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et des caissons. Suivant la chaussée qui mène à La Rothière, il poussa au trot jusqu'à portée de fusil des avant-postes français et vint se mettre en batterie à droite et à gauche de la route. L'artillerie russe qui avait dépassé dans ce mouvement les têtes de colonne de Sacken, se trouvait complètement en l'air et sans soutien; mais le général en prenant ce parti quelque peu aventureux, n'avait pas agi à la légère. En raison mème de l'état du terrain, il importait d'éviter autant que possible les changements de position et les mises en batterie successives, et, d'autre part, il fallait se porter résolument en avant afin de pouvoir renvoyer les attelages à Trannes et amener en ligne les pièces que l'on avait été contraint de laisser momentanément sur les hauteurs.

russes.

Charge de la cavalerie française contre les batteries Premiers engagements en avant de La Rothière. La cavalerie française est rejetée en arrière de La Rothière. Malgré les tourbillons de neige, la cavalerie française conduite par Nansouty avait pu se rendre compte de la position aventurée de l'artillerie russe que ses soutiens (les 11o et 36o régiments de chasseurs) n'étaient pas encore parvenus à rejoindre, et se porta sur elle.

Le général Nikitin, voyant les escadrons français se diriger vers ses batteries, donna immédiatement l'ordre de cesser le feu. Employant tout son monde à transporter près des bouches à feu les munitions dont il allait avoir besoin, il laissa arriver la cavalerie jusqu'à 500 pas de ses batteries. Il ouvrit alors un feu de mitraille tellement vif et tellement meurtrier que la charge dut s'arrêter à moins de 300 pas des pièces. Enlevés à plusieurs reprises par leurs généraux, les cavaliers français furent, en fin de compte, obligés de renoncer à leur entreprise. La neige tombait pendant ce temps avec une telle violence qu'on ne voyait pas à 10 pas devant soi'.

L'infanterie de Sacken commençait à arriver en ligne, et comme l'ouragan de neige cessa à ce moment, force lui fut de se déployer sous le feu des batteries françaises de La Rothière et de l'infanterie postée en avant du village, dans les maisons et les jardins, pendant que la cavalerie sous les ordres de Nansouty

1 Journal du général Nikitin.

(divisions Colbert, Guyot et Piré) qui venait de se reformer, débouchait entre La Rothière et Petit-Mesnil et se portait rapidement à la rencontre des bataillons russes. Le général-lieutenant Lanskoï essaya vainement d'arrêter avec sa division de hussards la charge des cavaliers français qui le culbutèrent et étaient déjà sur le point de rompre les lignes de l'infanterie, lorsque le général-lieutenant Wassiltchikoff, qui commandait la cavalerie du corps Sacken, arriva au galop avec la division de dragons du général-major Pantchoulitcheff II. Attaquant simultanément de front et de flanc les régiments français avant qu'ils aient eu le temps de se reformer, il les enfonça complètement, les mit en déroute et les poursuivit au delà de La Rothière, dans la direction de Brienne-la-Vieille, après avoir enlevé en route 24 bouches à feu. L'intervention de Wassiltchikoff avait été d'autant plus opportune que, sans parler même des conséquences qu'aurait pu avoir la rupture de l'infanterie de Sacken, la charge des dragons russes contraria l'entrée en ligne des renforts que la cavalerie française ne reçut que trop tard.

Au moment, en effet, où Nansouty amenait sa réserve, la division Lefebvre-Desnoëttes, à droite de La Rothière, alors que Grouchy se montrait à gauche de ce village avec les dragons de Briche, les divisions Colbert, Guyot et Piré étaient déjà entamées

Lanskoï commandait la 2e division de hussards, composée des régiments de hussards d'Akhtyr, de Mariopol, de la Russie blanche et d'Alexandria. * Division du général-major Pantchoulitcheff: 3o division de dragons; régiments de dragons de Courlande, de Smolensk, de Tver, de Kinburn.

3 PETIET, dans son Journal historique de la division de cavalerie légère (Piré) du 5e corps de cavalerie pendant la campagne de France en 1814, donne une autre version de ce combat de cavalerie contre cavalerie, version qui nous paraît d'ailleurs moins admissible et moins vraisemblable que le rapport des généraux alliés. « Vers 4 heures, dit-il, l'ennemi voyant que ses efforts pour forcer notre extrême droite étaient inutiles et qu'ils ne parviendraient pas à renverser les nôtres de ce côté, se décida à un grand mouvement de cavalerie sur les dragons. Par des mouvements assez rapides, 6,000 chevaux, formés sur deux lignes, se lancent sur notre artillerie et, débordant La Rothière, par sa gauche, obligent les dragons à se replier en désordre. Heureusement, le général de Piré, s'apercevant de l'importance de cette attaque et des funestes résultats qu'elle peut avoir, n'hésite pas à quitter sa position où sa présence n'était pas alors indispensable. Sans attendre d'ordres, il met sa division en colonne par escadrons et tombe par une conversion à gauche sur le flanc de l'ennemi. Cette manoeuvre est couronnée de succès; les Russes s'arrêtent et pendant qu'ils obliquent à droite pour se rallier, les dragons ont le temps de se réformer. » Sans vouloir contester le dire de Petiet, qu'il nous soit permis de

et ramenées; leur artillerie prise par Wassiltchikoff était gardée par les fantassins de Sacken, et, comme il n'y avait plus rien à faire, ces deux divisions se virent contraintes de retourner prendre position en arrière et à l'est de La Rothière. Quant aux divisions Colbert, Guyot et Piré, elles ne reparurent plus sur le champ de bataille que vers la fin de la journée.

Il était bien près de 4 heures, lorsque l'infanterie de Sacken. s'avançant au milieu de la tourmente de neige vers La Rothière, sous la protection des 72 pièces amenées en position, s'engagea avec la division Duhesme, et lorsque Blücher arriva de sa personne en avant des hauteurs de Trannes.

Considérations sur les conséquences de ce combat de cavalerie. Si la cavalerie de Wassiltchikoff avait été immédiatement soutenue par l'infanterie, s'il y avait eu à ce moment une éclaircie, si Sacken avait pu voir ce qui se passait en avant de lui et sur sa gauche, enfin si l'on avait fait appuyer les escadrons de Lanskoï et de Pantchoulitcheff par les cuirassiers et grenadiers russes qui venaient d'entrer en ligne, si l'on avait porté en avant les gardes pour servir de réserve au corps de Sacken et coopérer, en cas de besoin, à l'attaque de La Rothière, la bataille aurait pris probablement, dès le début, une toute autre tournure, et la droite française aurait couru grand risque d'être écrasée. Il est probable que sans un concours de circonstances tout à fait spéciales, Blücher n'aurait pas hésité à donner des ordres en conséquence, et que poussant résolument en avant, il aurait crevé les lignes françaises qui n'avaient à ce moment pour unique réserve que la division Rottembourg. Mais la tourmente de neige l'empêchait de découvrir le champ de bataille, de diriger le combat, et lorsque l'officier envoyé par Wassiltchikoff parvint à le trouver et put lui rendre compte des résultats de la

faire remarquer que l'intervention de Piré put tout au plus sauver les dragons; car Petiet lui-même confirme quelques lignes plus loin les rapports des généraux russes, en disant : « Cependant, l'artillerie dépassée de bien loin par la charge des Alliés, fut en partie prise, et, dès ce moment, on put prévoir le résultat de la journée. » Il nous semble, en effet, que si la manœuvre, en tout cas très opportune, du général de Piré, avait été réellement couronnée de succès, elle aurait permis de ramener les dragons russes, de reprendre les pièces et de rétablir le combat.

charge, il était déjà trop tard pour pouvoir en tirer immédiatement un parti décisif. Quoi qu'il en soit, il est certain que l'enlèvement de 24 pièces et l'échec éprouvé par la cavalerie de Nansouty dès le début de l'affaire, ne contribuèrent pas peu à l'issue finale de la journée.

Sacken, dont les troupes étaient formées sur trois colonnes', avait entre temps continuéson mouvement vers La Rothière, qu'écrasaient ses 72 pièces, et comme l'infanterie se trouvait dans l'impossibilité de faire feu, il résolut d'enlever le village à la baïonnette. La division Duhesme, déjà fort affaiblie par les pertes qu'elle avait éprouvées le 29, résista vaillamment; mais pliant sous le poids du nombre, elle dut céder du terrain et abandonner aux Russes le village jusqu'à l'église, après avoir perdu dans cette affaire 8 de ses pièces. La plus grande partie des troupes de Duhesme se replia en désordre jusqu'à Petit-Mesnil, tandis que le reste composé de quelques vieux soldats résolus à défendre le terrain pied à pied, se barricada dans les maisons.

Premiers mouvements de Gyulay sur les deux rives de l'Aube. A la gauche des Alliés, les choses n'avaient pas pris dès le début de l'action et pendant toute la première phase de la bataille comprise entre 1 heure et 4 heures de l'après-midi, une tournure aussi favorable pour eux que du côté de La Rothière. Gyulay, après avoir laissé en position à Vendeuvre la division légère Crenneville, avait, conformément aux ordres du généralissime, marché le 1er février au matin avec le gros du IIIe corps, des environs de Bar-sur-Aube par Arsonval et Baussancourt sur Trannes. Une fois arrivé dans la plaine en avant de Trannes, le feldzeugmeister avait fait prendre à son corps la formation de combat en colonne de bataillon et suivi le mouvement des Russes de Sacken sur la chaussée de Brienne jusqu'à hauteur de Juvanzé. Le corps de Sacken était déjà très vivement engagé, et Gyulay crut avec raison qu'il était nécessaire de le faire soutenir par son artillerie qui appuya vigoureusement l'attaque des

1 Colonnes du général-lieutenant Stscherbatoff, de Liewen et d'Olsufieff. 2 Cette division avait ordre de rester sur cette position jusqu'à l'arrivée à Vendeuvre du corps Colloredo, qui ne put être rendu sur ce point que le 1er février au soir. (K. K. Kriegs Archiv., II, 1.)

Russes sur La Rothière, pendant que les colonnes d'infanterie autrichienne arrivaient à hauteur du pont et du village d'Unienville, situé sur la rive gauche de l'Aube. Le feldzeugmeister remarqua à ce moment que quelques troupes de la droite des Français se préparaient à déboucher d'Unienville et que des colonnes d'un effectif respectable, se portant de Dienville sur Unienville, paraissaient vouloir, après avoir menacé sa gauche, se diriger contre le flanc gauche et les derrières des divisions. russes engagées à La Rothière. Tout en continuant à faire soutenir Sacken par une partie de son artillerie qu'il avait établie sur une hauteur voisine de l'Aube, et à laquelle il laissa comme soutien une brigade de la division Hohenlohe-Bartenstein, il chargea le général-major Pflüger, avec 4 bataillons, 4 canons et 2 escadrons du régiment de chevau-légers de Klenau, d'enlever le pont d'Unienville, défendu seulement par un faible poste avancé, de s'emparer du village et de s'établir solidement au delà d'Unienville, sur la hauteur de la rive gauche. La brigade Pflüger enleva facilement le pont et le village et, débouchant d'Unienville, s'avança sur la rive gauche'.

Le feldzeugmeister espérait, en accentuant son mouvement sur la rive gauche de l'Aube, prendre à revers le pont de Dienville et tourner la droite des lignes françaises.

Mais l'Empereur, qui avait eu le temps de pénétrer les intentions de Gyulay, avait aussitôt envoyé au général Gérard l'ordre de se maintenir à tout prix à Dienville. L'une des brigades de la division Ricard, la brigade Boudin, fut chargée de la défense du ponts et des hauteurs qui en commandent les abords sur la rive gauche, tandis que la brigade Pelleport s'établissait en arrière et à l'est de Dienville et que la division Dufour, se reliant avec la brigade de cavalerie du général Picquet, se déployait en deuxième ligne derrière cette brigade, entre Dienville et La Rothière.

Le feldzeugmeister avait dû forcément remarquer toutes ces dispositions; il n'y avait plus désormais pour lui la moindre chance de pouvoir enlever le pont de Dienville par surprise, et les deux régiments de la division Hohenlohe-Bartenstein, laissés par

1 STÄRKE, Eintheilung und Tagesbegebenheiten der Haupt-Armee im Monate Februar, 1814 (K. K. Kriegs Archiv., II, 1), et relation de Gyulay à Schwarzenberg, de Lesmont, 2 février. (Ibid., II, 28.)

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