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L'opinion généralement répandue sur le caractère entreprenant de Bonaparte, justifiée par tant d'heureuses témérités, et accréditée dans l'esprit des peuples, par le prestige de sa fortune, augmentait ces alarmes, et embarrassait le gouvernement surpris et indigné de se trouver réduit à une défensive absolue.

Satisfait de l'impression produite par ses premières dispositions, toutes vagues qu'elles étaient, le premier Consul s'appliqua à les rendre plus essentielles; il indiqua le port de Boulogne, comme le point central de tous ses armemens, et le rendez-vous général. Son arrêté du 12 juillet organisa neuf divisions de flotille légère auxquelles furent attachés autant de bataillons tirés de l'armée du Rhin, et de l'armée gallo-batave, et des détachemens d'artillerie, sous les ordres du contre amiral Latouche-Tréville, officier distingué de l'ancienne marine, et qui, sous le ministère du maréchal de Castries, avait rempli les fonctions de directeur-général des arsenaux. Il exerçait fréquemment les troupes

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enibarquées aux manoeuvres de mer, an tir du canon, aux abordages, au débarquement. Ces faibles essais acquirent bientôt plus d'importance; les bruits les plus exagérés, et semés à dessein, se répandirent en Angleterre. On voit par les rapports officiels et les notes historiques de ce temps, jusqu'où les plus légères apparences peuvent porter la crédulité de l'ennemi, et que le meilleur stratagème pour égarer son opinion sur la réalité des moyens d'attaque, est de n'en pas cacher l'exiguité; car, à la guerre, comme en politique, il est assez ordinaire que ce qu'on voit, est ce qu'on est le moins disposé à croire. Le premier Consul écrivait à son ministre de la guerre : « Mon intention » n'est pas qu'il y ait un camp aux environs de » Boulogne, mais seulement qu'on renforce la >> garnison de cette ville, et qu'on place des » troupes sur les points environnans, de ma>> nière à se trouver à portée ». Et cependant, à peine quelques bataillons eurent-ils paru sur les côtes de la Manche, que les Anglais crurent y voir former des camps nombreux, et le

rassemblement de l'armée d'invasion que l'on portait, selon les calculs les plus modérés, à cent mille hommes."

On a vu dans le Chapitre précédent, que la plus grande partie des forces navales de l'Angleterre, était alors employée loin du canal de la Manche. L'amiral Cornwallis observait le port de Brest, avec quatorze vaisseaux de ligne; les amiraux Dickson et Graves, avec dix-sept vaisseaux, surveillaient au Texel la flotte hollandaise; mais il fallait. pourvoir à la défense des points qui semblaient être plus prochainement menacés. On se hâta de faire construire un grand nombre de chaloupes canonnières et de bombardes. qui furent placées à l'entrée des ports, et à l'embouchure des rivières. Les vaisseaux dela Compagnie des Indes, qui ne devaient point être employés cette année, furent promptement armés. Les villes maritimes s'empressèrent de seconder ces mesures; celle de Liverpool, donna l'exemple qui fut suivi de tous côtés avec une égale ardeur.

La sollicitude du gouvernement ne s'arrêta

point à ces dispositions navales; les forces de terre disponibles furent mises sur un pied respectable; on fit un appel général à tous les corps de volontaires; on rendit leurs rassemblemens plus fréquens; on multiplia les exercices et les revues les lords lieutenans des comtés firent dresser l'inventaire des chevaux et des voitures, qui pourraient. être mis en service; la milice supplémentaire. qui avait été licenciée en 1799, fat de nouveau organisée. Les ordres de marche vers les points de débarquement supposés furent expédiés, et l'instruction du prince comman dant-général, que nous avons mise au nombre des pièces justificatives les plus intéressantes, prouve ou la persuasion d'un danger pressant, qui pourtant n'était qu'imaginaire, ou l'intérêt du gouvernement à faire éclater · dans les trois royaumes ce même esprit, public qui avait, en 1792, préservé la France de l'invasion des coalisés. Il n'y eut pas jusqu'à la mesure si illusoire de la levée en masse, qui ne fût mise en œuvre : on prépara, on fit imprimer pour être distribués au peuple,

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des billets pour exciter toute la population à prendre les armes en cas d'invasion subite.

Tout cet appareil d'attaque et de défense, n'était au fond qu'un dispendieux et inutile simulacre de guerre; on eût pu dire une naumachie offerte dans le canal de la Manche, aux deux peuples appelés sur ses bords pour jouir de ce spectacle. Le théâtre de la guerre semblait être restreint à la petite étendue de côtes comprise entre Calais et l'embouchure de la Somme. Les bâtimens de la flotille française destinés pour Boulogne, doubler ne pouvaient prendre le large pour

les caps, les pointes ou les bancs selon les courans et les marées, sans être chassés et canonnés par les frégates et les bricks dont la mer était couverte; les Français serraient aussitôt la terre, et se mettaient sous la protection de leurs batteries; à l'aide de ces repos, et toujours combattant, ils parvenaient à atteindre le point de réunion. Ces fréquentes escarmouches à la vue des deux rivages, excitaient plus d'intérêt qu'elles n'a

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