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prises de Napoléon; et on l'entendit s'écrier: « qu'il n'était plus possible de servir un insensé; qu'il n'y avait plus de salut dans sa cause; qu'aucun prince de l'Europe ne croyait plus ni à ses paroles ni à ses traités. Il regrettait de n'avoir pas accepté les propositions des Anglais; il serait encore, ajoutait-il, un grand roi, tel que l'empereur d'Autriche et le roi de Prusse1. »

C'était un autre vertige qui troublait cette tête héroïque. Et aussi ces paroles émurent tristement les généraux. Davoust, le plus impétueux, l'interrompit : « Le roi de Prusse! l'empereur d'Autriche ! lui cria-t-il ; ils sont princes par la grâce de Dieu, du temps et de l'habitude. Vous, vous n'êtes roi que par la grâce de Napoléon et du sang français. L'ingratitude vous aveugle. >>

C'était l'ambition qui le rendait fou. Les paroles de Davoust le troublèrent; les autres chefs se turent; on prit pour un égarement de douleur ce qui était un indice d'infidélité, en même temps qu'un présage de malheur.

Pendant ce temps, Napoléon arrivait à Paris. Chose étonnante! les corps publics de l'État, en lui adressant des harangues, n'eurent pas l'air de soupçonner les désastres de la patrie la France expiait, par la servilité, la liberté outrée de ses révolutions. « Le Sénat, alla dire le président Lacépéde à Napoléon, s'empresse de présenter au pied du trône de Votre Majesté impériale et royale l'hommage de ses félicitations sur l'heureuse arrivée de Votre Majesté au milieu de ses peuples. L'absence de Votre Majesté, sire, est toujours une calamité nationale; sa présence est un bienfait qui remplit de joie et de confiance tout le peuple français. » Après quoi le Sénat protestait de son dévouement pour la quatrième dynastie; et tous ses membres étaient prêts à périr pour la défense de ce Palladium de la sûreté et de la prospérité nationale.

Et l'Empereur répondit:

<< Sénateurs, ce que vous me dites m'est fort agréable. J'ai à cœur la gloire et la puissance de la France;

'Le comte de Ségur.-Hist. de Napoléon et de la Grande-Armée, 1812.

mais mes premières pensées sont pour tout ce qui peut perpétuer la tranquillité intérieure... pour ce trône auquel sont attachées désormais les destinées de la patrie. »

Ainsi se trahissaient les alarmes qui avaient rappelé Napoléon de son armée, et que n'apaisaient point les flatteries. Fontanes, au nom de l'Université, faisait de l'adulation une formule plus haute; pour lui, l'Empire était l'autorité des rois telle que Bossuet l'avait exposée d'après l'Écriture sainte; et la dignité semblait survivre dans une théorie revêtue de toutes les apparences d'une foi chrétienne. Mais pour la plupart, l'adulation n'était qu'un abaissement. « Nous sommes prêts, disait le premier président de la Cour impériale de Paris, nous sommes prêts à tout sacrifier pour votre personne sacrée, pour la prospérité de votre dynastie. Veuillez recevoir ce nouveau serment; nous y demeurerons fidèles jusqu'à la

mort. »

L'exagération des protestations ne trahissait pas moins quelque chose de nouveau dans la situation du maître qu'on saluait de la sorte, et ce pressentiment n'échappa point dès lors au sens national.

Pendant ce temps les événements se précipitaient. La Prusse si cruellement atteinte par la politique de Napoléon, venait de suivre avec une volupté secrète les retours de fortune qui frappaient si cruellement son oppresseur; et cet instinct de vengeance s'était aisément communiqué aux troupes prussiennes qui, d'après les traités, formaient le contingent de la fatale expédition de Russie. Ce contingent faisait partie du corps du maréchal Macdonald, qui jusque-là avait opéré avec éclat à l'extrême gauche de la Grande-Armée, et avait pénétré, victorieux, dans la Samogitie et dans la Courlande, avait dépassé la Düna, entamé la Livonie et menacé Riga. Le général York commandait les Prussiens; dès qu'il vit le mouvement de retraite, son action devint par degrés plus inerte; et elle se termina par la défection. Une convention de neutralité signée avec les Russes rendit ses vingt mille hommes inutiles, dangereux même à l'armée française qui fut dès lors contrainte

d'abandonner tour à tour la ligne du Niémen et de la Vistule, et de reculer jusqu'à la Warta et à l'Oder.

Ce fut le signal d'un mouvement formidable dans toute l'Allemagne. Les associations avaient allumé sourdement le patriotisme; peuple et noblesse, bourgeois et princes, sortirent en un moment de leur torpeur, et plus ils avaient été humbles sous le pied du maître, plus ils se relevaient menaçants et altiers contre son pouvoir ébranlé. Quelquesuns avaient reçu ses bienfaits : ce furent les plus prompts à le trahir. Les petites souverainetés disloquées ou envahies se sentirent renaître, chacune ardente à témoigner autant d'indépendance qu'elle avait affecté de soumission. L'Autriche même se laissa toucher par la contagion des haines et des vengeances allumées dans toute l'Allemagne ; sa politique devint ambiguë, et le concours de ses armes incertain. Ainsi la fortune entière était changée, et ses retours devenaient plus manifestes à mesure que l'armée suivait sa marche de retraite. Bientôt la Pologne fut évacuée, et la guerre fut rejetée au centre de cette Allemagne ainsi travaillée par les incertitudes et par les infidélités.

TOM. I

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CHAPITRE IX.

Variétés accoutumées de la guerre en Espagne. - Tout devient siniştre. Les Russes à Kœnisberg. — Murat cède le commandement au prince Eugène. - Vagues pensées de retour à la royauté. Conduite de Louis XVIII. Desseins nouveaux de Napoléon; il cherche à se réconcilier avec le Pape; projet de Concordat; intrigues de Fontainebleau. - Apprêts de guerre; paroles de paix. Toute l'Europe s'avance en armes contre la France. Combats et siéges au Nord.-Événements funestes au Midi. Bataille et déroute de Vittoria. - Le Pape est rendu à la liberté. — Le général Moreau débarque à Gothembourg. - Congrès de Prague inutile. Combats nouveaux ; proclamation de Bernadotte.

Bataille

de Dresde. Revers mêlés aux victoires. L'Europe redouble d'efforts; Napoléon multiplie ses armées; toute l'Allemagne se lève; bataille de Leipsick. — Désastres de la retraite. — Napoléon quitte son armée. - Wellington touche à la frontière de France. -Capitulation de Dresde. Abus de la victoire; triste épisode. -Appel à la Nation. Levées d'hommes et impositions. Murmures publics. Langage pacifique de l'Europe. Négociations. Marche de la guerre. - Le drame d'Espagne touche au dénouement. - Napoléon et le Corps législatif. Explosions de colère et rapidité de la décadence. - Invasion générale de la France.— Discours de Napoléon aux députés. Efforts de résistance; siége de Hambourg. Nouvelles levées; nouveaux discours. - Napoléon épuise son génie dans une dernière campagne. Congrès de Châtillon. - La victoire reparaît; ardeur nouvelle des troupes. -Conditions de paix proposées par l'Europe et rejetées par Napoléon. Les événements se précipitent. - Défense impétueuse de Napoléon.-Les puissances se lient par un traité signé à Chaumont. Appel nouveau à la Nation. La France immobile. — Suite des combats; lutte savante de Napoléon. Événements soudains dans le Midi. - Le due d'Angoulême paraît en France. Incidents de sa marche. - H entre à Bordeaux. Louis XVIII est proclamé.

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1813. Tandis que la fortune accablait Napoléon en Alle magne, la guerre d'Espagne se continuait avec ses variétés accoutumées de victoires et d'adversités, de conquêtes et

de fuites. Suchet s'était affermi, par une succession de brillants faits d'armes, le long de la Méditerranée. Marmont, malgré sa défaite aux Arapiles, avait tenu tête à Wellington, qui, fidèle à sa stratégie mêlée d'action et de retraite, avait d'abord essayé, mais vainement, d'enlever Burgos défendu par le général Dubreton, et puis était retourné à ses retranchements sur le Tage, protégeant Lisbonne et toujours menaçant l'Espagne. Mais la nation espagnole restait fidèle à sa lutte, soit par les combats en plein jour, soit par la trahison cachée, soit par le glaive, soit par le poignard; et aussi cette guerre obstinée était mêlée d'actes de barbarie réciproque, dont l'atrocité souillait également l'agression et la défense. Les grandes manoeuvres de Soult, objet d'admiration pour les gens de guerre, devenaient stériles au milieu d'une telle population, qui à peine soumise échappait à la soumission, et à demi-exterminée renaissait de la ruine et de la mort.

Tout devenait sinistre. Les Russes entrèrent à Kœnisberg; et Murat, plus fait pour les batailles que pour la conduite d'une armée, remit le commandement en chef au prince Eugène. Peu après, on voyait arriver à Berlin les premières troupes de l'armée française de Moscou ; Varsovie s'ouvrait aux Russes, et une proclamation de l'empereur Alexandre, datée de cette ville, invitait l'Allemagne à briser le joug qui l'oppressait. C'était comme un appel de guerre universelle, et il se remuait au sein de l'Europe quelque chose de mystérieux qui faisait accepter cet appel avec enthousiasme. Les rois invoquaient la liberté : parole magique qui trouva partout des échos, et vint étonner et troubler l'Empire.

En même temps s'éveillaient en France de vagues pensées sur l'ancien état de société politique, dont la destruction avait donné lieu à une si longue suite de perturbations et de désastres. Ces pensées fermentaient surtout dans les régions de l'Ouest et du Midi. La Vendée n'avait pas cessé de palpiter au nom du roi de France; et il se trouvait d'ailleurs, en chaque province, bien des cœurs prompts à saisir tout indice qui se rattachait à ce souvenir. Pour eux,

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