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fatigues, et n'osaient se plaindre. On atteignit bientôt Gazah, qu'on prit sous les yeux mêmes de Djezzar. De Gazah, l'armée se dirigea sur Jaffa, et parvint le 3 mars devant cette place, qui était défendue par quatre mille hommes. On battit les remparts en brèche, après quoi Bonaparte envoya sommer le commandant, qui, pour toute réponse, fit couper la tête au parlementaire. L'assaut fut donc donné, la place vivement emportée, et livrée à trente heures de massacre et de pillage. Au bout de ce temps restèrent quelques mille prisonniers, qu'on ne pouvait ni envoyer en Égypte, faute d'escorte, ni rendre à l'ennemi. Bonaparte, se décidant à une mesure terrible, seul acte cruel de sa vie, les fit passer tous au fil de l'épée. Les Français marchèrent ensuite sur Saint-Jean d'Acre, unique place qui pût encore les arrêter. S'ils l'enlevaient, la Syrie était à eux. Mais Djezzar s'y était jeté avec une nombreuse garnison, et devait, d'une part, recevoir du commodore anglais sir Sidney-Smith, qui croisait dans ces parages, des ingénieurs, des canonniers et des munitions; de l'autre, il devait être bientôt secouru par le corps d'armée d'Abdallah, qui s'avançait de Damas pour franchir le Jourdain. Bonaparte se hâta d'attaquer la place, pour l'enlever, comme celle de Jaffa, avant l'arrivée d'aucun secours. La tranchée fut ouverte le 20. Malheureusement l'artillerie de siége, qui venait par mer, était tombée au pouvoir de Sidney-Smith; il fallut y suppléer par l'artillerie de campagne; les choses traînèrent en longueur, et, dans l'intervalle, les Anglais renforcèrent Djezzar. Il y avait déjà dix jours que le siége durait, lorsque, le 1er mars, on annonça l'approche de l'armée turque. Bonaparte, sans abandonner le siége, envoya la division Kléber vers le Jourdain pour lui en disputer le passage. Cette armée, réunie aux peuplades des montagnes de Naplouse, s'élevait à environ vingt-cinq mille hommes, dont douze mille cavaliers. Kléber, malgré toute sa diligence, ne put empêcher qu'elle ne passât le fleuve au pont d'Yacoub, le 4. Junot, avec l'avant-garde de la division, forte au plus de cinq cents hommes, rencontra, le 8, Abdallah sur la route de Na

zareth. Obligé de céder au nombre, il ne se replia toutefois qu'après avoir fait un assez grand massacre dans les rangs ennemis. Kléber, de son côté, hâtant sa marche pour rejoindre Junot, avait débouché dans les plaines qui s'étendent au pied du mont Thabor. Il y trouva, le 18 au matin, toute l'armée turque rangée en bataille. Suivant la tactique or dinaire, Kléber forma en carré ses trois mille fantassins, qui purent ainsi résister six heures de suite à leurs nombreux adversaires. Sur ces entrefaites arriva Bonaparte, qui, instruit de l'immense supériorité numérique d'Abdallah, s'était détaché avec la division Bon pour secourir Kléber. Dès lors la victoire ne fut pas un instant douteuse, et six mille Français dispersèrent une armée que les habitants du pays disaient innom. brable comme les étoiles du ciel et les sables de la mer.

Revenu devant Saint-Jean d'Acre, Bonaparte en poussa encore le siége jusqu'au milieu de mai, avec autant de vigueur que l'insuffisance de son matériel le lui permettait. Il se détermina ensuite à l'abandonner. Depuis deux mois que

ce siége durait, il avait perdu près de quatre mille hommes; s'exposer à en perdre davantage eût été imprudent. La peste était dans la ville, et l'armée en avait pris le germe à Jaffa. Puis on annonçait le prochain débarquement de l'autre armée turque vers les bouches du Nil. Enfin, réalisant le fond de ses projets, Bonaparte avait détruit l'armée de Syrie; mais il lui fallut renoncer à son vague et merveilleux espoir de conquérir l'Orient, et tel en fut son regret le reste de sa vie, que, malgré l'éclat de sa destinée, il accusait souvent SidneySmith de lui avoir fait manquer sa for

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Desgenettes qu'il y aurait plus d'humanité à leur administrer de l'opium; à quoi le médecin fit la fameuse réponse: Mon métier est de les guérir, non de les tuer! » A la bonne heure s'il les eût guéris...

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d'environ dix-huit mille fantassins, non de ces misérables qui formaient l'infanterie des mameluks, mais de braves janissaires, portant un fusil sans baïonnette, le rejetant sur leur dos quand ils avaient tiré, puis se ruant sur leurs adversaires le sabre et le pistolet au poing. Ils avaient une artillerie nombreuse, bien servie, et étaient dirigés par des officiers anglais. Ils manquaient de cavalerie; mais Mourad devait les rejoindre avec deux ou trois mille mameluks.

Il était temps que Bonaparte regagnat l'Égypte. En son absence, l'esprit d'insurrection avait gagné toutes les provinces du Delta; son retour ramena partout la soumission et le calme. Mais ce n'étaient pas les habitants seuls que Bonaparte avait à contenir, c'étaient encore ses généraux et l'armée ellemême. Un mécontentement sourd yil régnait, mécontentement qui ne venait ni des fatigues, ni des dangers, ni surtout des privations, car le soldat ne manquait de rien, mais de l'amour du pays, qui toujours poursuit le Français. On était en Egypte depuis un an, et depuis près de six mois on n'avait aucune nouvelle de France. Aucun navire n'avait pu passer; une morne tristesse accablait donc tous les cœurs. Un jour l'armée forma le projet d'enlever ses drapeaux du Caire, et de marcher sur Alexandrie pour s'y embarquer; mais elle n'en eut que la pensée, et n'osa jamais braver son général.

En juin, l'ignorance des événements d'Europe était toujours la même. On savait seulement, d'une manière vague, que la France était déchirée par de nouvelles discordes et menacée d'une nouvelle coalition. Pour prendre un parti, et, s'il le fallait, repasser la mer, Bonaparte attendait de plus amples détails; mais avant, il voulait détruire la seconde armée turque, réunie à Rhodes, qui devait débarquer prochainement. Cette armée, montée sur de nombreux transports, qu'escortait l'escadre de Sidney-Smith, parut le 11 juillet en vue Alexandrie, et vint mouiller à Aboukir, dans cette même rade où notre flotte avait été détruite. Le point de débarquement que choisirent les Turcs fut la presqu'ile qui ferme la rade, et qui se termine par le fort et le village d'Aboukir. Marmont, qui commandait à Alexandrie, ne put ou ne sut empêcher les Turcs, ni de débarquer, ni de s'établir dans le fort, dont ils égorgèrent la garnison, ni de se retrancher dans le village. L'armée ennemie se composait

Quand Bonaparte reçut ces nouvelles, quitta sur-le-champ le Caire, emmenant avec lui les divisions Bon, Lannes et Murat, et fit, du Caire à Alexandrie, une de ces marches extraordinaires dont la campagne d'Italie avait offert tant d'exemples. Desaix eut ordre d'évacuer la haute Egypte; Kléber et Reynier, qui étaient dans le Delta, durent se rapprocher de la mer. Mourad essaya de descendre dans la basse Égypte; mais, rencontré et battu par Murat, il fut rejeté dans le désert. Bonaparte quitta Alexandrie le 24, arriva le lendemain 25 à l'entrée de la presqu'île, et, le même jour, gagna la bataille d'Aboukir, bataille à jamais célèbre dans les fastes de la guerre, en ce que l'armée ennemie, pour la première fois peut-être, fut entièrement détruite.

Ce devait être le dernier exploit de Bonaparte sur la terre d'Egypte. Pendant une quinzaine, il ignora encore ce qui se passait en Europe. Au bout de ce temps, il s'avisa d'envoyer à la flotte turque un parlementaire, qui, sous prétexte de négocier un échange de prisonniers, tâcherait d'obtenir quelques nouvelles. Sidney-Smith arrêta ce parlementaire, le traita fort bien, et, découvrant que les Français ne connaissaient pas les récents désastres de leur patrie, il se fit un malin plaisir de lui donner un paquet de journaux pour le général en chef. Bonaparte passa la nuit à les dévorer, partit le matin suivant pour le Caire, se hâta d'y faire, mais en secret, toutes ses dispositions de départ, rédigea une longue instruction pour Kléber, auquel il allait laisser le commandement de l'Égypte, et revint aussitôt après à Alexandrie, où il s'embarqua le 22 août.

Le départ de Bonaparte ouvre un nouvel ordre d'événements. Il s'agissait pour Kléber de se maintenir en Égypte, sans recrues et sans secours, contre les efforts réunis de la Porte et de l'Angleterre. Le grand vizir Jussuf était à Damas, et rassemblait une nouvelle armée; des partis d'Arabes occupaient Gazah; la flotte turque tenait la mer, prête à jeter des troupes vers les enbouchures du Nil; enfin des bâtiments anglais menaçaient Suez et Kosseïr. L'armée française, depuis un an, avait essuyé des pertes, pertes d'autant plus graves qu'elles étaient irréparables; néanmoins sa position continuait d'être bonne. Suez et Kosseïr la protégeaient sur la mer Rouge. El-Arich et Katich fermaient le désert du côté de l'Asie, et tous les points abordables du littoral de la Méditerranée étaient pourvus de batteries. A l'intérieur, Mourad était encore à la tête de ses mameluks, et ce chef infatigable exerçait une haute influence sur la population, qui, partout, se prêtait à cacher ses marches; mais la crainte que lui inspirait le grand vizir surpassait la haine qu'il avait vouée aux Français. A son approche, il cessa d'agir contre eux en ennemi. Dans les derniers jours d'octobre, les coalisés se montrèrent sur plusieurs points. D'une part, les garnisons françaises de Suez et de Kosseïr, attaquées par les Anglais, résistèrent victorieusement; de l'autre, 8,000 janissaires, débarqués à Damiette, rudement assaillis par le général Verdier, qui n'avait guère que 1,000 hommes, laissèrent 3,000 morts sur la plage, et se hâtèrent de regagner leurs vaisseaux. Pendant ces démonstrations, qui avaient pour but de diviser la défense, le grand vizir s'échelonna sur la frontière de Syrie. Vers la fin de décembre, Kléber, qui continuait, depuis deux mois, les relations que Bonaparte avait ouvertes avec la Porte, conçut le vain espoir de les mener à bonne fin, c'està-dire de conclure un traité de paix avec le Grand Seigneur; il entra à cet effet dans de fâcheux pourparlers, pendant lesquels on lui enleva El-Arich; et, le 24 janvier 1800, fut signée, dans ce fort, une convention portant que l'armée française évacuerait l'Égypte, et se replierait sur Rosette, Alexandrie,

Aboukir, pour être reconduite en E rope avec les honneurs de la guerr Déjà nos garnisons avaient abandon Katich, Salehieh, Belbeys; déjà Kléb se préparait à quitter le Caire et à r passer le Nil, lorsqu'il apprit, le 2 f vrier, que les Anglais se refusaient l'exécution du traité d'El-Arich, et d mandaient que les Français déposasse les armes. « A de telles insolences s'écria-t-il, on ne répond que par la vi toire!» Et bientôt il fut prêt à con battre. Cependant le grand vizir s' vançait vers le Caire, à la tête de 80,00 hommes. Ibrahim et ses mameluks faisaient partie. Djezzar avait refu de les suivre. Mourad avait traverse désert, et s'était rapproché du théât des événements, mais plutôt pour ‹ être témoin que pour y prendre par Le 20 mars, l'armée turque occup: tout l'espace compris entre les ruin d'Héliopolis et le Nil. Kléber lais 2,000 hommes à la garde du Caire, d boucha de la ville avec 10,000 comb tants, marcha à la rencontre de ses i nombrables ennemis, et remporta s eux une éclatante victoire. Mais Ibr him, à la tête d'une nuée d'infante et de cavalerie irrégulière, s'était po! sur la capitale comme Kléber en s tait; il avait même heurté Kléber, c n'avait pas voulu, pour chercher à l' rêter, se distraire de l'attaque prin pale. Ibrahim était donc entré au Cal pendant la bataille, et l'avait soulev La faible garnison française, retit dans la citadelle et les forts, tint be A mesure que la défaite des Tures r dit quelques troupes disponibles, el allèrent lui porter secours ; mais Klet n'abandonna la poursuite des vain qu'après avoir taillé en pièces leur rière-garde, à Belbeys, et vu, au d de Salehieh, leurs débris se jeter pê mêle dans le désert. Il redescendit al vers la capitale, qui, toujours insurg lui ferma ses portes et se défen quelque temps avec une extrême gueur, mais qu'il força enfin de capi ler. Dès lors, que pouvait crain Kléber? Sa petite armée, prise en 80,000 combattants et une populat soulevée de 300,000 âmes, était so victorieusement de ce double péril. grand vizir se trouvait pour longten

hors d'état de rien tenter. Mourad, frappé d'admiration, venait de traiter avec les Français. Un impôt extraordinaire de douze millions, que le Caire avait à payer en punition de sa révolte, ramenait l'abondance dans nos camps. Enfin la nouvelle que Bonaparte s'était emparé, en France, de la direction des affaires, avait réveillé l'ardeur des soldats, Kléber ne songea plus qu'à rester en Égypte. Il donna le commandement du Said à Mourad, recruta son armée parmi les Cophtes et les mameluks, y incorpora même des noirs qui devinrent de bons soldats entre ses mains, puis se livra à l'administration, où il déploya autant d'habileté qu'à la guerre. Le pays prenait déjà un aspect nouveau, lorsque le poignard du fanatique Soleyman trancha, le 14 juin, une vie de laquelle dépendait tout l'avenir de notre conquête.

tour, comme l'avait précédemment fait le pacha de Rhodes; Menou, instruit, dès le 4, de l'apparition d'une escadre anglaise, ne bougea. Il ne quitta le Caire, où il était, que le 11, et n'arriva que le 21 en présence de son adversaire, qui, dans l'intervalle, s'était avancé jusqu'à Canope. Il fut battu, et replić dans Alexandrie. Les Anglais l'y enfermèrent, rompirent les digues qui faissent ordinairement à sec le lac Maréo tis, puis dirigèrent par Rosette une forte colonne sur le Caire. Le général Belliard, qui en était gouverneur, avait rappelé vers la capitale toutes les forces françaises; Mourad lui-même venait à son secours, lorsqu'il mourut de la peste à Benziouef. Bientôt, le grand vizir déboucha de la Syrie, et les Indiens arrivèrent à Kosseïr, où ils débarquèrent sans obstacles. Belliard, se voyant entouré de 45,000 ennemis, et coupé de son corps principal, qui ne s'élevait qu'à 7 ou 8,000 combattants, signa, le 27 juin, une capitulation, en vertu de laquelle il fut conduit en France avec tous les honneurs de la guerre. Alexandrie seule tenait encore, après l'entière évacuation des provinces. Les AngloTurcs concentrèrent tous leurs efforts contre cette place. Menou, après s'y être maintenu jusqu'au 1er septembre, capitula sur les mêmes bases que Belliard, et, dans les derniers jours du mois, les débris de l'immortelle armée d'Orient avaient tous dit adieu à l'Égypte.

Le droit d'ancienneté appelait Menou à remplacer provisoirement Kléber; la fatalité voulut que le choix du premier consul le confirmât dans ce poste important. Nous disons la fatalité, car la fin de cette expédition d'Égypte, jusquela si glorieuse, ne va plus offrir qu'une suite de revers causés par l'impéritie du général en chef. Les huit premiers mois de son commandement s'écoulèrent sans que les Turcs ni leurs alliés tentassent rien contr. lui. Au lieu d'en profiter pour se mettre à même de braver un jour leurs attaques, Menou ne vit, dans leur longue inaction, qu'un nouveau motif de sécurité pour luimême, et ne prit aucune précaution. Si pourtant l'ennemi tardait à rouvrir la campagne, ce n'était que pour se préparer mieux, et à cause de la divergence des points sur lesquels il se proposait d'opérer. Le grand vizir, livré à ses propres ressources, ne pouvait plus rien: mais, d'une part, les Anglais avaient réuni à Rhodes un corps d'ar- Cependant, que Louis XIV ait ou mée qui devait être conduit vers les non connu le mémoire de Leibnitz, il bouches du Nil; de l'autre, ils avaient est à peu près certain qu'il a plus d'une embarqué à Madras 5,000 soldats in- fois songé à l'Égypte. Comment croire, diens pour les jeter à Kosseïr, et les en effet, qu'il ait pu ignorer les avanTures, ainsi appuyés, se disposaient à tages d'une pareille possession, avanreparaître par l'isthme de Suez. Le 8. tages déjà appréciés du temps de saint mars 1801, sir Ralph Abercomby dé-Louis, sinon par rapport à l'Inde, du barqua 17,000 hommes à Aboukir, moins par rapport à la Méditerranée ? s'empara du fort, et se retrancha alen- Plus sûrement que toutes les expédi

Ainsi donc, la France a fait deux grandes tentatives contre l'Égypte. Cela n'a rien d'étonnant, lorsqu'on songe aux ressources de tout genre que présente ce beau pays; et, ce qui devrait plutôt surprendre, c'est que, depuis saint Louis jusqu'à Napoléon, le gouvernement français n'ait plus fait aucun effort sérieux pour s'emparer de l'isthme de Suez.

tions, à travers l'Océan, la conquête de l'Égypte aurait ouvert au grand roi le chemin de l'Inde; et, une fois maître des principaux débouchés de ces deux pays, il n'aurait pas tardé à saisir la prépondérance maritime, objet de ses désirs aussi bien que la suprématie continentale, et qui flottait alors indécise entre la Hollande, l'Espagne l'Angleterre et la France. Il répugne de croire que Louis XIV, qui ne manquait ni de coup d'œil politique ni d'ambition assurément, n'ait pas vu ce que nous voyons tous.

Ce qui explique pourquoi, au lieu de disséminer ses forces maritimes sur différents points de l'univers, il ne les a pas concentrées sur l'Égypte, c'est que la moindre tentative de ce côté aurait dérangé tous ses plans politiques. Il ne faut pas oublier qu'alors l'Égypte était sous la domination réelle de l'empire ottoman, et que cet empire n'était pas encore dans l'état de décadence et de faiblesse où nous le voyons aujourd'hui. Son alliance, ou au moins sa neutralité, nous était indispensable pour refouler l'Europe devant nous, jusqu'à ce que nous eussions atteint notre frontière naturelle du Rhin; or, une démonstration contre l'Égypte aurait précisément eu pour conséquence de le jeter dans les rangs de nos ennemis déjà trop nombreux: Louis XIV avait donc les mains liées. Plus tard, le duc de Choiseul, voulant consolider notre puissance dans l'Inde, et nous assurer la prépondérance dans la Méditerranée, tourna aussi ses regards vers l'Égypte; mais, quoique l'empire ottoman ne fût plus aussi redoutable que du temps de Louis XIV, le cabinet français n'osa pas assumer la responsabilité d'une entreprise qui aurait détruit l'ancien système d'alliances, avec le secours duquel nous avions si souvent contenu ou dominé l'Europe. La mauvaise délimitation qui a toujours existé, depuis la destruction de l'empire carlovingien, entre le territoire de l'Allemagne et celui de la France, a été pour nous un embarras perpétuel et un obstacle qui s'est sans cesse opposé à notre développement au dehors. Aussi, dès que le traité de Campo - Formio, venant consacrer le traité de Bâle, eut tranché

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la question que n'avait pu résoudre Louis XIV, dès que la France révolutionnaire eut solidement conquis la frontière du Rhin, Napoléon, s'inspirant sans doute des documents secrets qu'il trouva dans les archives nationales, put songer à l'Égypte et à l'Inde.

En effet, de tous les grands empires de l'Occident, le mieux situé, relativement à l'Égypte, c'est la France. Naturellement trop éloignée de la Méditerranée, l'Angleterre n'a pu réparer ce désavantage que par des usurpations successives dans le bassin de cette mer intérieure; quant à l'Allemagne, elle en est à peu près isolée. La France, au contraire, lorsque sa marine prend son développement naturel, domine directement l'Égypte, qui est, il ne faut pas l'oublier, le point intermédiaire entre l'Orient et l'Occident, le centre géographique de l'ancien monde, comme l'isthme de Panama est le centre de l'Amérique.

Par veie réciproque, l'Égypte pourrait compromettre notre sûreté, si, tombant dans les mains d'une nation chrétienne, elle devenait le foyer d'une grande force maritime. C'est cependant ce qui nous menace, depuis que l'empire ottoman incline si visiblement vers sa chute. Dans la question d'Orient, qui, pour la France, est grosse d'un double danger, on a distingué avec beaucoup de raison la question égyptienne de la question turque, parce qu'Alexandrie ne court pas moins de dangers que Constantinople, et que, si les Russes étendent la main vers le Bosphore, les Anglais se rapprochent tous les jours davantage de l'isthme de Suez. L'établissement des Russes à Constantinople, peu rassurant pour nos intérêts maritimes, est cependant encore beaucoup plus à craindre pour notre puissance continentale et pour l'équilibre européen; tandis que l'établissement des Anglais au Caire serait surtout un coup terrible pour notre marine et pour nos intérêts, à un moment où le commerce de l'Inde se dis

pose à reprendre son ancienne route de la mer Rouge et de la Méditerranée.

Longtemps le gouvernement français, soit sous la restauration, soit depuis la révolution de juillet, essaya

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