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tement la confiance, leur concilie l'affection, et confond souvent l'habileté la plus exercée. M. Pitt joignait à d'éminentes qualités une grande force d'application; il n'était point entraîné par le goût des plaisirs mais on découvrit bientôt le fond de son caractère; prudent jusqu'à la méfiance, adroit jusqu'à l'astuce, toujours grave et maître de luimême, il n'avait point l'entraînant abandon, la politique ouverte et franche de son rival : l'élan de

:

jeunesse ne se faisait apercevoir que dans la hauteur de ses prétentions et la fierté de ses manières. Il avait déclaré, en entrant dans le monde, que jamais il n'accepterait de poste subordonné dans le gouvernement.

M. Pitt avait une grande facilité d'élocution; son éloquence était celle d'un parfait rhéteur; il était abondant jusqu'à la prolixité. Sa logique était pressante et subtile; lorsqu'il répondait aux assertions de ses adversaires, il ne se bornait point à discuter la substance de leurs argumens, il les disséquait, les considérait sous une multiplicité de rapports; il envisageait les principes et les vues des orateurs de l'opposition, et marquait ensuite avec vigueur les conséquences absurdes et funestes où il pensait que leurs doctrines pouvaient conduire. Lorsqu'il exposait ses propres mesures de gouvernement, développait avec beaucoup d'art les moindres avan

il en

tages et même les plus éloignés, observant avec soin les gradations et dans son style et dans sa déclamation. Il parlait souvent de lui, et maniait en maître l'arme de l'ironie.

Il fut et resta populaire pendant la plus grande partie de son ministère; il s'enorgueillissait de ce succès, et répétait souvent, ainsi que lord Grenville son cousin, qu'ils possédaient la confiance des dixneuf vingtièmes de la nation. Cependant ils ne pouvaient se dissimuler que leur obstination à prolonger la guerre n'eût détaché de leur parti un grand nombre de personnes, et accru celui de leurs ennemis. Les plus ardens d'entre ceux-ci ne purent, dans leurs virulentes diatribes, attaquer la moralité de M. Pitt, et le taxer d'avarice, de cupidité ni de dissolution : à peine osèrent-ils lui faire le reproche, plus léger chez les Anglais qu'en aucun autre pays, d'être peu sobre. Sa sévère probité ne fut pas le moindre appui de sa popularité et de la durée de son influence.

Quoique ses études n'eussent point été dirigées vers les finances, et que même peu de temps avant son élévation au ministère, il eût déclaré en plein parlement, qu'il ne se reconnaissait aucune aptitude pour cette partie de l'administration, il s'y adonna tout entier; il sentit que toute la force du gouvernement était là, qu'on n'obtenait pas toujours

de l'or avec du fer, et qu'on pouvait au contraire balancer et réparer la mauvaise fortune des armes, si l'on disposait de ressources financières constamment supérieures à celles de l'ennemi. Il faut bien reconnaître la solidité de ce principe, puisqu'à moins d'être totalement conquis, l'état dont la persévérance dans la guerre se fonde sur des ressources dont le renouvellement est assuré, doit l'emporter enfin sur celui qui ne peut persévérer qu'en les épuisant.

Il est donc juste de considérer les plans de finance de M. Pitt, et la fondation du crédit sur les moyens de pourvoir à l'extinction de la dette publique, comme la partie vraiment glorieuse de son administration. Quels que puissent être les abus et les dangers de ce système, c'est-à-dire, ses effets éloignés, on peut affirmer qu'il a sauvé de nos jours l'existence nationale, de l'Angleterre, et la postérité la vît-elle se briser sur les mêmes écueils, rendrait encore cette justice au fils de Chatam.

Quant à la guerre avec la république française que M. Pitt poursuivit avec obstination, on ne saurait apprécier les reproches que ne cessa de lui adresser le parti de l'opposition, qu'en distinguant les trois époques auxquelles cette grande question fut agitée. A la première époque, celle de la rupture, le gouvernement anglais n'aurait pu l'éviter que par une honteuse condescendance: reconnaître une hideuse ›

démocratie qui venait de renverser le premier trône de l'Europe, c'était en quelque sorte se rendre complice de ses crimes : maintenir des relations avec les niveleurs qui détruisaient la monarchie constitutionnelle et jusques à l'ombre de la liberté, c'était donner à la violation du pacte social, une sorte de sanction politique, et risquer d'attirer ces fléaux au sein de l'Angleterre.

A l'époque de la dissolution de la première ligue des souverains qui s'armèrent contre la révolution, mais ne déclarèrent la guerre qu'après y avoir été provoqués, la question de la paix fut vivement agitée. Les Français désunis, désolés, enchaînés par l'anarchie, s'étaient précipités dans les camps, dernier refuge de l'honneur ; ils avaient été constamment victorieux. Les liens fragiles d'une coalition, qui n'avait ni un centre d'action, ni un but déterminé, ni des moyens suffisans pour l'atteindre, furent totalement rompus par le traité de CampoFormio. L'Angleterre devait-elle alors faire la paix, et consentir à voir passer la Belgique et la Hollande sous la domination de la France ? Qu'avait-elle perdu? qu'avait-elle à craindre ? La France ne s'épuisait-elle pas visiblement par ses efforts exagérés ? La politique de M. Pitt fut donc raisonnable; il persista à soutenir la cause abandonnée par toutes les autres puissances. Il ne s'en laissa

point imposer par la vaine dénomination du gouvernement républicain : il prévit que les essais infructueux du directoire qui ne trouvait de garantie que dans la terreur, ne feraient qu'en relâcher le fatal ressort et prolonger l'anarchie. Il espéra, il prédit ( et les événemens justifièrent sa prédiction) que les fureurs et l'insolence du directoire lui fourniraient l'occasion de former une nouvelle et plus solide coalition.

Enfin, lorsque le général Bonaparte, abandonnant son armée en Égypte, vint détruire la république en renversant le directoire; lorsqu'il coupa, comme on le disait proverbialement, la queue de la convention, et qu'il écrivit directement au roi d'Angleterre pour proposer la paix, la situation respective des deux pays, la comparaison de leurs ressources n'offraient point encore la balance d'avantages, ni les garanties mutuelles qui font mûrir la paix entre deux nations rivales. M. Pitt, malgré la défection de la Russie, n'avait jamais eu de plus probables espérances de succès; et en effet, si une seule campagne avait suffi pour reconquérir l'Italie, fallait-il renoncer à enlever à la France, ses conquêtes du nord, la Belgique et la Hollande, quand on voyait ses armées, presque à moitié détruites par les combats, la famine et les maladies, quand ses finances paraissaient irréparables, quand le coup de

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