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route de Tonnerre à Paris, mais il lui avait été impossible de découvrir s'ils avaient continué sur Paris où s'ils s'étaient arrêtés à Troyes. Hardegg ajoutait encore: « On ne voit, on ne sait, on n'entend rien de l'ennemi de ce côté. » Il demandait, en outre, à Colloredo ce qu'il devait faire des chevaux hors d'état de continuer à marcher. Bien que sa division n'eût pas eu de grosses fatigues à supporter, il prévenait Colloredo que, sa cavalerie ayant beaucoup souffert de la marche qu'elle venait de faire par des chemins impraticables, son artillerie ayant 3 pièces dont les affûts étaient brisés et nombre de caissons hors de service, il allait être obligé de faire, le 28, séjour à Montbard.

Motifs du mouvement de l'empereur Napoléon sur Brienne. On a souvent reproché à l'Empereur la résolution qu'il prit après avoir chassé Lanskoï de Saint-Dizier, et critiqué la marche de flanc sur Brienne qu'il exécuta presque en vue ou tout au moins à peu de distance de l'armée de Schwarzenberg. Si l'on peut, jusqu'à un certain point, condamner l'espèce d'entêtement qui l'amena quelques jours plus tard à livrer, malgré lui, il est vrai, mais aussi en dépit de l'inégalité écrasante des forces, la bataille de La Rothière, on ne saurait en revanche rien trouver à redire au mouvement sur Brienne. La surprise de Lanskoï avait suffi pour rendre aux populations des espérances qu'elles avaient trop promptement perdues, et l'opération sur Brienne devait, dans l'esprit de l'Empereur, servir à prouver aux maréchaux qu'il fallait reprendre courage, qu'on n'était pas à bout de ressources et

1 Hardegg à Colloredo, Châtillon, 27 janvier. (K. K. Kriegs Archiv., 1, 628, b.)

A ce rapport étaient joints les ordres suivants qu'Hardegg avait donnés à ses partis :

«Ordres pour le 27 janvier :

« Le détachement du major von Thurn reste à Semur avec un poste à Epoisses envoyant des patrouilles vers Savigny-en-Terre-Pleine, un poste à Millery avec patrouilles de Viserny à Saint-Just, un poste à Courcelles-Frémois avec patrouilles par Bierre, sur la route d'Auxerre. »

«Ordres pour le 28 janvier :

«Le détachement du major von Thurn marche sur Noyers et couvre le flanc gauche du corps.

« Le parti volant du lieutenant Hardegg va par Annay et Molay à Collan, sur la route d'Auxerre à Tonnerre, et envoie des patrouilles à gauche vers Chablis, à droite vers Tonnerre. S'il rencontre l'ennemi et se trouve trop faible pour lui résister, il se repliera sur Noyers. »

que, avec du jugement et de la résolution, on pouvait encore rétablir les affaires. C'est pour cela que, sans perdre une minute, il va employer la journée du 28 à marcher sur Brienne. Il espère y tomber sur les derrières de Blücher, le battre et le détruire avant sa jonction avec Schwarzenberg. Peu s'en est fallu que ce plan, si hardiment conçu et si résolument exécuté, ne fût couronné de succès puisque, pendant toute la journée du 28 et jusqu'à ce qu'un hasard providentiel lui eût révélé le danger qu'il courait, Blücher croyait qu'il s'agissait simplement d'une reconnaissance offensive absolument sans conséquence, et pensait que les Francais avaient uniquement cherché à savoir si l'armée de Silésie se dirigeait sur Châlons ou sur Paris, en un mot, que les Français avait seulement voulu le tâter1.

Comme nous l'avons dit, Napoléon pouvait à ce moment: ou continuer sa route vers la Lorraine pour arrêter York et se réunir à Macdonald, ou pousser sur Chaumont et Langres pour tenir tête à Schwarzenberg, ou redescendre vers l'Aube pour suivre et atteindre Blücher. « Napoléon, écrit à ce propos le baron Fain, s'arrête à ce dernier parti, qui doit prévenir la jonction des Prussiens avec l'armée autrichienne, qui peut sauver Troyes et qui, dans tous les cas, va faire tomber ses premiers coups sur son ennemi le plus acharné. »

C'est pour cela aussi que Napoléon choisit le chemin le plus court de Saint-Dizier à Troyes, par la forêt du Der, bien que ce soit un chemin de traverse difficile, mais parce que c'est aussi par là qu'on s'attendra le moins à le voir déboucher. D'ailleurs, quand il s'arrête à cette résolution, le temps est à la gelée, son armée est pleine d'enthousiasme, son artillerie est bien attelée, et par cette route de la forêt, il peut être en deux marches à Brienne. Il importe, d'ailleurs, de remarquer, qu'au moment où il prenait le parti de se jeter sur Blücher, Napoléon avait d'autant plus de motifs pour le faire, qu'il devait croire que le général Dufour avait détruit le pont de Lesmont, que le rétablissement de ce passage arrêterait Blücher, et que de plus, en opérant de

1 Voir Kurzgefasste Darstellung der Kriegsbegebenheiten der schlesischen Armee (K. K. Kriegs Archiv., 1, 31) et Blücher à Schwarzenberg, de Brienne, 28 janvier (Ibid., I, 632).

2 FAIN, Manuscrit de 1814.

la sorte, il se rapprochait de son aile droite et comptait pouvoir manœuvrer de concert avec Mortier. A ceux qui lui reprochent de n'avoir pas préféré se porter vers Chaumont, il suffira d'observer qu'en manœuvrant de la sorte, il n'aurait réussi tout au plus qu'à séparer du reste de la grande armée Wrède, qui aurait pu continuer à filer sans encombre par Bar-sur-Aube ou par Vassy et Montier-en-Der, pour rejoindre Blücher.

On a encore critiqué la résolution qu'il avait prise en se portant par Montier-en-Der sur Brienne, et prétendu qu'il aurait mieux fait, ou de se diriger par Doulevant contre Gyulay et le prince royal de Wurtemberg, postés à Bar-sur-Aube et Colombeyles-Deux-Églises, ou de marcher de Vassy par Sommevoire sur Dienville', afin de couper les communications de Blücher avec Schwarzenberg. Cette dernière critique seule a une certaine valeur; mais il faut constater qu'en se portant sur Dienville, il était obligé de défiler presque en vue des troupes du III corps, et que de plus, il sacrifiait complètement le facteur le plus important le temps. Or, Napoléon sentait parfaitement qu'il n'avait pas une minute à perdre pour conserver quelque chance d'écraser Blücher, et pouvoir, après l'avoir rejeté vers la Meuse ou la Moselle, se retourner par Joinville contre Schwarzenberg qui, à la première nouvelle de la défaite complète de Blücher, n'aurait pas manqué de s'arrêter et de prendre une position défensive.

:

Enfin, il y avait encore une considération d'ordre moral qui devait décider Napoléon à essayer d'en finir avec celui de ses adversaires, qu'il considérait, à juste titre, comme le plus redoutable et le plus acharné, à cause de la haine qu'il portait à la France et de l'activité que, malgré son grand âge, il mettait au service de sa passion. Il était d'autant plus nécessaire de frapper un grand coup contre Blücher que, et ce sont les auteurs allemands eux-mêmes qui le signalent, l'arrivée de l'Empereur à l'armée avait suffi pour changer en peu d'heures l'attitude et l'esprit des populations. Droysen, dans sa Vie du feld-maréchal

1 Le prince de Taxis (aide de camp de Wrède), entre autres, ne comprend pas, dans son Tagebuch, pourquoi Napoléon fait une marche de flanc de Montier-en-Der sur Lesmont par des chemins difficiles, et croit qu'il avait mieux à faire en attaquant directement, et de front, le VIe corps (Wittgenstein) du côté de Vassy, où ce corps arriva le 29 janvier. (Tagebuch du major prince Thurn et Taxis. - K. K. Kriegs Archiv., XIII, 32.)

York, s'exprime à ce sujet de la façon suivante : « Il était évident qu'on était à la veille de grands événements, et les dispositions des populations s'étaient en un instant modifiées du tout au tout. L'arrivée de Napoléon et ses proclamations avaient réveillé leur patriotisme. La nouvelle que l'Empereur, avait pris l'offensive, avait ranimé les courages et les espérances, La levée en masse elle-même prenait un caractère grave et sérieux. Les villages se vidèrent; les habitants, avec leurs bestiaux et leurs provisions, se réfugièrent dans les bois, y épiant les traînards et les petites patrouilles, leur tendant des embuscades, les désarmant. et les massacrant. Dans les cantonnements, les crimes et les tentatives d'assassinat se multiplièrent. Il était impossible, désormais, de se faire un instant de plus illusion sur l'esprit du peuple : la véritable guerre allait commencer 1. »

C'était là ce que Napoléon avait reconnu à Saint-Dizier, ce qu'il sentait, ce qu'il voulait, et, pour permettre à ce réveil de l'esprit national, à cette manifestation, peut-être un peu tardive, d'un patriotisme un moment assoupi, de se généraliser et de s'étendre, il lui fallait une victoire décisive. C'était cette victoire. qu'il espérait trouver à Brienne.

Quant à Blücher, il est évident qu'il ne se rendait pas encore un compte exact des dangers de sa situation. Ses panégyristes ont beau dire qu'à la réception du rapport dans lequel Lanskoï lui faisait part des événements de Saint-Dizier, il avait sagement agi en ne rappelant pas immédiatement à lui la cavalerie qu'il avait détachée; ils ont beau prétendre qu'en attendant en formation de combat l'attaque de l'ennemi pendant les journées des 28 et 29 janvier, il ne faisait que se conformer à ce grand principe en vertu duquel on doit obliger d'abord l'ennemi à se déployer, lui cacher soigneusement ses propres projets et ne prendre une résolution définitive, un parti décisif, que lorsqu'on est complètement fixé sur les intentions de son adversaire; il n'en est pas moins incontestable qu'il crut d'abord à une simple reconnaissance offensive des Français, lorsqu'il reçut, le 28 janvier, à 6 heures du matin, la nouvelle que l'ennemi avait chassé Lanskoï de Saint-Dizier et l'avait poursuivi jusqu'au delà d'Eurville. Ce

1 DROYSEN, Das Leben des Feldsmarschalls Grafen York von Wartenburg, t. II, p. 279 et 280.

fut seulement le soir que Lanskoï réussit à lui démontrer que l'ennemi cherchait à se jeter avec toutes ses forces entre lui et York et à couper ses communications avec Nancy1.

28 janvier. Mesures prises par Blücher. - S'il reste d'ailleurs les moindres doutes à ce sujet, le rapport même, que Blücher adressa à Schwarzenberg, est de nature à les dissiper :

<< Brienne, 28 janvier 1814.— « J'apprends ce matin à 6 heures que l'ennemi, probablement le corps de Victor renforcé, s'est avancé hier de Vitry à Saint-Dizier contre mon avant-garde qui, postée sur la route de Joinville à Saint-Dizier, s'est retirée jusqu'à Eurville.

« Les Cosaques disent que l'ennemi a occupé hier Vassy. J'ai donné l'ordre de s'en assurer. Je crois qu'il s'agit simplement d'une forte reconnaissance faite pour savoir si nous allons sur Paris ou sur Chalons. Peut-être l'ennemi veut-il aussi nous táter.

« Les troupes russes de l'armée de Silésie sont sur la route de Joinville à Arcis, entre Brienne et Pougy. L'avant-garde de Wittgenstein, sous les ordres du comte Pahlen, se trouve à deux lieues au sud de cette route.

« Le corps du général York devait être hier à Bar-le-Duc, si l'ennemi ne l'a pas retardé par quelque démonstration, et aujourd'hui à Saint-Dizier.

« L'avant-garde, sous Lanskoï, était hier à Eurville. »

Il semble, d'ailleurs, pour des raisons toutes particulières, pour des motifs qui ressortiront de la suite de cette lettre, sur laquelle nous aurons occasion de revenir, que Blücher ne tenait pas à dire la vérité tout entière à Schwarzenberg, parce qu'il voulait avant tout éviter l'envoi d'un ordre formel le rappelant en arrière, et que, plus que jamais, il croyait au succès final de la marche sur Paris. Du reste, il faut bien le dire, la tranquillité de Blücher était plus apparente que réelle. Il est évident, en effet, que le feld-maréchal attachait déjà à la nouvelle de l'affaire de SaintDizier, si ce n'est toute la considération qu'elle méritait, du moins plus d'importance qu'à une simple reconnaissance offensive.

Jusqu'à ce moment, en effet, il avait pu admettre que l'Empe

1 Kurzgefasste Dartellung der Kriegsbegebenheiten der schlesischen Armee. (K. K. Kriegs Archiv., I, 31.)

2 Blücher à Schwarzenberg, Brienne, 28 janvier. (Ibid., I, 632.)

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