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No. XVI.

Interrogatoire de Lajolais du 27 Pluviose, An 12.

Par devant le conseiller d'état spécialement chargé de l'instruction et de la suite de toutes les affaires relatives à la tranquillité et à la sûreté intérieures de la république.

Avons fait comparaître devant nous l'ex-général de brigade Lajolais, dénommé et qualifié dans les précédens interrogatoires. Nous lui avons demandé s'il n'avait rien à ajouter à ses précedentes interrogations, il nous a répondu ainsi qui suit: Il y avait très-long-tems que je n'avais vu le général Moreau, lors qu'au mois de Juin dernier je mne présentai chez lui à Gros Bois, avec une lettre du général Pichegru, dont je me rappelle encore le contenu, et qui était conçue, autant que je puis m'en souvenir, en ces termes: je croirais commettre, mon cher gé néral, une indiscrétion, si je m'adressais à tout autre qu'à vous dans ma position actuelle, pour réclamer vos bons offices en faveur du présent porteur: vous savez mieux que personne tout ce qu'il a souffert pour moi, il est dans la situation la plus facheuse, et je compte que vous voudrez bien vous employer pour lui faire redonner de l'emploi.

Le généra! Moreau me déclara qu'étant fort mal avec le gouvernement, il me serait très-peù utile, me promit cepen dant de s'employer pour moi, et dans cette entrevue me témoigna combien il était fâché d'avoir été si long-tems brouillé par un mal entendu. J'ai, depuis et pendant mon séjour, vu le général Moreau à Paris, trois ou quatre fois; chaque fois il me parlait de Pichegru, et du désir qu'il avait d'obtenir de lui une entrevue. A la fin je lui dis que s'il tenait à cette entrevue, j'irais la solliciter moi-même: il parut le désirer beaucoup. Je n'avais rien à faire à Paris; j'écrivis au général Pi chegru, par Francfort, quels étaient les désirs du général Moreau, et la disposition où j'étais de passer en Angleterre pour aller le chercher; il me répondit et m'encouragea dans ma résolution, je me mis en route prenant le Paquebot de Hambourg, sous le nom de Beauregard, marchand de Carlsruhe; j'arrivai à Harwich vers le milieu de Décembre. Pichegru, prévenu, comme je l'ai déjà dit, de mon arrivée en Angleterre, et que je ne pouvais y aborder que par l'un des deux ports de Harwich ou Gravesend, avait eu soin de faire parvenir à ces deux postes des ordes du gouvernement, de manière qu'on me laissa passer sans difficulté. Je pris la poste, et j'arrivai à Londres, au petit village de Brompton, chez le général Pichegru: je l'ai trouvé n'ayant avec lui que Couchery, l'ex-député et un domestique.

Je lui répétai que je n'arrivais que pour l'engager à venir voir Moreau. L'un des premiers jours, entrant dans la chambre de Pichegru, j'y trouvai un Français qui causait avec ce général. Ce Francais sachant que j'arrivais de France m'cn

demanda des nouvelles, que je lui donnai avec assez de négligence. Couchery qui entra un moment après me dit que je parlais au comte d'Artois, celui-ci resta peu de tems, mais je me rappelle qu'un moment avant de sortir, et à l'occasion de la France dont je venais de parler, il dit, si nos deux générang peuvent bien s'entendre, je ne tarderai pas à y arriver.

On me demandera peut-être quels sont ces deux généraux dont parlait le ci-devant comte d'Artois; c'est sur quoi celuici ne s'est point expliqué; et si l'on me dit que j'aurais dû au moins le demander à Pichegru, je répondrai que je connais sais trop bien Pichegru pour lui faire une pareille question, tous ceux qui le connaissent savent combien il est peu communicatif, il ne m'eût fait aucune réponse.

Je restai ainsi trois semaines à Londres avec Pichegru; je ne voulus y voir personne. Pichegru m'avertit que nous allions partir incessamment; et trois ou quatre jours après nous partimes en voiture de poste, le général Pichegru, le capitaine Wright et moi, pour nous rendre à Deal, où nous arrivâmes á six heures du soir le 10 Janvier, et nous partîmes le 11 à une heure du matin. Nous avons été contrariés par les vents, de manière que nous n'avons pu arriver que le 16 Janvier, sur les 11 heures. La chaloupe nous conduisit à la marée montante, au pied de la falaise, où nous trouvâmes une corde au moyen de laquelle nous montâmes, nons étions six ou sept; savoir, Pichegru, sous le nom de Charles; Rusillon, sous celui de major; Jean Maire, sous celui de Lemaire; un autre sous le nom de Richemont ou Debray, Armand et moi.

Nous marchâmes une partie de la nuit jusqu'à une ferme où nous arrivâmes entre trois et quatre heures du matin; nous y passâmes toute la journée, et nous en partimes le soir à huit heures, nous arrivâmes à une autre ferme distante d'environ une lieue; je m'y reposai environ une heure ; et je repris la route de Gamache, où j'arrivai avec celui qu'on appelait tantôt Debray, tantôt Richemont sur les onze heures et demie. Le lendemain sur les huit heures, je me fis conduire par une cha rette jusqu'à la première poste; et changeant de voiture, j'arrivai à Paris: il y aura après-demain quatre semaines.

Le mardi j'allai voir Moreau à Paris: je lui annonçai l'arrivée de Pichegru en France. Il me remit au Vendredi prochain, attendu, disait-il, qu'il serait retenn dehors jusqu'à cette époque par une partie de chasse, qui cependant l'eut pas lieu. Le Vendredi je me rendis au rendez-vous à une heure après-midi. Pichegru était arrivé depuis quelques jours. Moreau me donna le rendez-vous pour le soir même sur le boulevard de la Madeleine, et le rendez-vous a eu lieu comme je l'ai annoncé dans mon interrogatoire du jourdhui, auquel je me réfère. Je me réfère également à ce que j'ai dit sur les deux autres rendez-vous dans le même interrogatoire; j'ajou terai seulement qu'en-revenant du dernier, qui eut lieu le 16

chez Moreau, et auquel je n'ai pas plus assisté qu'aux autres. Pichegru rentrant, parut mécontent et s'ouvrant un peu, contre son ordinaire, il me dit. Il paraît que ce bougre-là a aussi de l'ambition, et qu'il voudrait régner. Eh bien! Je lui souhaite beaucoup de succès, mais, à mon avis, il n'est pas en état de gouverner la France pendant deux mois.

Depuis ce tems, je n'ai point eu connaissance d'aucune entrevue nouvelle; voilà tout ce que je sais relativement à Moreau et Pichegru; si la mémoire me fournit d'autres faits, je promets de les rapporter avec la même franchise.

Quant à Georges, son but m'a paru être le rétablissement pur et simple de la monarchie en France; c'est pour arriver à ce but, qu'il était parti de Londres il y a plus de six mois. Il avait tout son monde dans la Picardie et dans Paris; pour réussir dans son projet, il voulait, après avoir assassiné le premier Consul, tuer tout ce qui lui montrerait de l'opposi tion; je crois qu'il a beaucoup de monde à sa disposition, soit dans Paris, soit dans la Picardie, soit ailleurs.

Pendant le tems que Georges était encore ignoré à Paris, il fit sonder Moreau par l'intermediaire de Villeneuve, breton, il y a à peu près deux mois. Ce Villeneuve, fort lié avec le secrétaire de Moreau, nommé Fresnières, s'adressa à celui-ci, mais Villeneuve n'obtiut de Moreau, par le canal de son secrétaire, que des repouses évasives. On répondit de sa part à Villeneuve, que lui Moreau était au plus mal avec le Consul; qu'il ne se porterait jamais à aucun assassinat contre la personne du Consul, mais bien à tout ce qui serait nécessaire peur le bonheur de son pays.

Georges attendait encore vingt-deux personnes bien armées ́, qui, devaient débarquer, et qu'il devait faire arriver à Paris. Il y a huit jours environ que des personnes de la suite de Georges disaient que leur général voulait porter un coup dans peu, ou sortir de Paris pour se retrancher dans une campagne aux environs, ou bien gagner le chemin de la Bretagne; et j'entendis dire par les mêmes, dans une chambre voisine de celle où je me trouvais, il faut nous glisser dans les Tuilleries; et j'ai cra aussi remarquer dans ce qu'ils ont dit, qu'ils ne sont pas sans moyen ni sans projets sur la route de Boulogne.

Tout ce que je viens de dire sur Georges, je ne le sais que pour l'avoir entendu de ses affidés, sans avoir jamais cependant causé avec eux, et je n'ai jamais conféré avec Georges.

Mon voyage en Angleterre m'a fait faire quelques observations militaires que je m'empresserai de mettre au net et d'offrir au premier Consul.

Lecture faite du présent interrogatoire, le dit citoyen Lajolais a dit qu'il contenait vérité, y a pérsisté et a signé avec nous les dits jour et an.

(Signé)

LAJOLAIS ET RÉAL.

No. XVII.

Interrogatoire de Frédéric Lajolais, du 30 Pluviose an 12. Par devant le conseiller d'état spécialement chargé de l'instruction et de la suite de toutes les affaires relatives à la tranquilité et à la sûreté intérieures de la république.

Avons fait comparaître devant rous le citoyen Lajolais dénommé et qualifié dans les précédens interrogatoires par lui subis les 25, 26 et 27 du présent mois et que nous avons de nouveau interrogé, ainsi qu'il suit.

D. Avez-vous quelque chose à ajouter à vos précédens aveux ?

R. J'ai quelques erreurs à rectifier. Je crois avoir laissé entendre dans mon interrogatoire subi le 26, que j'avais le soir même du premier rendez-vous accordé par Moreau, prévenu de ce rendez-vous Pichegru dans la maison de Chaillot, c'est une erreur; car jusqu'alors, je ne savais pas encore l'endroit que Pichegru babitait à Paris, que par un individu appelé Saint Vincent où se faisant appeler ainsi, et se faisant passer pour être attache à Georges, lequel m'avait dit de la part de Pichegru que, quand j'aurais à lui parler, je devrais n'adresser à l'adresse suivante, demander le citoyen Saussade, rue de Carême-prenant faubourg du Temple, pour parler à M. Villeneuve; c'est à cet endroit que j'allais pour annoncer que Moreau attendait Pichegru le soir même sur le boulevard de la Madeleine; j'y trouvai en demandant Villeneuve, l'individu qui, le soir même, passa devant moi sur le boulevard, ainsi que je l'ai annonce dans mon interrogatoire du 26, j'ajoute à ce que j'ai dit dans les interrogatoires précédens qu'en remettant à Moreau, l'été dernier, la lettre de Pichegru, dout j'ai rappelé le contenu dans mon interrogatoire du 27, ce dernier, Pichegru, m'avait également chargé de pren ire des renseignemens près de Moreau sur la détention de David. Moreau me dit alors que David avait été arrêté à Calais au mo, ment où il allait s'embarquer pour l'Angleterre, il m'ajouta les expressions suivantes. La police a mis la plus grande perfidie dans la manière dont ils l'ont arrèté; il a éte long-tems, sans qu'on ait pu communiquer avec lui; mais depuis quelque tems j'en reçois assez fréquemment des nouvelles par l'intermédiaire de mon secrétaire, qui connaît un nominé Vitel, neveu de Fauche Borel, qui a la facilité d'entrer au Temple.

J'ajoute encore.aux aveux que contiennent mes précédens interrogatoires, que le lendemain que Pichegru viut demeu rer avec moi, sur les huit heures du soir, Georges vint avec deux ou même trois de ses affidés; je ne pourrais pas cepeẹ dant au juste en déterminer le nombre. Il me parut que Pichegru ne s'attendait pas à le voir ce soir-là. il y est

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resté environ trois quarts-d'heure; je n'ai point assisté à la conférence; je suis sorti pour me procurer une couverture de plus pour Pichegru. En entrant, j'ai allumé une pipe dans ma chambre, et un instant après ces messieurs la traversèrent pour s'en retourner

D. N'avez-vous pas conduit le général Pichegru chez son frère ?

R. Non, je ne l'ai point conduit, mais le général et moi, nous nous étions donné rendez-vous chez son frère, rue Saint Jacques, passage des Jacobins, le 6 ou 5 Pluviose, à huit heures du soir, et nous nous y sommes rencontrés. La rencontre était touchante; ils ne se firent que des prostestations d'amitié; je dois déclarer que je ne connais pas un être plus estimable et mous susceptible de prendre part à une intrigue quelconque, que le frère de Pichegru.

D. Ne vous êtes-vous pas trouvé une seconde fois avec le général Pichegru et son frère.

R. Qui, chez moj, Jeudi gras; je leur ai donné à dîner.

D. N'avez-vous pas conduit le frère de Pichegru chez le général, dans le tems que celui-ci demeurait encore avec Georges à Chaillot ?

R. Non.

D. Quel est celui que vous y avez conduit?

R. Je n'y ai conduit personne; mais un jour le frère du député Couchery vint avec moi à Chaillot, pour y voir le général Pichegru; il s'est trouvé également chez moi, au diner du Jeudi gras.

D. Combien de fois avez-vous vu Georges?

R. Deux fois; la première à Chaillot, la seconde lorsqu'il vint voir Pichegru chez moi, le lendemain que Pichegru y vint loger,

D. Combien y avoit-il de personnes avec Georges, lorsque vous l'aviez vu à Chaillot?

R. A peu près quatre à cinq.

D. Vous rappelez-vous de ces personnes?

R. Je me rappelle le major Russillon, Saint Vincent, celui qu'on appelait Villeneuve, Pichegru.

D. A quelle heure avez-vous vu Pichegru à Chaillot ?
R. Sur les huit heures du soir.

D. Quel jour?

R. A peu près du 10 au 12 Pluviose.

D Que vous a dit Georges? et que lui avez-vous dit?

R. Rien, si ce n'est le compliment d'usage.

D. Par quelle porte étiez-vous entré chez le général Moreau avec Pichegru, le jour où vous y êtes allé, et où Moreau devait recevoir société ?

R. Je suis arrivé à sept heures et demie; nous étions & pied, Pichegru et noi, et nous arrivions de Chaillot, où je J'avais été prendre. J'ai frappé, et à peine la porte était ou

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