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Situation de l'armée française.

Renseignés comme ils l'étaient par leurs propres agents et par les partisans des Bourbons, les Alliés devaient savoir que l'Empereur aurait peine à opposer, en y comprenant la garde et le petit corps de Belgique, 60,000 à 70,000 hommes aux 150,000 hommes qu'il leur était si aisé de pousser immédiatement sur Paris. Comme le dit Clausewitz. «<les Alliés étaient numériquement assez forts pour ne courir aucun danger en se résolvant à utiliser la puissance que venait de leur donner la victoire, à entrer en France et à continuer leur mouvement en avant jusqu'à la prise de Paris... » Il est évident que l'armée française, si elle avait été poursuivie, se serait retirée jusqu'à Paris. Il n'y avait nulle part des forces suffisantes pour la recueillir, et les Alliés le savaient fort bien. Au lieu de se refaire et de se renforcer, cette armée se serait affaiblie en détachant les garnisons qu'elle aurait été obligée de jeter dans les forteresses, et l'on ne saurait être taxé d'exagération si l'on affirme qu'en arrivant sous Paris, elle n'aurait compté guère plus de 35,000 à 40,000 hommes.

Opinion de Clausewitz sur le plan des Alliés. Comme Clausewitz le fait encore remarquer quelques pages plus loin dans sa Critique stratégique de la campagne de France en 1814, l'objectif stratégique des Alliés était d'abord l'anéantissement des forces à l'aide desquelles l'Empereur aurait reconstitué en France une nouvelle armée, puis la prise de Paris.

Il en résultait donc pour les Alliés l'obligation de se porter, avec toutes leurs forces réunies, contre l'armée française, de lui livrer une bataille décisive, puis après l'avoir battue de marcher sur Paris, sinon avec la totalité, du moins avec la plus grande partie de leurs troupes. On devait, en un mot, faire sortir la pair des conséquences mêmes de la bataille de Leipzig1.

L'objectif était donc plus nettement déterminé qu'il ne l'a jamais été au début d'une campagne. Les Alliés devant chercher à rendre le plus rapidement possible une grande bataille inévi

1 CLAUSEWITZ, Critique stratégique de la campagne de France en 1814. — Clausewitz ajoute encore: « Pour se servir des termes favoris des écrivains militaires, c'était le cas de s'élever au-dessus des règles consacrées, de remplacer la guerre méthodique par la plus extrême audace. »›

table, il aurait été naturel et logique de se porter en avant par la grande route la plus directe de Francfort à Paris, par Mayence et Metz, en limitant conséquemment le nombre des routes suivies par les différents corps à ce qui était strictement nécessaire pour faire vivre et marcher une armée de près de 200,000 hommes.

Or, ajoute Clausewitz, puisqu'on devait, en se rapprochant de l'ennemi, réduire ce front de marche de manière à permettre et à faciliter la concentration des troupes destinées à prendre part à la lutte, il importait de choisir à l'avance un point de réunion pour les armées. Comme il était impossible d'admettre que les forces françaises parvinssent à se masser ailleurs que sur la HauteMeuse ou sur la Marne, ce point devait être Verdun ou Châlons, villes précisément situées sur la route centrale la plus courte. Au cas où l'Empereur aurait choisi un autre centre de résistance on avait ainsi la faculté de prendre Nancy comme point général de réunion au lieu de Verdun ou de Châlons.

En un mot les Alliés auraient pu et dû marcher, dès le principe. en trois grosses colonnes jusqu'à hauteur de Luxembourg, Metz et Nancy. En portant immédiatement et directement la guerre au cœur même de la France, ils facilitaient encore la conquête des Pays-Bas et de la Belgique en rendant impossible l'envoi des renforts destinés aux faibles corps chargés de la garde de ces régions.

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Plan d'opérations du prince de Schwarzenberg. Puisqu'on savait que l'armée française ne pouvait en aucun cas se concentrer en avant de la rive gauche de la Meuse; puisqu'on voulait ramener dans le Haut-Rhin les lignes de communication des troupes tirées de l'Autriche et des États de l'Allemagne du Sud; dès qu'on se décidait, d'autre part, à ne franchir le haut Rhin à Lörrach que dans les derniers jours de décembre et le Rhin moyen qu'en janvier, la marche par le Brisgau et par la Suisse entraînait une perte de temps inutile et par conséquent nuisible. Enfin, puisque l'on avait posé en principe d'opérer de manière à accepter la bataille toutes les fois que l'ennemi aurait divisé ses forces et que la supériorité serait décidément de notre côté (du côté des Alliés, c'est toujours Clausewitz qui parle), de l'éviter, au contraire, lorsque toutes les forces de l'ennemi se trouveraient réunies et dirigées sur le point menacé par nos

armées 1,

c'était commettre une grosse faute que de se séparer dans le principe pour opérer ensuite une jonction qui devait ètre d'autant plus aléatoire qu'elle allait vraisemblablement s'effectuer en présence d'un adversaire tel que Napoléon.

Premiers mouvements de l'armée de Bohême.- Quoi qu'il en soit, l'empereur Alexandre, après avoir hésité pendant quelques jours, avait fini par approuver le plan que le généralissime autrichien lui avait soumis dans les derniers jours de novembre. La grande armée de Bohême quitta, vers le 10 décembre, les canton

1 Propositions générales sur un plan d'opérations contre la France présenté à Francfort-sur-le-Mein par le feld-maréchal prince de Schwarzenberg à Sa Majesté l'empereur de Russie (Archives de l'état-major de Saint-Pétersbourg). Résumé des mesures proposées à ce moment par Schwarzenberg:

1° Tous les cosaques et tous les partisans disponibles dans les différentes armées seront immédiatement jetés sur la rive gauche du Rhin. On leur donnera pour instruction de former des colonnes mobiles, de traverser la France dans tous les sens pour empêcher les conscrits de se rassembler et de rejoindre leurs dépôts ou leurs corps, et enfin d'inquiéter et d'interrompre autant que possible les communications de l'ennemi (a).

2o La grande armée de Bohème marchera par sa gauche; elle passera le Rhin et tachera de pénétrer dans l'intérieur de la France pour tendre la main à l'armée de lord Wellington et à celle d'Italie.

3o L'armée du maréchal Blücher passera également le Rhin dans le but de contenir l'armée française, de l'occuper, de manoeuvrer contre elle jusqu'au moment où l'armée de Bohème aura atteint les communications de l'ennemi. Le maréchal Blücher sera soutenu par un corps que la grande armée détachera pour observer Kehl et Brisach et qui sera sous ses ordres lorsque la grande armée avancera dans l'intérieur de la France.

4o En même temps l'armée de S. A. R. le prince royal de Suède passera le Rhin aux environs de Düsseldorf ou de Cologne et se dirigera sur la Hollande, ainsi que S. A. l'a fait proposer par M. le comte de Löwenhielm. Comme les forces principales de l'ennemi seront contenues par les autres armées alliées, il n'est pas probable que les forteresses de la Hollande soient ravitaillées et pourvues de garnisons suffisantes; il est donc à désirer que le prince royal de Suède accélère cette opération autant que possible avant que l'ennemi ne puisse réunir les moyens de s'y opposer.

En renforçant le corps du général Wallmoden d'une partie de l'armée suédoise suffisante pour contenir le maréchal Davout, S. A. R. garderait avec elle le corps de Winzingerode, celui de Bulow, les Saxons et un corps suédois avec lesquels il entreprendrait l'expédition de Hollande.

Par une marche rapide de Cologne sur Anvers on réussirait à couper la Hollande de la France, à empêcher l'empereur Napoléon de jeter des garnisons dans les places fortes, et enfin à prendre ce pays à revers, ce qui faciliterait l'insurrection de ses habitants et donnerait les moyens de les faire soutenir par l'Angleterre.

(a) Rien de cela n'a été fait, comme nous le démontrerons plus tard.

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nements qu'elle avait occupés dès le 18 novembre, depuis Lahr jusqu'au Mein, et remonta peu à peu le cours du Rhin, pendant que Schwarzenberg, décidé à violer la neutralité de la Suisse, partait de Francfort le 9 décembre pour surveiller de plus près ces mouvements. Passant par Heidelberg et Carlsruhe, le généralissime installait, le 11, son quartier-général à Fribourg-enBrisgau.

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Composition de cette armée. La grande armée de Bohème se composant des : 1re division légère autrichienne (feld-maréchallieutenant comte Bubna); 2e division légère autrichienne (feldmaréchal - lieutenant prince Maurice Liechtenstein); Ier corps d'armée autrichien (feldzeugmeister comte Colloredo); IIe corps d'armée autrichien (feld-maréchal-lieutenant prince Aloïs Liechtenstein); IIIe corps d'armée autrichien (feldzeugmeister comte Gyulay); IVe corps d'armée wurtembergeois (prince royal de Wurtemberg); Ve corps d'armée austro-bavarois (général de cavalerie comte Wrède); VIe corps d'armée russe (général de cavalerie comte Wittgenstein); réserves autrichiennes (général de cavalerie prince héritier de Hesse-Hombourg); gardes et réserves russes et prussiennes (général d'infanterie comte Barclay de Tolly), soit 235 bataillons, 302 escadrons avec 682 bouches à feu et un effectif total de près de 200,000 hommes. Elle commença son mouvement vers la Suisse le 10 décembre. Sa tête de colonne, la division Bubna, était arrivée, dès le 9 décembre, à Lörrach où Schwarzenberg transporta son quartier général le 20.

Composition de l'armée de Silésie. L'armée de Silésie, sous les ordres de Blücher, composée du Ier corps prussien (général d'infanterie von York), du IIe corps prussien (général lieutenant von Kleist), du corps russe du général d'infanterie comte Langeron, du corps russe du général d'infanterie baron Sacken, du corps volant du prince Biron de Courlande, forte de 146 1/2 bataillons, 152 escadrons, 17 régiments de cosa

1 D'après Bogdanovitch: 255 bataillons, 304 escadrons, 26 régiments de cosaques, 690 bouches à feu et un effectif total de 198,300 hommes; d'après Plotho: 239 bataillons, 293 escadrons, 684 bouches à feu et 228,650 hommes; d'après Damitz: 263 bataillons, 295 escadrons, 581 bouches à feu et 200,687 hommes.

ques, 448 canons avec un effectif de 95,440 hommes, devait, lorsqu'elle aurait été rejointe par les IVe et Ve corps fédéraux (Électeur de Hesse et duc régnant de Saxe-Cobourg), présenter un total de 191 1/2 bataillons, 155 escadrons, 500 bouches à feu et 136,670 hommes. Cette armée qui, à la date du 20 décembre, occupait des cantonnements resserrés sur la rive droite du Rhin. de Mannheim à Coblence, ne présentait, lorsqu'elle commença sa marche lors du passage du Rhin (1er janvier 1814), qu'un effectif de 50,000 hommes. Le corps de Kleist était à cette époque encore sous Erfurt; celui de Langeron resta devant Mayence et les IVe et V corps fédéraux, en voie de formation, ne rejoignirent que beaucoup plus tard.

Composition de l'armée du Nord. Quant à Farmée du Nord, sous les ordres du prince royal de Suède et dont les différents corps représentaient une force totale de près de 170.000 hommes, elle se composait du III corps d'armée prussien (général-lieutenant von Bulow, 30,000 hommes et 96 bouches à feu), du corps russe du général de cavalerie baron Winzingerode (30,000 hommes et 132 bouches à feu), du IIIe corps fédéral (général de cavalerie duc de Saxe-Weimar, 23.000 hommes et 56 bouches à feu), du corps du général-lieutenant comte Walmoden (15,000 hommes et 32 canons), de 10,000 hommes de troupes néerlandaises, milices sous les ordres du prince d'Orange, des 9,000 Anglais du général Graham: enfin, du corps suédois du feld-maréchal comte Stedingk (23,000 hommes et 62 bouches à feu) et du IIe corps fédéral sous les ordres du duc de Brunswick, fort de 32,900 hommes et 64 bouches à feu 3.

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Effectifs de l'armée française au 1er janvier 1814. A cest forces considérables, aux 200,000 hommes que les Alliés allaient

Le corps de Bulow arriva le 24 février à Laon; mais ces deux corps ne rejoignirent l'armée de Blücher qu'en mars. Le III corps prussien ne comptait plus alors que 16,000 hommes.

2 Ces troupes n'opérèrent que dans les Pays-Bas et en Belgique.

3 Ces deux derniers corps ne prirent pas part à la campagne de France, mais en revanche les armées furent renforcées pendant le cours des opérations par les VI et VIII corps fédéraux et par les contingents hessois, würtzbourgeois, badois, etc.

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