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TEXTE DE L'EXPOSÉ GÉNÉRAL.

1. Législateurs! le gouvernement a regardé hommes qui, par état, en font l'application la comme un de ses premiers soins celui de rem-plus étendue et la plus variée. plir le vœu manifesté dans les délibérations de nos assemblées nationales, pour la rédaction si désirée d'une législation civile.

général du projet du Code civil, et de vous
4. Législateurs, avant de vous exposer le plan
été rédigé, il importe de fixer votre attention
faire connaître l'esprit dans lequel ce projet a
sur la nature et les difficultés d'une telle entre-

La guerre, qui a si souvent l'effet de suspendre le cours des projets salutaires, n'a point arrêté les opérations relatives à ce grand ou-prise. vrage.

Ces opérations ont commencé avec la consti- lois destinées à diriger et à fixer les relations de Qu'est-ce qu'un Code civil? c'est un corps de tution même sous laquelle nous avons le bon- sociabilité, de famille et d'intérêt, qu'ont entre heur de vivre. eux des hommes qui appartiennent à la même

Chaque société a son droit civil.

2. Dès la fin de votre dernière session, le pro-cité. jet de Code civil vous fut distribué, pour que chacun de vous pût, dans le sein de sa famille, et aidé par les plus douces inspirations du sentiment, méditer comme époux, comme enfant, comme père, les règles et les maximes qu'il aurait bientôt à proclamer comme législateur.

A la même époque, le projet du Code fut adressé au tribunal de cassation et à tous les tribunaux d'appel, qui formèrent des commissions composées d'hommes instruits, et capables de répondre dignement à la confiance publique.

3. Les observations qui nous sont parvenues ont été recueillies et imprimées. Aucun écrit public sur la matière n'a été négligé : on ne pouvait s'environner de trop de lumières.

un peuple ne se civilise que peu Ce droit n'a pu se former que successivement: il est plutôt régi par des usages que par des lois. à Les idées générales de bien public, les notions peu; d'abord, le progrès des lumières. Quelques lois sont pusur tout ce qui est utile et raisonnable, suivent bliées par intervalle pour corriger les coutumes et pour les suppléer; des décisions multipliées, et souvent contraires, interviennent pour interbientôt le droit civil n'offre plus qu'un amas préter et pour concilier les coutumes et les lois : confus d'usages et de règles qui effrayent par leur diversité et par leur multitude, et qu'il est impossible de réduire en système.

réformer la législation civile d'un peuple? La Dans cet état de choses, veut-on refondre ou première difficulté que l'on éprouve est celle de réunir les connaissances nécessaires, presque toutes éparses, et dont la plupart n'ont même jamais été sérieusement recherchées.

La vérité, surtout en matière de législation, est le bien de tous les hommes: chercher à la découvrir n'est pas un droit qui appartienne exclusivement aux fonctionnaires publics. Quand des particuliers instruits discutent de bonne foi un objet de législation, quand ils ne se proposent que d'offrir le tribut de leurs connaissances à la patrie, il faut voir en eux des auxiliaires, et est donc sûr de rencontrer tous les intérêts priLe droit civil s'entremèle et s'unit à tout. On non des ennemis. Malheureusement, après une vés quand on s'avise de parler au nom de l'intégrande révolution, les hommes timides se tai- rêt public. Ceux qui se trouvent bien de l'ordre sent; ils semblent craindre de laisser apercevoir établi, haïssent les changements; ceux qui sont leur existence. Les indifférents, qui sont tou-mal craignent le pire: chacun voudrait du moins jours le plus grand nombre, demeurent étrangers à tout ce qui se passe ; c'est un inconvénient grave. Si des écrivains aigris ou mécontents se montrent, leurs idées filtrent à travers leurs passions, et s'y teignent. La découverte des choses vraies ou utiles est ordinairement la récompense des caractères modérés et des bons esprits.

tourner les opérations à son profit personnel,
sans se mettre en peine du préjudice qui peut en
résulter pour les autres.

dédaignaient l'étude de la jurisprudence; ils en Autrefois les gens de lettres et les philosophes étaient écartés par l'attrait des arts d'agrément, et plus encore par la politique mystérieuse du Nous devons rendre hommage au zèle et aux res de la société, et qui croyait ne pouvoir tolétemps, qui craignait que l'on s'occupât des affairecherches des magistrats qui ont été consultés. rer que des littérateurs, des théologiens et des En nous transmettant l'opinion de leurs jus-géomètres. Mais, tandis que cette ancienne indifticiables, en nous transmettant leurs propres férence pour les objets de législation laissait un pensées, ils nous ont éclairés sur des points libre cours aux erreurs de tout genre, l'intérêt importants. Les principes des lois sont toujours que l'on y apporte aujourd'hui contraint le légisutilement discutés, quand ils le sont par des lateur à une circonspection salutaire sans doute,

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EXPOSÉ GÉNÉRAL.

mais qui rend sa marche infiniment plus difficile | crée, avec l'esprit novateur qui bouleverse ou et plus laborieuse : on trouve sans cesse le légis-dénature. lateur aux prises avec les systèmes.

Les institutions de Solon et de Lycurgue, qui nous paraissent si singulières, avaient leurs racines dans les mœurs des peuples pour qui elles étaient faites. Solon nous avertit lui-même qu'il ne faut jamais donner à un peuple que les

Une multitude d'autres obstacles naissent encore de cette variété d'usages et de priviléges qui séparaient et distinguaient les anciennes provinces de France les unes des autres. Enfin, la vacillation continuelle des lois, de-lois qu'il peut comporter. puis dix ans, a livré les esprits à tout vent de doctrine, et ne peut qu'entretenir les oppositions et les résistances.

C'est à travers toutes ces difficultés qu'une législation civile en France doit se développer.

3. En traçant le plan de cette législation, nous avons dû nous prémunir et contre l'esprit de système, qui tend à tout détruire, et contre l'es-tre les villes d'un mème empire; dans nos temps prit de superstition, de servitude et de paresse, qui tend à tout respecter.

Depuis le milieu du dix-huitième siècle, il y a une grande agitation dans les esprits. Nos découvertes et nos progrès dans les sciences exactes et dans les sciences naturelles ont exagéré en nous la conscience de nos propres forces, et ont produit cette fermentation vive qui, de proche en proche, s'est étendue à tout ce qui nous est tombé sous la main. Après avoir découvert le système du monde physique, nous avons eu l'ambition de reconstruire le monde moral et politique. Nous sommes revenus sur les diverses institutions; et on ne revient guère sur un objet sans vouloir réformer plus ou moins, et bien ou mal, tout ce qui a été fait ou dit auparavant de là cette foule d'ouvrages qui ont donné l'éveil aux imaginations ardentes, qui ont remué la raison sans l'éclairer, et qui nous ont condamnés à vivre d'illusions et de chimères.

Les prodiges qui se sont opérés pendant la révolution sont bien faits pour accroître notre confiance; mais, à côté de ces prodiges, des désordres malheureusement trop connus ne nous ont-ils pas avertis de nos erreurs et de nos fautes ?

Les temps anciens ne ressemblent point à nos temps modernes. Dans l'antiquité, les nations étaient plus isolées, et conséquemment plus susceptibles d'être régies par des institutions exclusives. Dans nos temps modernes, où le commerce a établi plus de liens de communication entre les divers États, qu'il n'en existait autrefois enmodernes, où les mêmes arts, les mêmes sciences, la même religion, la même morale, ont établi une sorte de communauté entre tous les peuples policés de l'Europe, une nation qui voudrait s'isoler de toutes les autres par ses maximes, se jetterait dans une situation forcée qui gènerait sa politique, et compromettrait sa puissance, en l'obligeant de renoncer à toutes ses relations, ou qui ne pourrait subsister, si ces relations étaient conservées.

Le reproche fait aux rédacteurs du projet, d'avoir travaillé, au moins en partie, d'après le droit romain et d'après les anciennes coutumes, mérite d'être apprécié à sa juste valeur.

Connaît-on un peuple qui se soit donné un code civil tout entier, un code absolument nouveau, rédigé sans égard pour aucune des choses que l'on pratiquait auparavant?

Interrogeons l'histoire; elle est la physique expérimentale de la législation. Elle nous apprend qu'on a respecté partout les maximes anciennes, comme étant le résultat d'une longue suite d'observations.

Jamais un peuple ne s'est livré à la périlleuse entreprise de se séparer subitement de tout ce qui l'avait civilisé et de refaire son entière existence.

6. Quelques personnes paraissent regretter de ne rencontrer aucune grande conception dans le projet du Code civil qui a été soumis à la discussion. Elles se plaignent de n'y voir qu'une refonte du droit romain, de nos anciennes cou-seurs ne furent que des compilations. tumes et de nos anciennes maximes.

La loi de Douze Tables ne fut que le recueil des lois des anciens rois de Rome.

Le code de Justinien et ceux de ses prédéces

En France, les belles ordonnances du célèbre

Il serait à désirer que l'on pût attacher quel- chancelier de l'Hôpital, celles de Louis XIV, que idée précise à ce qu'on entend par grande n'offrent que le choix éclaire des dispositions les conception. Veut-on exprimer par ce mot quel-plus sages que l'on retrouve dans nos coutumes que nouveauté bien hardie, quelque institution ou dans les anciens dépôts de la législation franà la manière des Solon et des Lycurgue?

Mais, ne nous y trompons pas, législateurs! une nouveauté hardie n'est souvent qu'une erreur brillante dont l'éclat subit ressemble à celui de la foudre qui frappe le lieu mème qu'elle éclaire.

Gardons-nous donc de confondre le génie qui

çaise.

De nos jours, Frédéric II, roi philosophe, a-t-il fait autre chose que de réunir avec méthode les règles et les principes que nous avons reçus des Romains, et qui ont civilisé l'Europe?

Le code général de Prusse, qui a été plus récemment publié, a plus d'étendue que celui de

Frédéric; mais il n'a été que le gardien sage et fidèle de toutes les maximes reçues : il a même respecté les coutumes locales.

Pourquoi donc aurions-nous eu l'imprudence de répudier le riche héritage de nos pères ?

Mais au temps où les Lamoignon et les d'Aguesseau manifestaient leur vou, il eût été dangereux et même impossible de le réaliser. Au[jourd'hui une législation uniforme sera un des grands bienfaits de la révolution.

Tant qu'il a existé en France des différences et des distinctions politiques entre les personnes, tant qu'il y a eu des nobles et des privilégiés, on ne pouvait faire disparaître de la législation civile les différences et les distinctions qui tenaient

Cependant, il faut l'avouer, il se trouve dans la durée des Etats des époques décisives où les événements changent la position et la fortune des peuples, comme certaines crises changent le tempérament des individus. Alors il devient possible et même indispensable de faire des ré-à ces vanités sociales, et qui établissaient dans formes salutaires; alors une nation placée sous un meilleur génie, peut proscrire des abus qui l'accablaient, et reprendre, à certains égards, une nouvelle vie.

les familles un ordre particulier de succéder, pour ceux qui avaient déjà une manière particulière d'exister dans l'État. Aujourd'hui toutes les lois des successions peuvent, sans contradiction et sans obstacle, incliner vers les principes

Mais alors même, si cette nation brille déjà depuis longtemps sur la terre, si depuis long-de l'équité générale. temps elle occupe le premier rang parmi les peu- Des magistrats célèbres avaient demandé que ples policés, elle doit encore ne procéder à des les institutions civiles ne fussent plus mêlées réformes qu'avec de sages ménagements: elle avec les institutions religieuses, et que l'état des doit, en s'élevant avec la vigueur d'un peuple hommes fùt indépendant du culte qu'ils profesnouveau, conserver toute la maturité d'un an-saient. Mais comment un si grand changement cien peuple. pouvait-il s'opérer, tant que l'on reconnaissait une religion dominante, tant que cette religion était une loi fondamentale de l'État?

On peut indifféremment porter la faux dans un champ qui est en friche; mais sur un sol cultivé, il faut n'arracher que les plantes parasites qui étouffent les productions utiles.

En revenant sur notre législation civile, nous avons cru qu'il suffisait de tracer une ligne de séparation entre les réformes qu'exige l'état présent de la république, et les idées d'ordre réel que les temps et le respect des peuples ont

consacrées.

Les théories nouvelles ne sont que les systèmes de quelques individus ; les maximes anciennes sont l'esprit des siècles.

Depuis, la tolérance des cultes a été proclamée. Il a été possible alors de séculariser la législation on a organisé cette grande idée, qu'il faut souffrir tout ce que la Providence souffre, et que la loi, sans s'enquérir des opinions religieuses des citoyens, ne doit voir que des Français, comme la nature ne voit que des hommes.

Vous pouvez actuellement, législateurs, juger quelle a été la marche que l'on a suivie dans la rédaction du projet de Code civil.

prit de modération est le véritable esprit du législateur, et que le bien politique, comme le bien moral, se trouve toujours entre deux limites.

8. Après vous avoir fait connaître, législateurs, l'esprit général dans lequel le projet de Code a été rédigé, nous allons vous exposer la division de l'ouvrage.

On n'a pas perdu de vue qu'il ne suffit pas, en Sans doute le génie peut, en communiquant législation de faire des choses bonnes, qu'il faut par la pensée avec le bonheur des hommes, dé-encore n'en faire que de convenables; que l'escouvrir des rapports inconnus jusqu'à lui ; mais le temps seul peut assurer aux productions du génie des hommages et des partisans, parce que le temps seul habitue les hommes à la conception des vérités qui étendent ou multiplient nos rapports. Le législateur, qui ne peut sans danger franchir subitement d'aussi grands intervalles, doit demeurer dans les limites que la tradition des lumières a déterminées, jusqu'à ce que les événements et les choses l'avertissent qu'il peut, sans commotion et sans secousse, marcher dans la carrière qui lui avait été ouverte par le génie. 7. Les d'Aguesseau, les Lamoignon, et tous les bons esprits, sentaient, par exemple, la nécessité d'avoir une législation uniforme. Des lois différentes n'engendrent que trouble et confusion parmi des peuples qui, vivant sous le même gouvernement et dans une communication continuelle, passent ou se marient les uns chez les autres, et, soumis à d'autres coutumes, ne savent jamais si leur patrimoine est bien à eux.

Cette division peut être envisagée sous deux rapports, c'est-à-dire relativement au fond des matières qui en sont l'objet, et relativement à la forme extérieure dans laquelle ces matières sont classées.

9. Par rapport au fond des matières, l'arrangement le plus naturel serait incontestablement celui où les objets se succéderaient par les nuances souvent insensibles qui servent tout à la fois à les séparer et à les unir: mais est-il toujours possible de saisir ces nuances?

En examinant les diverses manières dont les différents jurisconsultes ont divisé le droit,

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nous avons demeuré trop convaincus de l'arbitraire qui régnera toujours dans une pareille division, pour croire que celle que nous proposons soit l'unique ou la meilleure mais nous avons cru qu'il n'y avait point d'utilité à changer les divisions communes.

En conséquence, nous avons conservé l'ordre suivi dans le droit romain.

Le projet de Code présente d'abord quelques maximes sur les lois en général; ensuite on y traite des personnes, des choses et de la manière de les acquérir.

10. Les rédacteurs du projet avaient défini les différentes espèces de droits, le droit naturel, le droit positif, le droit public, le droit des gens, le droit civil, le droit criminel.

Mais on a judicieusement remarqué que les définitions générales ne contiennent, pour la plupart, que des expressions vagues et abstraites dont la notion est souvent plus difficile à fixer que celle de la chose même que l'on définit. De plus, il nous a paru sage de faire la part de la science et la part de la législation. Les lois sont des volontés.

Tout ce qui est définition, enseignement, doctrine, est du ressort de la science. Tout ce qui est commandement, disposition proprement dite, est du ressort des lois.

Nous avons fixé les caractères auxquels on est reconnu Français ou étranger.

La liberté naturelle qu'ont les hommes de chercher le bonheur partout où ils croient le trouver, nous a déterminés à fixer les conditions auxquelles un étranger peut devenir Français, et un Français peut devenir étranger. Nous n'avons point à craindre que des hommes qui sont nés sur le sol fortuné de la France, veuillent abandonner une si douce patrie; mais pourquoi refuserions-nous ceux que tant de motifs peuvent attirer sous le plus heureux des climats, et qui, étrangers à la France par leur naissance, cesseraient de l'être par leur choix !

13. Quelques philosophes avaient pensé que les droits civils ne doivent être refusés à personne, et qu'il fallait ainsi former une seule nation de toutes les nations. Cette idée est généreuse et grande, mais elle n'est point dans l'ordre des affections humaines. On affaiblit ses affections en les généralisant; la patrie n'est plus rien pour celui qui n'a que le monde pour patrie. L'humanité, la justice, sont les liens généraux de la société universelle des hommes; mais il est des avantages particuliers que chaque société doit à ses membres, qui ne sont point réglés par la nature, et qui ne peuvent être rendus communs à d'autres que par la convenS'il est des définitions dont le législateur doive tion. Nous traiterons les étrangers comme ils se rendre l'arbitre, ce sont celles qui appartien-nous traiteraient eux-mêmes; le principe de la nent à cette partie muable et purement positive réciprocité sera envers eux la mesure de notre du droit, qui est tout entière sous la dépen- conduite et de nos égards. Ils est pourtant des dance du législateur même ; mais il en est autre- droits qui ne sont point interdits aux étrangers : ment des définitions qui tiennent à la morale, et ces droits sont tous ceux qui appartiennent bien à des choses qui ont une existence indépendante plus au droit des gens qu'au droit civil, dont des volontés arbitraires de l'homme. Nous nous l'exercice ne pourrait être interrompu sans porsommes réduits, relativement à tout ce qui re-ter atteinte aux diverses relations qui existent garde les lois en général, à fixer le mode de leur entre les peuples. publication, leurs principaux effets, et la manière respectueuse dont les juges doivent les appliquer.

11. Les personnes sont le principe et la fin du droit ; car les choses ne seraient rien pour le législateur sans l'utilité qu'en retirent les per

sonnes.

12. Nous reconnaissons, avec tous les moralistes et avec tous les philosophes, que le genre humain ne forme qu'une grande famille; mais la trop gande étendue de cette famille l'a obligée de se séparer en différentes sociétés qui ont pris le nom de Peuples, de Nations, d'États, et dont les membres se rapprochent par des liens particuliers, indépendamment de ceux qui les unissent au système général.

Un Français peut perdre les droits civils par une condamnation capitale, ou par toute autre peine à laquelle la loi peut avoir attaché cette privation. Comment pourrait-on regarder comme associé celui qui par ses attentats et ses crimes aurait rompu les pactes de l'asso

ciation.

14. Ce qu'on appelle l'état civil d'un homme, n'est autre chose que l'aptitude à exercer les droits que les lois civiles garantissent aux membre de la société. Cet état étant la plus sacrée de toutes les propriétés, le législateur s'en est rendu le gardien, en établissant des registres destinés à constater les actes les plus importants de la vie civile. Nous nous sommes occupés de la forme et de la sûreté de ces re

toutes les nations qui connaissent l'usage de

De là, dans toute société politique, la dis-gistres, dont l'établisssement est commun à tinction des nationaux et des étrangers. Nous n'avons pu répudier cette distinc- l'écriture. tion; elle sort de la constitution même des peuples.

15. Un homme n'occupe qu'un point dans l'espace comme dans le temps, quoique, par ses

19. De droit commun, la mort de l'un des époux peut seule dissoudre le mariage. Nous avons pourtant cru que la loi civile ne pouvait être aussi inflexible que la religion et la morale; et dans notre projet nous conservons le divorce, mais avec des ménagements capables d'en préve nir les abus. Nous le conservons pour les cas où les vices ont plus d'énergie et de force pour énerver les lois, que les lois n'en ont pour réprimer les vices.

relations, il puisse étendre et multiplier son existence. Il a donc nécessairement un domicile ce domicile est, d'après tous les principes, le lieu de son principal établissement. Le droit de changer de domicile est un des plus beaux droits de la liberté humaine; mais ce changement est soumis à des règles, pour que les tiers qui ont intérêt à le connaître, ne soient pas trompés, et puissent trouver l'homme avec qui ils ont des relations volontaires ou forcées. 16. Les lois ont toujours veillé pour les ab- A côté du divorce nous laissons la faculté de sents; c'est l'humanité mème qui excite à cet demander la simple séparation de corps, qui reégard la sollicitude du législateur. Plus que lâche le lien du mariage sans le rompre. Nous jamais l'absence doit devenir, dans nos temps avons pensé que sous les lois qui autorisent la modernes, l'objet de l'attention et de la vigi-liberté des cultes, il fallait laisser respirer les lance des législateurs; car aujourd'hui l'indus- âmes librement, et ne pas placer un homme trie, le commerce, l'amour des découvertes, la fidèle à sa religion entre le désespoir et sa concultures des arts et des sciences, déplacent per-science. pépétuellement les hommes. On doit une pro- 20. Dans les causes du divorce, nous n'avons tection spéciale à ceux qui se livrent à des voyages de long cours et à des entreprises périlleuses, pour rapporter ensuite dans leur patrie des richesses et des connaissances qu'ils ont acquises avec de grands efforts et au péril de leur vie.

17. Une société n'est point composée d'individus isolés et épars : c'est une assemblage de familles. Ces familles sont autant de petites, sociétés particulières, dont la réunion forme l'État, c'est-à-dire la grande famille qui les comprend

toutes.

18. Les familles sont formées par le mariage. Le mariage est de l'institution même de la nature: il a une trop grande influence sur la destinée des hommes et sur la propagation de l'espèce humaine, pour que les législateurs l'abandonnent à la licence des passions.

Le mariage soumet les époux à des obligations sacrées envers les enfants qui naissent de leur union; il les soumet à des obligations mutuelles: il faut donc que l'on connaisse ceux qui ont à remplir ces obligations. De là les formes proposées pour la solennité de ce contrat.

Pour le mariage, il faut pouvoir remplir les vues de la nature: il était donc nécessaire de fixer l'âge auquel deux époux pourraient utilement s'unir.

Il importe de favoriser les alliances et de protéger les mœurs; il importe de ne pas blesser les vues de la nature, et de ne pas offenser l'honnêteté publique. De là les prohibitions de mariage pour cause de parenté. Toutes les nations ont proscrit les mariages incestueux, parce que le cri de la nature a retenti dans le cœur de tous les hommes. Les nations civilisées ont étendu plus loin l'empire de la pudeur, elles ont respecté certaines convenances qui, sans être l'ouvrage immédiat de la nature, se trouvent fondées sur des raisons naturelles.

point placé l'incompatibilité d'humeur et de caractère, à moins qu'elle ne fût le résultat d'un consentement mutuel : nous avons regardé comme contraire à l'essence même des choses, qu'un contrat aussi sacré que le mariage pût être arbitrairement rompu sur la demande et sur la simple allégation de l'une des parties, c'est-àdire par la volonté et pour l'avantage d'un seul des époux.

21. Après avoir tracé les causes du divorce, nous avons indiqué les formes d'après lesquelles il devait être instruit et jugé. L'intervention de la justice nous a paru nécessaire. En Angleterre, il faut une loi; ailleurs il faut un acte du souverain; partout une question de divorce est une question nationale dont les suites et la décision ont paru intéresser la société entière.

22. Chaque famille doit avoir son gouvernement. Le mari, le père, en a toujours été réputé le chef. La puissance maritale, la puissance paternelle, sont des institutions républicaines. C'est surtout chez les peuples libres que le pouvoir des maris et des pères a été singulièrement étendu et respecté. Dans les monarchies absolues, dans les États despotiques, le pouvoir qui veut nous asservir cherche à affaiblir tous les autres; dans les républiques, on fortifie la magistrature domestique, pour pouvoir sans danger adoucir la magistrature politique et civile.

Législateurs, vous conserverez au gouvernement de la famille tout son ressort, pour conserver au citoyen toute sa liberté. La famille est le sanctuaire des mœurs : c'est là que les vertus privées préparent aux vertus publiques : c'est là que les sentiments de la nature nous disposent à remplir les devoirs qui nous sont imposés par les lois.

23. La faveur du mariage, le maintien des familles, qui sont la pépinière de l'État; le grand intérêt qu'a la société à proscrire les unions va

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