuse à l'action; les circonstances de l'action sont clairement exposées; les vers sont assez soignés pour le temps, et la rime surtout paraît y avoir été l'objet d'un travail scrupuleux. On pourra prendre une idée de ces fables et des qualités relatives qu'on y remarque, comme aussi de la rouille de barbarie qui les couvre encore, par celle-ci que nous citons d'apres l'édition de Marie de France, dounée dans ces derniers temps par M. Roquefort. C'est celle qui a pour titre le Vilain et son cheval:

D'un vilain cunte ki entra
En un mustier, e si ora;

Un suen cheval aveit mult chier:
Si l'atacha fors dou mustier.
A Diex requist qu'il li aidast
Q'un autel chevax li dunast;
Tan cum il fist cele orisun,
Sun cheval anblèrent lairun.
Quant fu hors dou muser issu,
Ke vit ses buns chevax perdu,
Au mustier va hastivement,
Et pria Dex dévotement,
Que nul autre riens ne requiert,
N'autre cheval boins ne li ert,
Mais face li r'aveir le suen,
Car james n'avera si buen.
MORALITÉ.

Pur ce ne deit nus hum proier
De plus aveir qu'il n'a mestier :
Ce gart que Diex li a prestei
Se li soufise en loiautei (*).

Je raconte l'histoire d'un vilain qui entra dans un moutier et s'y mit en prière. Il avait un cheval qu'il aimait beaucoup : il l'avait attaché en dehors du moutier. Il demanda à Dieu de lui faire avoir par son aide un autre cheval. Mais pendant qu'il faisait sa prière, des larrons emmenèrent le cheval. Quand il fut sorti du moutier, il vit que son bou cheval était perdu aussitôt il rentra dans le moutier, et pria dévotement, disant qu'il ne demandait plus un autre cheval, qu'il n'avait pas besoin d'en avoir un autre, mais qu'il requérait Dieu de lui faire ravoir le sien, car jamais il n'en trouverait un autre aussi bon.

Ainsi l'homme ne doit jamais demander à Dieu plus qu'il n'a besoin. Le don que l'on a reçu de Dieu doit suffire à un homme loyal.

On voit, par cet échantillon, que malgré le progrès qu'elle fit faire à l'apologue, Marie de France parle encore un jargon qui a besoin d'être traduit. Aussi M. Roquefort cède-t-il à un enthousiasme par trop aveugle d'éditeur, lorsqu'il l'appelle notre Sapho. Étrange Sapho, qui nous fait tristement sentir l'immense différence du génie si longtemps grossier de nos ancêtres, avec le génie des Grecs, de bonne heure si brillant et si pur!

Le nombre des fabulistes ne diminua pas au quatorzième et au quinzième siècle; mais, parmi leurs productions, il n'en est aucune assez saillante pour mériter même une mention dans cette rapide revue. Au seizième siècle, l'apologue profita, comme les autres genres de littérature, des améliorations qui s'opérèrent dans la langue et dans l'art de la composition. Du reste, l'apologue n'eut pas le bonheur d'être cultivé par les grands talents de l'époque. Aucun des poëtes fameux de l'école de Ronsard ne songea à s'y exercer. Il fallait aux ambitieux réformateurs dont Ronsard fut le chef, des genres d'un ordre plus élevé, tels que l'ode, l'épopée. Marot, qui précéda Ronsard, et qui n'avait pas les mêmes prétentions au sublime, oublia de se livrer à l'apologue, qui, cependant, eût peut-être fort bien convenu à son génie fin, délicat et naïf. On ne trouve dans ses ouvrages qu'une fable, celle du Lion et du rat ; il y a, dans cet essai, de l'esprit et de l'agrément, mais l'action y est trop longuement contée. Les fabulistes du seizième siècle que nous citerons ici, ne sont donc point connus par d'autres ouvrages que par leurs fables: malgré le mérite réel qu'on peut remarquer dans plusieurs de leurs compositions, leurs noms ont jeté peu d'éclat. Ce sont Gilles Corrozet, Guillaume Gueroult, Philibert Hégemon. Gilles Corrozet conte assez bien, quoique dans une langue encore bien embarrassée et bien traînante. Cet auteur mit plus d'art et de sel que ses devanciers dans les dialogues des animaux. Il égaye et intéresse quelquefois son lecteur. Ainsi, en tenant compte de l'époque où il écrivait, on lira pas sans plaisir sa fable de la Grenouille et du bœuf. Guillaume Gue

ne

roult eut l'honneur de fournir à la Fon-
taine quelques traits. Citons, pour don-
ner une idée de sa manière, un passage
de sa fable des Animaux malades de la
peste. C'est la confession que l'âne fait
au milieu de l'assemblée des animaux.
L'âne raconte qu'un jour son maître
l'emmena à la foire :

Mais arrivé, jeun il me laisse là
Et s'en va droit à la taverne boire.
Marri j'en fus (car celui qui travaille
Par juste droit doit avoir à manger):
Où je trouvai, pour le compte abreger,
Ses deux souliers remplis de bonne paille.
Je la mangeai, sans le su de mon maître:
En ce faisant, j'offensai grandement :
Dont je requiers pardon très-humblement,
N'espérant plus telle faute commettre.
- O quel forfait! ô la fausse pratique!
Ce dit le loup fin et malicieux.
Au monde rien n'est plus pernicieux
Que le brigand ou larron domestique.
Comment! la paille aux souliers demeuree
De son seigneur, manger à belles dents!
Et si le pied eût été là dedans,

Sa tendre chair eût été dévorée!

La Fontaine qui, ainsi que nous l'avons dit, a fait quelques emprunts à Guillaume Gueroult, n'a pas cru devoir le suivre ici pour la confession de l'âne, et il a bien fait, puisqu'il a trouvé quelque chose de plus comique et qui est mieux en situation, à savoir, cette herbe tendre qui a tenté le pauvre baudet, ce pré de moines dont, quelque diable le poussant, il a tondu la largeur de sa langue. On doit convenir que cette paille des souliers du villageois mangée par l'âne, et faisant le sujet de son repentir et de son aveu, n'est pas une invention parfaitement naturelle, une idée exempte de recher che. Mais, du reste, Guillaume Gue roult a le mérite d'avoir donné au discours de l'âne le ton d'humilité, de douceur et d'ingénuité qui convient à son personnage, et d'avoir placé un trait vraiment comique dans les paroles du loup :

Et si le pied eût été là dedans
Sa tendre chair eût été dévorée!

C'est bien là l'habileté perfide et l'affectation hypocrite de sensibilité d'un calomniateur impudent. On ne rencon tre rien qui vaille ce trait dans les 80teurs de fables qui viennent après Guil laume Gueroult, et dont l'époque est le commencement du dix-septième sie

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