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leur impéritie était jugée aussi sévèrement au dedans qu'au dehors. La nation, d'abord séduite et puis subjuguée, avait conservé toute son énergie. Quelles que fussent l'incohérence et la mobilité de cet informe gouvernement, ceux qui s'en emparaient retrouvaient toujours d'inépuisables ressources, un patriotisme préparé à tous les sacrifices, des soldats aguerris et dociles. Les hommes d'état de ce temps-là, et surtout ceux qui se trouvaient en Angleterre à la tête des affaires, étaient accoutumés à ne considérer la force et les moyens d'action que dans la direction supérieure; et, ne voyant rien de stable dans les élémens de la révolution, ils regardaient chaque usurpation du pouvoir comme le signe certain d'une prochaine destruction. La chute du Directoire, et l'élévation du chef militaire de cette république illusoire, loin de dissiper cette erreur, ne fit que les affermir.

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C'était la base immuable de l'ancien système de M. Pitt; ne jamais traiter avec la France, que lorsqu'elle se réduirait ou serait réduite

à ses anciennes limites. Le motif de cette dé

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termination n'était pas seulement comme nous l'avons fait connaître ailleurs, la crainte de laisser à la puissance maritime rivale de la Grande-Bretagne, un trop grand avantage de position, une attitude constamment hostile: il était encore convaincu que la durée de

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guerre avait presque abattu la fureur des conquêtes, qu'ainsi que l'anarchie s'était dévorée elle-même, la nation française épuisée d'hommes et d'argent, ne soutiendrait pas plus long-temps au dehors, une lutte devenue trop inégale, et que les débris de ses terribles armées, dont l'excellente composition n'a jamais été bien connue qu'après l'épreuve des revers, ne manqueraient pas de reporter dans son sein les désordres, tant exagérés par l'envie, et les calamités dont leurs premiers succès avaient accablé l'Europe. C'était à ce résultat, très-vraisemblable aux yeux des observateurs étrangers, que M. Pitt attendait la contre- révolution de France, et l'écroulement d'un état de choses qui toujours lui parut monstrueux. Malgré

sa sagacité, ce ministre ne sut pas démêler dans le cours de la révolution, et ne voulut jamais reconnaître l'esprit national de liberté et d'indépendance, qui depuis la destruction des ordres privilégiés et la création d'une représentation nationale, pouvait être plus ou moins comprimé, modifié, réglé, dirigé, mais jamais éteint.

La première ouverture du dictateur, et sa forme inusitée (*), confirmèrent les membres du ministère britannique, dans les idées qu'ils s'étaient faites de la situation de la France, et dans l'opinion que le nouveau chef du gouvernement ne proposait la paix d'une manière si patente et si chevaleresque, disaient-ils, que pour sortir d'embarras, se rendre populaire, et essayer de faire sanctionner son existence politique. Cependant cette brusque démarche à laquelle on était loin de s'attendre, embarrassa le cabinet

(*) Voyez au recueil de Pièces justificatives la lettre du premier Consul au roi d'Angleterre, et la réponse adressée par lord Grenville à M. de Talleyrand, ministre des relations extérieures.

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anglais; le ton de modération de cette lettre autographe, la manière franche dont la tion de la paix était abordée, au mépris des ambiguités diplomatiques, les motifs d'humanité et d'intérêt général qu'on y faisait valoir, donnaient des armes au parti de l'opposition. M. Pitt ne laissa point flotter l'opinion; il saisit, au contraire, cette occasion de justifier la guerre, d'en proclamer le but

moral, et de faire connaître sa persévérance à la poursuivre. La note officielle du ministre des affaires étrangères, lord Grenville, fut un nouveau manifeste; elle contenait les plus aigres récriminations, l'agression imputée à la France, les conquêtes et tous les faits d'armes des Français, considérés comme un brigandage hors des lois et des droits de la guerre, enfin la résolution de n'accepter d'autres conditions, d'autres garanties que le rétablissement de l'ancien gouvernement.

Irrité d'un refus si péremptoire et de conditions telles que la victoire seule eût pu les imposer à des vaincus soumis et supplians, le premier Consul fit répondre par

son ministre à la note de lord Grenville (*). M. Talleyrand réfuta énergiquement les allégations du cabinet de Londres sur l'origine de la guerre, repoussa la prétention de s'immiscer dans les affaires intérieures de la république, revendiqua le droit commun des nations, et ne manqua pas de choisir dans l'histoire d'Angleterre les exemples dont il appuya son argumentation. Lord Grenville répliqua en se référant à sa première note, et déclara plus explicitement encore, qu'après une si rapide succession de révolutions, on ne pouvait admettre que le système nouvellement établi en France eût la solidité et la consistance nécessaire pour inspirer la confiance qu'il affectait; que ces obstacles ôtaient pour le moment tout espoir des avantages que l'on pourrait tirer d'une négociation, et qu'il fallait attendre les résul tats de l'expérience et l'évidence des faits.

C'était déjà pousser trop loin de part et d'autre d'injurieuses et inutiles récrimina

(*) Voyez les Pièces officielles.

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