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mesbury à Ryssel, quatre ans auparavant, et dont la négociation avoria bien plutôt par la violence insensée du directoire français, et l'indiscrétion de ses plénipotentiaires, que par la mauvaise foi gratuitement reprochée au gouvernement anglais. La France, cette fois, présentait des garanties plus solides; l'ordre social était rétabli dans l'intérieur, aussi-bien que les rapports politiques au dehors; un chef unique du pouvoir, sous une apparente trinité consulaire, stipulait, avec l'assentiment évident d'une immense majorité, la reconnaissance du gouvernement existant, l'incorporation des riches conquêtes qui ne pouvaient plus être contestées, et l'affermissement du système d'égalité de droits, pour lequel la nation française avait vaillamment combattu.

Le gouvernement français ayant ratifié les préliminaires, le premier Consul donna au colonel Law de Lauriston, l'un de ses aidesde-camp, l'agréable mission de les rapporter à Londres. Le choix de cet officier, issu

d'une ancienne famille écossaise, fut considéré par les Anglais, comme une prévenance; ils l'accueillirent avec la plus grande distinction à son arrivée à Londres, la foule se répandit dans les rues qu'il devait traverser, et le salua par de fréquens huzza; le peuple coupa les traits des chevaux, et traîna sa voiture jusque chez M. Otto, où il descendit, et de là encore chez lord Hawkesbury, où les ratifications furent échangées entre ce ministre et M. Otto, le 12 octobre 1801.

Pendant le court séjour du colonel Lauriston, il fut constamment l'objet de l'attention générale; et M. Otto, dont les lumières, la prudence, et la parfaite connaissance des intérêts et des usages du pays, avaient si uti

lement servi la cause de l'humanité et celle de sa patrie, reçut aussi les témoignages les mieux mérités de l'estime et de la bienveil lance publiques. Jamais, depuis la restauration de Charles II, on n'avait vu le peuple anglais livré à un tel enthousiasme; il semblait que d'une et d'autre part, on se plaisait

à croire que les fureurs et les calamités de la guerre avaient usé, avaient éteint cette profonde haine, si long-temps nourrie contre la France. Les relations s'ouvrirent sur-lechamp entre les ports, le recrutement cessa dans les deux pays; les préliminaires de paix furent proclamés dans le monde entier, et furent partout reçus comme un bienfait inespéré de la divine Providence.

Nous nous plairions à laisser reposer nos lecteurs sur cette consolante pensée de la paix universelle, et nous voudrions n'avoir à jeter aucune ombre sur ce riant tableau; mais nous faillirions envers la justice et l'humanité, si nous ne retracions ici la cruelle situation où se trouvèrent les princes de la maison de Bourbon et les Français exilés avec eux de leur patrie. Le traité étant une reconnaissance authentique du nouveau gouvernement de la France, et la plus forte garantie de sa consolidation, il consommait la ruine de la cause royale; tous ses partisans, français ou étrangers, qui, de bonne foi, la croyaient indissolublement liée au maintien

de la balance des pouvoirs, de la subordination entre les classes de la civilisation et des droits de propriété en Europe, se trouvèrent démentis par le fait; ce n'était plus, qu'une théorie sans application. On ne saurait peindre leur juste ressentiment : la nuit qui suivit la ratification des préliminaires, et pendant laquelle toute la ville était magnifiquement illuminée, fut pour les émigrés français qui se trouvaient à Londres, une nuit de deuil. Il faut rappeler cette scène de douleurs, ce supplice de l'irrévocable bannissement de la patrie, aux hommes qui se laissant entraîner par les conseils de l'envie et de la vengeance, créent au gré de leurs passions et de leur sordide intérêt, des crimes politiques, et proscrivent comme un lâche assassin porte un coup de poignard en détournant les yeux, et n'ose voir couler le sang de sa victime: telles furent les proscriptions prononcées par les lois de l'émigration, source des massacres judiciaires, atroce et funeste exemple dont un demi-siècle n'aura pas vu cesser les malheureuses conséquences.

L'infortune dispose à la superstition. Au milieu de cette nuit de fêtes et de larmes, une affreuse tempête s'éleva tout à coup; le ciel était en feu, des torrens de pluie éteignaient les plus brillantes illuminations : de pauvres prêtres français prétendaient que le ciel répondait à leurs plaintes, que Dieu tonnait contre l'injustice des hommes; ils remarquèrent l'effet de la tempête sur l'ancre couronnée qui décorait l'office de l'amirauté; la couronne fut entièrement éteinte, l'ancre seule resta brillante; c'étaient disaient-ils, un favorable augure. Les anciens croyaient à ces présages, et leurs historiens n'ont pas dédaigné de nous transmettre les rapprochemens de ces vains jeux du hasard, avec les événemens les plus remarquables. Ainsi de malheureux Français s'attachaient encore au symbole de l'espérance, là même où la leur venait d'être trahie.

Depuis que l'empereur de Russie, Paul Ier, le seul entre tous les souverains qui fût entièrement indépendant de l'influence de la France, avait changé de principes et servi

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