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un courrier que, de Strasbourg, Roederer, commissaire extraordinaire de l'Empereur dans le Bas-Rhin, expédiait à Victor. Sur ce courrier on trouvait, outre la dépêche de Kellermann transmettant au duc de Bellune les reproches et les ordres de l'Empereur et indiquant, comme on l'a vu, les positions des troupes entre Nancy et Charmes, une lettre de Roederer au duc de Rovigo, dans laquelle il rendait un compte exact de l'état peu rassurant des esprits à Strasbourg, ainsi que de la terreur produite par l'apparition des premières troupes alliées aux environs de la ville.

« Ræderer à M. le duc de Rovigo, ministre de la Police générale. Strasbourg, 7 janvier 1814.

<«< Monsieur le duc, l'ennemi s'est approché hier de la ville en tiraillant jusqu'à une demi-lieue. Cette situation a fait un grand changement dans l'esprit du peuple. On criait dans les boutiques et les cafés que la ville était vendue, que le duc de Bellune en avait emmené la garnison, que la ville serait rendue sous trois jours. Ces bruits ont jeté la terreur dans la masse des habitants. Cette terreur procédait d'un bon sentiment; mais plusieurs de ceux qui jetaient l'alarme m'ont paru très suspects.

«En conséquence, j'ai pris le parti :

« 1o De faire une proclamation pour rassurer les bons;

2o De donner des ordres pour l'arrestation des orateurs, s'ils recommençaient aujourd'hui ;

« 3o De prendre des mesures pour l'évacuation des étrangers suspects qui sont à Strasbourg.

« Je vais m'occuper de mesures de finances pour assurer tous les services....., le tout en cas que les communications soient coupées avec Paris, et elles sont au moins douteuses en ce moment.

« ..... Les forces de l'ennemi qui a passé devant le fort Vauban ne sont guère que de 8,000 à 9,000 hommes; mais ils se sont répandus sur tout le pays, et se joignent avec les troupes du passage de Bâle.....

<< Enfin, il faut des secours du centre de la France, et il faut les promettre pour entretenir le zèle de cette ville-frontière 1. »

K. K. Kriegs Archiv.. I, 205, c.

Transmission défectueuse des renseignements et nouvelles. Cette pièce et la dépêche de Kellermann à Victor étaient assurément, à ce moment, des prises précieuses pour les Alliés, par cela même qu'elles contenaient toutes deux des renseignements que le généralissime et les généraux commandant les différents corps de l'armée de Bohême avaient intérêt à connaître de suite. Mais le service était si bizarrement organisé aux étatsmajors des différents corps de l'armée de Bohème, que ce fut seulement le 12 janvier (soit quatre jours plus tard) que le générallieutenant d'Aunay, chef d'état-major du VIe corps, expédiait de Rastadt ces dépèches à Schwarzenberg, dont le quartier général était alors à Vesoul. D'Aunay1 annonçait, il est vrai, au généralissime que Pahlen avait communiqué ces renseignements à Wrède. Voulait-il, de la sorte, chercher à expliquer le retard apporté à la transmission de renseignements aussi importants? Il est permis d'en douter, car il aurait vraisemblablement, dans ce cas, réussi à trouver une excuse plus plausible. Si l'on considère qu'il ne s'agit pas là d'un fait isolé, on sera bien forcé de reconnaître avec nous que les relations des différents chefs de colonnes entre eux, les rapports de ces mêmes généraux avec le généralissime étaient insuffisamment réglés, et que la transmission et l'envoi des renseignements intéressant et ces généraux et le grand quartier général se faisaient d'une manière absolument illogique et contraire aux intérêts du service.

A l'appui de notre opinion, nous citerons encore la lettre non moins importante du commissaire ordonnateur de Nancy, en date du 7 janvier, interceptée le même jour que la précédente :

«La jeune garde va se porter à Épinal, Charmes et Flavigny, et la 6o cohorte à Rambervillers, Raon-l'Étape et Saint-Dié. Une autre cohorte et d'autres troupes vont être envoyées dans les Vosges.

« Une armée de près de 100,000 hommes, composée d'un corps commandé par le duc de Trévise, de cinq corps d'infanterie et de cavalerie, des équipages militaires, ainsi que de toutes les troupes

'D'Aunay à Schwarzenberg, de Rastadt, 12 janvier, K. K. Kriegs Archiv., I, 203.

2 K. K. Kriegs Archiv., I, 284.

qui devaient aller à Mayence renforcer le corps du duc de Raguse, va être envoyée dans les départements de la Meurthe et des Vosges.

« Il sera formé des approvisionnements de vivres sur toute la ligne de Reims à Colmar, à Épinal, pour 30,000 hommes. »

Or, cette lettre, des plus importantes, puisque, à côté des exagérations manifestes et probablement intentionnelles, elle contenait des indications précieuses sur les mouvements des Français, ne fut envoyée (c'est Stscherbatoff qui se charge de nous en fournir la preuve) que le 13 janvier à Schwarzenberg.

Cette transmission tardive des renseignements peut, dans un assez grand nombre de cas peut-être, expliquer les hésitations, les lenteurs, les contre-ordres du commandement supérieur. Il faut reconnaître toutefois que la responsabilité tout entière de l'organisation défectueuse d'un service aussi important n'en retombe que plus lourdement sur le général en chef et sur ses collaborateurs immédiats, qui ont ainsi, au début de la campagne, laissé échapper des occasions exceptionnelles leur permettant de porter sans danger des coups décisifs à un adversaire hors d'état d'opposer une résistance sérieuse.

Positions et mouvements des VIe Ve et IVe corps. Pahlen occupa, le 8 janvier, avec les uhlans de Tchougouïeff, les dragons badois et quatre pièces d'artillerie à cheval, Saverne, où un de ses escadrons d'avant-garde était déjà entré depuis plus de vingt-quatre heures, et poussa ses avant-postes jusqu'aux faubourgs de Phalsbourg. Le prince Eugène de Wurtemberg, dont une des divisions était à cette date à Haguenau, envoya deux escadrons du 1er régiment de dragons badois vers Bitche pour surveiller cette place; quelques bataillons d'infanterie badoise ayant également rejoint, Wittgenstein les posta sur la rive droite. du Rhin, à Stollhofen, où ils servirent de réserve aux troupes de Gortchakoff, chargées encore de l'investissement de Kehl.

Du côté de Strasbourg, Rüdinger s'était avancé, par les routes venant de Wantzenau et de Brumath, vers la place, dont il allait

1 Stscherbatoff à Schwarzenberg, au camp près de Châtel, 13 janvier 1814. (K. K. Kriegs Archiv., I, 284.)

bientôt compléter l'investissement, et dont il surveillait déjà les abords, tandis que des troupes françaises des trois armes, sorties de la ville, prenaient position à Schiltigheim et à la Robertsau.

Au Ve corps, la brigade autrichienne Minutillo était venue. relever devant Neuf-Brisach la brigade bavaroise Maillot, qui alla, de son côté, reprendre les positions occupées sous Schlestadt par la brigade autrichienne Volkmann. Ce mouvement permit de disposer du colonel von Géramb, qui, passant avec 3 escadrons et 1 bataillon par Gerstheim, rejoignit, dans la nuit du 8 au 9, à Boofzheim, le colonel Scheibler, auquel Wrède avait donné l'ordre de se diriger sur Saverne et de se procurer des nouvelles de l'ennemi. Le lieutenant-colonel comte Alberti, qu'on avait fait partir la veille avec 2 escadrons des uhlans de Schwarzenberg, était arrivé à Molsheim et se reliait du côté de Brumath à la cavalerie du VIe corps. Le général Deroy, pointe d'avant-garde du Ve corps, était toujours à Sainte-Marie-aux-Mines, et la division Rechberg, postée plus à gauche et plus en arrière, surveillait de Kaysersberg le col du Bonhomme. On continuait à bombarder infructueusement Huningue.

Enfin, ce même jour, un aide de camp de Caulaincourt se présenta aux avant-postes de Deroy porteur d'une lettre pour Metternich. On l'amena à Colmar, à Wrède, qui transmit la lettre à Metternich et garda l'officier à Colmar. La réponse n'arriva que le 11; Metternich acceptait, en principe, la réunion à Châtillonsur-Seine d'un congrès qui devait commencer à siéger après l'arrivée de lord Castelreagh 1, mais il ne fixait aucune date pour la première séance.

Le prince royal de Wurtemberg avait passé les Vosges. Le IVe corps était cantonné depuis Fraize jusqu'à Bussang. Ses troupes légères occupaient Rupt, Ramonchamp, Ventron et Remiremont. Platoff était à Eloyes, et Stscherbatoff battait le pays entre Épinal et Charmes.

Les renseignements apportés de ce côté par les émissaires, révélaient l'existence de magasins assez considérables à Auxonne,

1 Tagebuch des bayerischen Majors Fürsten Taxis vom Feldzuge 1812-1314, hauptsächlich die bayerische Armee betreffend (autographie). (K. K. Kriegs Archiv., 1814, XIII, 32.)

2 K. K. Kriegs Archiv., I, 30 et I, 155.

la présence de Kellermann à Nancy avec 5,000 hommes, enfin, l'existence, à Nancy, d'un autre rassemblement sous les ordres de Nansouty, et composé de 5,000 hommes de cavalerie. Les émissaires ajoutaient, à ce propos, que Nansouty manquait de chevaux et avait beaucoup de malades1.

Mouvements du corps volant de Thurn et de la cavalerie du IIIe corps. Le lieutenant-colonel comte Thurn, qui, avec ses partisans, avait pris les devants du IIIe corps, avait continué à marcher vers Langres et avait eu une petite escarmouche, le 8 au soir, du côté de Cintrey, d'où il chassa les avant-postes français. Mais, comme le corps volant était trop faible pour détacher du monde vers Gray, Gyulay dut envoyer de ce côté un escadron de hussards, afin de chercher à couper les communications et à enlever des convois entre Besançon et Langres3. Gyulay, conformément aux ordres du généralissime, avait fait occuper Vesoul par la division Hohenlohe-Bartenstein; il avait cantonné la division Fresnel à droite, à gauche et en arrière de la ville. La division légère Crenneville avait poussé au delà de Vesoul, et, arrivée à Port-sur-Saône, elle s'était étendue vers sa droite jusqu'à Con

1 Rapports d'émissaires. (K. K. Kriegs Archiv., I, 155, b.)

Le lieutenant-colonel comte Thurn au feldzeugmeister comte Gyulay. Cintrey, 9 janvier 1814, six heures du matin.

« Votre Excellence m'ayant prescrit, par ordre de S. A. le prince de Schwarzenberg, de me porter au plus vite vers Langres et de chercher à y entrer, je me suis mis en route cette nuit aussitôt après l'envoi de vos avant-postes à Combeaufontaine.

«< A Cintrey, j'ai rencontré une patrouille ennemie de 15 chasseurs qui s'est retirée sur Fayl-Billot, où il y avait 1 officier et 37 chasseurs, que ma pointe d'avant-garde a surpris et délogés. L'officier qui commande mon avantgarde m'informe que plusieurs chasseurs ennemis sont blessés, qu'il a perdu un homme et qu'il pousse vers Langres, où il y aurait un général avec plusieurs dépôts.

<«< Comme je dois continuer mon mouvement sur Langres, et que je ne veux pas perdre les avantages résultant des affaires de cette nuit, je me trouve dans l'impossibilité absolue d'entreprendre quoi que ce soit contre Gray.

« J'espère enlever Langres encore aujourd'hui et me porterai ensuite, si faire se peut, sur Gray, mais je me permets de prévenir V. A. que, d'après les renseignements que j'ai recueillis, tous les convois ennemis auraient déjà quitté Gray. » (K. K. Kriegs Archiv., I, 168 a.)

3 K. K. Kriegs Archiv. Tagesbegebenheiten der Haupt Armee. (K. K. Kriegs Archiv., I, 30, et Rapport de Gyulay à Schwarzenberg, I, 168.)

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