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"Un prince allié de V. M. peut seul assurer à notre patrie tous ces avantages: c'est là que nous trouvons la puissance qui nous environne, et qui ne voudra que nous protéger. C'est la garantie des principes qui, même au milieu des agitations po litiques, ont toujours guidé nos pères; qui sont nécessaires à notre position et pour la conservation desquels nous avons, d'un consentement unanime, résolu de profiter du moment où V. M. I. était près de nos contrées pour la prier de fixer notre

sort.

"J'ai l'honneur de présenter à V. M. les actes constitutionnels qui expriment les vœux des Lucquois et les registres de leurs signatures. Le gouvernement qui voit de plus près les besoins de l'état a le premier émis son vou; le corps législatif non-seulement s'est empressé de l'adopter, mais chacun de ses membres a voulu le souscrire personnellement. V. M. verra, dans la multitude des signatures des citoyens de toutes les classes avec quel empressement ils se sont portés à exprimer individuellement les sentimens de leur cœur, sentimens qui ne pouvaient se manifester d'une manière plus libre, plus dégagée de toute influence étrangère.

"Si jamais commission publique m'a paru honorable et flatteuse: c'est sans doute plus que toute autre celle où il in'est permis d'offrir à V. M. impériale et royal l'hommage de la vive et respectueuse reconnaissance du peuple lucquois, et je ne puis qu'envisager comme le plus heureux moment de ma vie, celui où, appelé par le vœu public à remettre à des mains qui nous sont si chères, les destinées de ma patrie, je vois s'ouvrir devant elle un avenir plus brillant et plus fortuné: l'indépendance de Lucques sera protégée, sire, par votre bienveillance envers elle, par le voisinage de vos états, par la sécu rité que lui donnent votre appui et votre gloire. Son bonheur va se trouver associé à celui d'une partie de votre auguste fa mille, s'il fallait à mon pays une nouvelle garantie de son existencé, il la trouverait, sire, dans les affections personnelles de V. M."

Après quoi, S. M. a répondu en ces termes:

"Monsieur le gonfalonier, messieurs les députés des anciens et du peuple de Lucques, mon ministre près votre république, m'a prévenu de la démarche que vous faites. It m'en a fait connaître toute la sincérité. La république de Lucques sans force et sans armée, a trouvé sa garantie, pen dant les siècles passés, dans la loi générale de l'empire dont elle dépendait. Je considère aujourd'hui comme une charge attachée à ma couronne, l'obligation de concilier les différens partis qui peuvent diviser l'intérieur de votre patrie.

"Les républiques de Florence, de Pise, de Sienne, de Bo logne, et toutes les autres petites républiques qui, au 14e siècle, partageaient l'Italie, ont eu à éprouver les mêmes incon véniens: toutes ont été agitées par la faction populaire et par

celle des nobles. Cependant, ce n'est que de la conciliation de ces différens intérêts que peuvent naître la tranquillité et le bon ordre, La constitution que vous avez depuis trois ans est faible; je ne me suis point dissimulé qu'elle ne pouvait at teindre son but. Si je n'ai jamais répondu aux plaintes qui m'ont eté portées souvent par les différentes classes de vos citoyens, c'est que j'ai senti qu'il est des inconvéniens qui naissent de la nature des choses, et auxquels ils n'est de remède que lorsque les différentes classes de l'état éclairées, sont toutes réunies dans une même pensée, celle de trouver une garantie dans l'établissement d'un gouvernement fort et constitutionnel. J'accomplirai donc votre væu, je confierai le gouvernement de vos peuples à une personne qui m'est chère par les liens du sang. Je lui imposerai l'obligation de respecter constamment vos constitutions. Elle ne sera animée que du désir de remplir ce premier devoir des princes, l'impartiale distribution de la justice. Elle protégera également tous les citoyens qui, s'ils sont inégaux par la fortune, seront tous égaux à ses yeux. Elle ne reconnaîtra d'autre différence entre eux que celle provenant de leur mérite, de leurs services et de leurs vertus.

"De votre côté, le peuple de Lucques sentira toute la confiance que je lui donne, et aura pour son nouveau prince les sentimens que des enfans doivent à leur père, des citoyens à leur magistrat suprême, et des sujets à leur prince. Dans le mouvement général des affaires, ce sera pour moi un sentiment doux et consolant de savoir que le peuple de Lucques est heureux, content et sans inquiétude sur son avenir: je conti nuerai d'être pour votre patrie un protecteur qui ne sera jamais indifférent à son sort."

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Paris, 23 Juillet 1805...

La Russie avait fait demander, par l'intermédiaire de la Prusse, des passeports pour un chambellan qu'elle desirait envoyer à Paris auprès de S. M. l'empereur. Les passeports ont été comme ils devaient être, accordés sans aucune explica tion. Depuis, les papiers anglais nous ont appris quelque chose de l'objet de la mission de M. Novosilzof. Après beaucoup d'ordres et.de contr'ordres, ce chambellan est arrivé à Berlin, puis retourné à Saint Pétersbourg, et sa mission parait terminée. Si c'était M. Novosilzaf, qui devait apporter les propositions d'Angleterre, elle verra ce qu'elle a maintenant à faire. Doit-on considérer comme répondues, les ouvertures que l'empereur des Français fit, il y a six mois à cette puis sance, ou l'Angleterre se réserve-t-elle de répondre ? Cette question, on le sent fort bien, c'est le cabinet de Londres qui peut la résoudre...

MONITEUR, le 24 Juillet, 1805.

Berlin le 15 Juillet,

M. de Novosilzof est parti bier pour Saint Pétersbourg, il a eu avant son départ une longue conférence avec M. Jackson. Sa mission avait été annoncée dans toute l'Europe plusieurs mois avant qu'elle fût mise à exécution: cela seul devait la rendre inefficace. Aussi devient-elle l'objet de beaucoup de discussions, de calculs, d'intrigues. Après avoir peint M. Novosilzof comme un porteur d'ordres, plutôt qu'un négociateur, on présenta sa mission sous d'autres couleurs, afin de la rendre nou moins odieuse: il ne devait, disait-on, traiter qu'avec l'empereur lui-même. Ceux qui répandoient des bruits aussi absurdes, savaient très-bien que toute espèce de prétention quí s'éloignerait des égards dûs à une grande puissance, aurait par cela même rendu nulle une mission, dont le but d'ailleurs ne paraissait pas fort clair. Et ce qui manifeste parfaitement ce qu'elle pouvait avoir de vague et d'obscur, c'est qu'elle a été successivement l'objet d'ordres et de contr'ordres. Mais tout bien considéré, le contr'ordre qui rappelle M. de Novosilzof à Saint Pe tersbourg, 'est probablement plus utile à la paix que l'ordre qui l'envoyait à Paris.

Si le but de sa mission était de dissiper les froideurs survenues entre la France et la Russie, il aurait vraisemblablement réussi. Qu'ont en effet de commun la France et la Russie? Indépendantes l'une de d'autre, elles sont respectivement nulles pour se faire du mal, et toutes puissantes pour se faire du bien. Si l'empereur des Français exerce une grande influence en Italie, l'empereur de Russie exerce une influence plus grande encore sur la Porte Ottomane et sur la Perse. L'un a une influence circonscrite, qui ne s'étend point au-delà des discussions, relatives à ses limites et n'augmente pas sa force d'une manière majeure: l'autre, au contraire, exerce son influence sur deux puissances du premier ordre; qui furent long-tems au même rang politique que la France et la Russie et qui dominent sur lesArabies, la Mer Caspienne et la Mer-Noire. Si le cabinet de Russie prétend avoir le droit de fixer des limites précisse où la France doit s'arrêter de tous côtés, il est sans doute aussi disposé à permettre que l'empereur des Français lui prescrive les limites dans lesquelles il doit se renfermer, Lorsqu'avec le télescope d Hershell il observe de la terrasse du palais de Tauride ce qui se passe entre l'empereur des Français et quelques peuplades de l'Apennin, il n'exige pas sans doute que l'empereur des Français ne voie pas ce que devient cet ancien et illustre empire de Soliman, et ce que devient la Perse; qu'il ne voie pas que depuis deux ans le Caucause tout entier, sur le simple vœu de quelques maisons de ce pays, a été réuni à la Russie; que la Valachie et lu' Mol

davie toutes entières sont dans la dépendance de la Russie; qu'elle y a établi des forteresses, et qu'en obligeant ainsi la Porte à souffrir ses usurpations, elle s'est donné de grands avantages pour poursuivre ses conquêts dans le sein de la Perse.

L'empereur des Français serait-il donc réduit à ce degré de faiblesse, qu'il dût entendre, de sang froid, un commissaire Russe lui demander compte de ce qu'il fait dans des pays inconnus à la Russie, et avec lesquels elle n'a aucune liaison, aucune habitude; qu'il dût fermer les yeux pour ne pas voir, et se contenir pour ne pas répondre, lorsque le sultan Selim commande moins à Constantinople que le simple enroyé de Saint Pétersbourg, lorsque le Bosphore est violé, que les effets de l'occupation de la Crimée et des embouchures du Phase, se font sentir dans tous leurs développement; lorsque les cris du sérail quoique contenus par la crainte, donnent l'éveil à l'Europe, et lorsqu'enfin il n'est pas un pacha dans la Morée, pas un musulman à Constantinople qui ne s'attende à voir chaque matin une escadre de la Mer-Noire mouiller aux pieds du sérail, un hérault proclamer une déclaration de guerre, et des coups de fusils retentir dans les jardins du Grand Seigneur.

Mais si un commissaire russe, en venant dire à Paris qu'on exige une diminution d'influence en Italie, disait aussi qu'une garantie sera donnée pour la Perse et pour la Porte, que le Bosphore ne sera plus violé, que, selon les usages de tous les tems, il sera fermé aux vaisseaux de toutes les puissances, que le traité de 1798 ne sera pas renouvelé, que les sujets de la Porte ne navigueront plus sous pavilion russe, que les regi mens, levés à grands frais en Albanie, pour le service de la Russie, seront licenciés; que le mombre des vaisseaux dans la Mer-Noire ne sera jamais assez considérable pour mettre la Porte dans un tel peril, qu'elle aurait succombé dans sa capitale, avant que les puissances de l'Europe fussent informées de ses dangers; que le Phase sera évacué, que le Caucase sera rendu au Schah de Perse, et qu'on laissera cette grande con trée jouir enfin du repos, après tant d'années de guerres intestines et de calamités; il est facile de comprendre quel serait l'effet d'un tel language, et quoique nous ne soyons assurément pas dans le secret du cabinet des Thuilleries, nous osons le dire, l'empereur des Français serait prêt à une si noble transaction; il céderait non aux menaces, mais au désir de fonder l'indépendance des peuples et le bonheur de l'espèce humaine. Quelques sacrifices qu'il fit pour l'indépendance de la Porte et de la Perse, il y gagnerait encore; la postérité pour laquelle il travaille le reconnaîtrait pour son bienfaiteur, et remarquerait cette sagacité qui lui aurait fait voir dans l'avenir les Russes opprimant un jour le monde entier comme ils oppriment le Nord, et parvenant à cette monarchie universelle dont on a tant effrayé l'Europe, et qu'on a présentée si long

tems comme l'ambition du peuple français, qui a tout chez lui, qui ne trouve rien de préferable à ce qu'il a chez lui, et qui ne peut jamais être dangereux pour l'indépendance des autres pays. Si le plénipotentiaire russe venait comme porteur des paroles de l'Angleterre, qui ne voit les difficultés, les em barras inextricables que devraient introduire dans la negocia tion les nouvelles instructions, les nouvelles pretensions de la Russie? De quelque nature que fussent les objets sur les quels la France et l'Angterre sont divisées, ces deux nations seraient-elles réduites à attendre la décision de leurs différends d'un pays éloigné, auquel les intérêts de l'une et de l'autre sont si peu conuus?

Lorsque le cabinet de Londres a souri à la mission de M. Novosilzof, c'est qu'il espérait non-seulement engager la Russie, mais encore entraîner par elle l'Autriche ou la Prusse; car il sait fort bien que le concours seul de la Russie ne lui permettrait point de songer à ces projets insensés de partages qu'il a conçus contre la France, et qu'il ne cesse de rêver dans son délire. Quand le gouvernement anglais voudra la paix, . it pensera qu'à une note Française il fait répondre par une note anglaise. Ces deux langues se traduisent plus facilement que toute autre, et l'intervention d'un troisième idiôme ne saurait qu'embrouiller les négociations.

M. Novosilzof pouvait-il avoir des notions exactes sur des af faires aussi compliquées? Savait-il qu'au traité d'Amiens l'empire de Myssoure n'était pas encore réuni tout entier à la puissance anglaise? que depuis, l'empire des Marattes a été détruit; que l'Angleterre a doublé sa puissance dans l'Inde? qu'aucun vaisseau européen ne peut désormais paraître dans ces mers? Pensait-il que la France renoncerait pour toujours au commerce de l'Inde? voyait-il encore que ce n'est pas seule ment du commerce de l'Inde qu'il s'agit; que ce que Catharine n'avait jamais voulu permettre, l'Angleterre l'a obtenu du canon de Copenhagne; que ce que la France ne permettra jamais, Nelson l'a obtenu de la Russie dans le golphe de Fin lande; que depuis ce traité, si contraire aux droits dont les nations les moins fières sont jalouses, de continuelles extensions out été données au droit de blocus; que des rivières entières ont été bloquées, que cent lieues de côtes (le Portugal) ont été bloquées; que Cadix était bloqué, lors même que nos es cadres dominaient dans le détroit; que Gènes est bloquée, depuis six mois elle n'ait pas vu un bâtiment anglais, que depuis six mois aussi elle n'ait pas vu un vaisseau neutre; effet de l'étrange condescendance des puissances respectives! A Venise, à Trieste, à Lisbonne, dans les ports du nord, on a, dès l'instant où le blocus de Gènes a été annoncé, révoqué toutes les expéditions pour cette place, ce plénipotentiaire venait-il dire que la Russie avait obtenu la liberté de l'Inde et du commerce européen dans l'Inde, la reconnaissance de la souverainété commune sur les mers, la rénonciation à toute

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