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l'avant-garde poussèrent, sans rien trouver devant eux, jusqu'à deux petites lieues de Saint-Dizier, et l'avant-garde avec le prince Guillaume s'arrêta à Bar-le-Duc. Henckel avait cotoyé l'Ornain jusqu'en aval de Sermaize et la cavalerie de Katzler s'établit à hauteur de Chancenay, la 2o brigade à Stainville, les 1re et 70 aux environs de Ligny, où York reçut dans le courant de la journée des nouvelles qui allaient jeter un jour nouveau sur sa position et lui permettre d'agir et d'opérer désormais en pleine connaissance de cause.

Sa cavalerie, en effet, lui avait fait savoir qu'une colonne française, composée de troupes de toutes armes et forte d'environ 6,000 hommes, occupait encore Saint-Dizier. L'achèvement des travaux de réfection des ponts de Han-sur-Meuse, de Pont-surMeuse et de Commercy, qui étaient fortement gardés, lui assurait une ligne de retraite et de communications. Enfin, il avait été informé officiellement, d'abord par Wittgenstein de la présence de Blücher à Brienne, puis par Schwarzenberg de la concentration d'une partie de l'armée de Bohème à Bar-sur-Aube. La situation d'York avait donc changé du tout au tout en vingt-quatre heures. Son rôle était désormais nettement défini, la direction qu'il avait à suivre lui était imposée par les circonstances mêmes. C'est pour cela que, lorsque Wittgenstein lui fit demander de l'assister dans ses opérations, il crut pouvoir lui répondre que « les premiers coups de canon tirés par le Ier corps contre SaintDizier serviraient de signal d'attaque pour le VI corps », et qu'il donna, le 29 au soir, les ordres dont nous aurons à parler en examinant les opérations et les mouvements du 30.

Particularités du combat de Brienne. Pour ce qui est du combat même de Brienne', il présente certaines particularités sur

1 Clausewitz critique assez vivement l'isolement dans lequel Blücher a été laissé à Brienne et en fait remonter la responsabilité à Schwarzenberg.

« Que Blücher, dit-il dans sa Critique stratégique, ait été un moment abanbonné à lui-même et sur le point d'être écrasé à Brienne par les Français, c'est là une faute stratégique d'autant plus grave que le moment décisif était plus proche, ce qui augmentait encore le danger. Plus on s'approche de la crise, plus les mouvements doivent être serrés, plus les combinaisons doivent être calculées. >>

Il nous semble toutefois qu'à vrai dire la critique de Clausewitz s'adresse bien plus à Blücher qu'au généralissime. Il est vrai que Schwarzenberg aurait

lesquelles il convient d'insister. Il est rare, en effet, de voir dans une seule et même affaire les deux généraux en chef sur le point d'être enlevés ou, tout au moins, sabrés par quelques cavaliers. L'un d'eux n'échappe même que par un hasard providentiel à l'ennemi, qui s'empare par surprise du château dans lequel il a installé son quartier général. Quant à l'acharnement que déployérent et Blücher et Napoléon, acharnement qui faillit leur ètre fatal à tous deux, il était loin d'être produit par les mèmes causes Chez le feld-maréchal, à la haine qu'il portait à l'Empereur et à la France venait s'ajouter, ce jour-là, le sentiment des fautes que cet acharnement même lui avait fait commettre. Jusqu'au dernier moment, jusqu'à ce qu'il ait été forcé de se rendre à l'évidence en parcourant les dépêches trouvées sur le colonel Bénard, Blücher ne s'était pas rendu compte de la situation. Mais, plus franc que ses détracteurs et plus loyal que ses panégyristes, il reconnut lui-même, après les événements, la faute qu'il avait commise, et, dans le rapport qu'il adressa d'Arsonval, le 31 janvier à 10 heures du matin, à l'empereur d'Autriche, il avouait : « Qu'il avait pris les mouvements exécutés contre Lanskoï pour de simples démonstrations; qu'il avait fait venir, le 28, Olsufieff à Brienne, laissé Lanskoï sur la route de Brienne et posté Sacken à Lesmont1. » Il est donc évident, et il le reconnaît lui-même un peu plus loin, qu'il occupait un front démesurément étendu, et que, au lieu de s'entêter sur la position de Brienne, il eût été plus sage et plus raisonnable, après avoir amusé les Français au moment où ils parurent à Maizières, après les avoir occupés en déployant devant eux la cavalerie de Pahlen soutenue par quelques batteries, de faire filer, dès l'aube du jour, Sacken de Lesmont et d'opérer en bon ordre et par échelons sur Dienville et sur Trannes une retraite qui eût pu s'effectuer sans trop d'encombres et au

pu peut-être le faire soutenir en poussant vers lui les III et IVe corps; mais le généralissime ignorait encore de quelles forces disposait l'Empereur et craignait de se voir contraint de livrer contre son gré une bataille à laquelle il était loin d'être préparé. D'autre part, il est certain que Blücher seul, en s'affranchissant des ordres du généralissime, en contrevenant à ses instructions et en s'entétant à précéder la grande armée au lieu de venir la rejoindre, était cause de ce qui se passait, et que, sans la prise du colonel Bénard, il aurait infailliblement été surpris par Napoléon et écrasé uniquement par sa faute.

1 Blücher à l'empereur d'Autriche, Arsonval, 31 janvier. (K. K. Kriegs Archiv., 1, 726, b.)

prix d'un simple combat d'arrière-garde. Une pareille retraite lui eût permis de rejoindre plus rapidement, et sans s'exposer à de grosses pertes, les IIIe et IVe corps, auxquels il aurait ainsi donné la main dès le 29 au soir. Il se serait alors trouvé dans une situation semblable, à peu de choses près, à celle qui lui fut faite par les ordres de Schwarzenberg et des souverains alliés lorsqu'on le chargea de livrer, le 1er février, la bataille de La Rothière.

Au point de vue tactique, Blücher et Napoléon se virent tous deux forcés d'engager successivement leurs troupes au fur et à mesure de leur arrivée sur le terrain de la lutte; mais on ne saurait méconnaître que si la résistance énergique opposée par les Russes d'Olsufieff à la première attaque de Duhesme a permis à Blücher d'attendre sur sa position l'arrivée des troupes de Sacken, c'est surtout à son coup d'œil et à l'emploi judicieux qu'il sut faire de toute sa cavalerie, à la rapidité avec laquelle il profita de la faute que les Français avaient commise en envoyant toute la leur sur leur droite, qu'il dut de pouvoir se maintenir à Brienne jusque dans la nuit.

Pour ce qui est de l'Empereur, on s'est demandé pourquoi il avait attaqué si vivement le feld-maréchal qu'il avait espéré surprendre au moment où il aurait exécuté un passage de rivière, pourquoi il n'avait pas attendu l'arrivée de Gérard, et pourquoi, enfin, il n'avait porté contre Blücher que le tiers environ de son armée. Un examen attentif de la situation permet de répondre à ces critiques.

Napoléon a reconnu dès les premières heures de son arrivée à l'armée, qu'il est urgent d'agir et de battre Blücher avant qu'il ait pu opérer sa jonction avec Schwarzenberg. Il ignore quels sont au juste les corps que Blücher a emmenés avec lui dans son mouvement vers la Marne et vers l'Aube; mais il sait qu'il importe de ne pas perdre un instant et que c'est uniquement par la rapidité et la continuité de sa marche qu'il pourra peutêtre encore parvenir à tomber sur les derrières de l'armée de Silésie. C'est pour cela aussi qu'il jette sur elle ses troupes au fur et à mesure de leur arrivée en ligne, qu'il attaque, bien que Gérard ne puisse le rallier avant le lendemain, bien qu'il ait détaché Marmont du côté de Vassy et bien que Mortier n'ait pu (il l'ignorait, il est vrai) exécuter son mouvement et venir le

rejoindre. Il est évident que jusqu'au dernier moment il espère, en s'installant à Brienne, couper en deux l'armée de Blücher et triompher de cette résistance énergique et désespérée des Russes qui seule va permettre au feld-maréchal de sortir de la position. critique dans laquelle il s'est placé et de se replier sur l'armée de Bohême. « Tout cela est simple et naturel, » dit Clausewitz à ce propos, parce qu'il considère évidemment que, dans la situation de l'Empereur, l'offensive seule pouvait lui apporter le salut.

Mécontentement de Schwarzenberg. L'émotion, on peut le penser, avait été vive au grand quartier général des Alliés pendant toute la journée du 29, si vive même que, dans la matinée, alors qu'on n'avait encore connaissance que du rapport dans lequel Blücher rendait compte des premières opérations de l'Empereur contre Saint-Dizier, Schwarzenberg avait chargé Toll d'écrire au prince Wolkonsky pour le mettre au courant des dispositions qu'il avait prises et de se faire l'interprète de son mécontentement, mécontentement uniquement causé par les mouvements de Blücher.

« Ce qu'il y a de plus désagréable dans toute cette affaire, fait-il écrire, c'est que Blücher a appelé à lui Pahlen et que Wittgenstein se trouve manquer presque absolument de cavalerie. On aurait pu, d'ailleurs, prévoir ce mouvement de l'ennemi qui se concentrait à Châlons, et je m'étonne que Blücher, avant d'avoir même cherché à connaître la force de l'ennemi, se soit porté sur Brienne, point vers lequel il n'aurait, au reste, jamais dû se diriger puisque Brienne se trouvait dans le rayon d'action et la zone de marche de la grande armée.

<< Mais il est d'autre part heureux que l'ennemi ait pris maintenant l'offensive. S'il avait commencé son mouvement dans quatre jours, la queue de nos colonnes se serait déjà trouvée à Troyes et l'ennemi en marchant de Châlons par Joinville sur Chaumont aurait, en prenant pour bases d'opérations Verdun et Metz, complètement coupé nos communications 1. >>

A Barclay de Tolly, Toll écrivit le 29 au matin : « Le prince de Schwarzenberg redoutant une tentative de l'ennemi contre nos

Toll et Schwarzenberg redoutent toujours, on le voit, et dès le début de la campagne, le mouvement que l'Empereur ne devait entreprendre qu'après Arcis-sur-Aube, dans les derniers jours de mars.

lignes de communications, désire que vous donniez à vos troupes l'ordre de redoubler de vigilance dans les cantonnements. »>

Il est, d'ailleurs, juste de reconnaître que, malgré l'émotion naturelle causée par les mauvaises nouvelles qu'on venait de recevoir, on se rendait au quartier général de Schwarzenberg un compte assez exact de la situation. Loin de désespérer et de se laisser décourager par l'éventualité probable d'un échec infligé à Blücher, on en augurait bien pour l'avenir. On croyait surtout que cette leçon servirait à discréditer complètement dans l'esprit de l'empereur de Russie et des partisans de la guerre à outrance, les auteurs des plans que Knesebeck et l'entourage de Schwarzenberg et de Metternich condamnaient à cause de leur audace et rejetaient à cause des risques qu'ils faisaient courir à la cause des Alliés et surtout à la cause de la paix.

L'inquiétude ne se calma guère, ni dans la journée, ni le soir, bien que l'on commençât à se tranquilliser sur les dangers que l'on avait redoutés pour la droite du côté de Joinville. Mais on venait d'apprendre de la bouche même d'un des officiers de Blücher, le lieutenant-colonel von Brünneck, parti du champ de bataille un peu après 3 heures, que les corps de Sacken et d'Olsufieff étaient sérieusement engagés avec l'Empereur, que les charges brillantes de la cavalerie de Pahlen avaient momentanément réussi à arrêter l'ennemi, et que le feld-maréchal espérait encore parvenir à se maintenir sur ses positions pendant la journée du 30 et pensait que l'ennemi se retirerait à la nuit.

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Conseil de guerre de Chaumont. Par une coïncidence bizarre, ce fut au moment où Blücher était attaqué à Brienne et obligé de se replier sur Trannes, au moment où l'empereur de Russie, inquiet de la tournure prise par les événements, se rendait avec le roi de Prusse de Langres à Chaumont pour y décider les opérations ultérieures, que Metternich écrivait à Caulaincourt, qui depuis trois semaines attendait vainement une réponse, pour lui annoncer que « les souverains avaient choisi Châtillon-surSeine comme le lieu des négociations avec la France et que les plénipotentiaires seraient rendus dans cette ville, le 3 février prochain'. » Metternich répondait en même temps à la lettre confi

1 Archives du ministère des affaires étrangères, no 338:

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