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LA CAMPAGNE DE 1814

(d'après les documents des Archives impériales et royales de la guerre à Vienne)

LA CAVALERIE DES ARMÉES ALLIÉES

PENDANT LA CAMPAGNE DE 1814.

CHAPITRE PREMIER.

SITUATION GÉNÉRALE EN NOVEMBRE ET DÉCEMBRE 1813.

Divergence d'opinion des généraux alliés. La victoire de Hanau avait rouvert aux glorieux vaincus de Leipzig la route de France que les Austro-Bavarois de Wrède avaient vainement tenté de leur barrer. L'Empereur, momentanément rassuré sur le sort des débris de son armée qu'il allait charger de garder la rive gauche du Rhin, quittait Mayence le 2 novembre et revenait à Paris pour y organiser de nouvelles forces. Pendant ce temps les souverains alliés hésitaient, comme étonnés de la grandeur des résultats obtenus, et, ne sachant à quel parti s'arrêter, perdaient. dans des discussions stériles, dans des négociations condamnées par leur nature même à rester infructueuses, l'occasion de tirer parti de leurs avantages et de mettre, en quelques semaines, fin à la guerre qui désolait l'Europe.

Quoi qu'on ait pu alléguer depuis lors pour essayer de justifier l'inaction des Alliés, quelle que puisse être la véritable valeur des considérations militaires ou des raisons politiques invoquées pour les besoins de la cause, Blücher était évidemment dans le vrai lorsqu'il faisait écrire, le 3 novembre 1813, par Müffling, la lettre suivante adressée au général Knesebeck: « On peut maintenant se rendre compte de la position de Napoléon. Si nous

Weil,

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nous portons rapidement sur la Hollande et si nous franchissons le Rhin, la conquête de la Hollande sera chose faite avant deux mois et l'on signera une paix durable. Si nous restons au contraire sur la rive droite, si nous nous laissons arrêter par des négociations, nous aurons à faire en 1814 une rude et sanglante campagne. Napoléon est actuellement dans la situation la plus difficile et la plus critique dans laquelle il ait jamais été, dans une situation qui ne saurait devenir pire. Je suis curieux de voir comment son génie lui permettra de s'en tirer. »

Mais comme ni Müffling, ni Gneisenau, ni Pozzo di Borgo, ni Blücher ne devaient parvenir à se faire écouter, à ce moment du moins, il nous a paru indispensable de faire précéder notre travail de l'exposé sommaire de la situation réciproque des deux partis vers le milieu de novembre 1813, de chercher à y découvrir les raisons diplomatiques ou autres qui ont décidé les Alliés à violer le principe si juste posé par Clausewitz : « Le vainqueur doit toujours tendre à hâter la solution, le vaincu à la retarder1. »

II

Les Alliés se décident à suspendre les opérations. convient de reconnaître que les Alliés se trouvaient dans une position toute spéciale. Favorable dans son ensemble, surtout au point de vue militaire, elle présentait, en raison même des conditions et des tendances de la coalition, de son origine et de ses aspirations, d'innombrables difficultés. Et ce sont ces difficultés mêmes qui, se manifestant alors avec une recrudescence d'intensité, ont dù puissamment contribuer à faire prévaloir les idées de prudence exagérée, de temporisation intempestive, et à annihiler les efforts tentés par les partisans d'une offensive aussi rationnelle que peu dangereuse.

C'est ce fait que le maréchal Ney constatait quelques mois plus tard, lorsqu'on lui demanda après la signature de la paix quelle eût été la conséquence d'une continuation immédiate des opérations : « Messieurs les Alliés auraient pu compter leurs jour«nées d'étapes jusqu'à Paris. » Mais à ce moment l'influence na

1 CLAUSEWITZ, Critique stratégique de la campagne de France en 1814. 2 BERNHARDI, Toll, IV, p. 46.

turelle exercée par les intérêts essentiellement différents de chacune des puissances alliées avait repris le dessus; les menées diplomatiques l'emportaient sur les considérations militaires; la voix de Metternich et de Knesebeck imposait silence aux prières et aux réclamations de Blücher et de Gneisenau.

Il ne pouvait, d'ailleurs, en être autrement à un moment où le parti de la guerre à outrance n'avait guère pour représentants militaires, sérieux et convaincus, que le commandant et le chef d'état-major général de l'armée de Silésie. L'empereur Alexandre, lui-même, tout en étant l'àme de la coalition et bien qu'il n'eût pas abandonné un instant l'idée de répondre à l'occupation de Moscou par une entrée triomphale à Paris, avait dù céder momentanément à la pression générale. Il avait, d'ailleurs, pu remarquer un an plus tôt. lors du passage du Niémen et de la Vistule, à leur entrée en Prusse, que ses généraux trouvaient l'honneur de la Russie suffisamment vengé par l'anéantissement de la Grande Armée et la délivrance du territoire national. Quant au roi de Prusse, influencé par les conseils pacifiques de Knesebeck, il n'avait pas cessé et ne devait jamais cesser d'ètre un instrument docile entre les mains d'Alexandre. L'Angleterre, fatiguée de la guerre qu'elle soutenait depuis si longtemps, épuisée par les subsides considérables qu'elle était obligée de fournir à la coalition, aurait d'autant plus volontiers souscrit à la paix qu'elle avait, en grande partie, atteint son but et réalisé son programme. L'Autriche, certaine désormais de voir ses anciennes provinces allemandes et ses possessions italiennes lui faire retour dès que les hostilités cesseraient, ne se souciait guère de continuer une guerre dont elle savait ne pouvoir tirer aucun profit nouveau. Enfin, Bernadotte, poursuivant la réalisation de ses rêves ambitieux, se berçant du vain espoir de remplacer Napoléon sur le trône de France, se prononçait vivement contre le plan proposé par Blücher qui voulait, après avoir passé le Rhin à Mühlheim. le 15 novembre, pendant que l'armée du Nord aurait pénétré en Hollande, se porter avec son armée sur Bruxelles et continuer de là sa marche sur Paris. L'armée de Bohême devait naturellement, dans ce projet, accentuer son mouvement en avant et passer, elle

1 Caulaincourt devait écrire, le 30 janvier à Napoléon, de Châtillon : « Le ezar veut faire voir ses gardes aux Parisiens pour venger Moscou. »

aussi, sur la rive gauche du Rhin. Il est bien certain que les débris de l'armée française, échelonnés depuis Huningue jusqu'à la mer du Nord, n'auraient pu arrêter sérieusement les alliés ; l'Empereur le reconnaissait lui-même, puisqu'il écrivait le 19 novembre à Marmont : « Nous ne sommes dans ce moment-ci en mesure pour rien. »

Quoi qu'il en soit, l'habileté de Metternich, qui avait trouvé moyen de se mettre en relations avec Saint-Aignan, les insinuations perfides et intéressées de Bernadotte, qui ne contribuèrent pas peu à faire accepter ces atermoiements au czar, en lui inspirant l'idée de chercher à séparer la cause de Napoléon de celle de la France, eurent raison de la haine insatiable de Blücher, de la logique et des arguments de Gneisenau. Le maréchal VORWERTS, escomptant les ordres de marche qu'il se croyait certain de recevoir, faisait descendre, le 7 novembre, la Lahn aux corps d'York et de Sacken pour les pousser ensuite, à partir de Limburg, sur la grande route de Francfort à Cologne. Il dirigeait Langeron par Siegen et voulait le faire rallier par Saint-Priest venant de Cassel ; mais, pendant ce temps, le conseil de guerre réuni à Francfort le 7 novembre, se prononçait contre la continuation immédiate des opérations et, se basant sur l'état précaire dans lequel se trouvait surtout l'armée de Silésie, prescrivait à Blücher de revenir sur ses pas et de se charger du blocus de Mayence.

La France était momentanément sauvée; l'Empereur allait avoir le temps de faire sortir de terre de nouvelles formations, de se créer de nouvelles ressources. Aussi Napoléon n'hésita-t-il pas à accepter les offres qu'on lui fit, et il désigna Mannheim comme lieu de réunion des plénipotentiaires.

Mais si le parti de la paix avait eu un instant le dessus, les efforts de Stein et la haine de Pozzo di Borgo ne devaient pas tarder à amener bientôt un revirement presque complet. On avait reculé d'abord, au grand quartier général des Alliés, devant une offensive qui pouvait en quelques jours mettre fin à la campagne; cependant, comme on n'y voulait pas d'une paix qui n'aurait pu être durable, et comme on était décidé à reprendre les opérations dès que les troupes se seraient refaites, dès que les renforts seraient arrivés, dès que les colonnes de munitions auraient rejoint, on convint, contrairement aux prévisions de l'Empereur, de faire une campagne d'hiver.

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Proclamation du 1er décembre. D'autre part, pour priver Napoléon d'une partie de ses ressources, pendant qu'ils continuaient à négocier, les souverains alliés, se ralliant à l'idée émise par Bernadotte, tentèrent de séparer la cause de l'Empereur de celle de la France, en lançant la proclamation du 1er décembre. Ils y déclaraient nettement que : « Les puissances alliées ne font pas la guerre à la France, mais à cette prépondérance hautement annoncée, à cette prépondérance que, pour le malheur de l'Europe et de la France, l'empereur Napoléon a trop longtemps. exercée hors des limites de son empire. »

Il ne nous appartient pas d'approfondir la nature, l'étendue des pouvoirs donnés de part et d'autre aux plénipotentiaires, de chercher à démêler quelles ont été réellement les intentions, plus ou moins sincères des souverains et de leurs ministres. Nous pensons, cependant, que Napoléon (et les instructions données à Caulaincourt sont loin d'infirmer notre manière de voir) aurait à ce moment accepté une paix honorable si elle lui avait été sérieusement offerte. Dès le 10 décembre, du reste, le doute ne lui était plus permis, et la réponse faite par Metternich à Caulaincourt est là pour prouver qu'à ce moment déjà, la coalition était décidéc à amener par les armes la solution qu'elle recherchait. De son côté, Napoléon n'avait pas perdu son temps depuis son retour à Paris; grâce aux sénatus-consultes des 9 octobre et 15 novembre, il espérait tirer du pays 545,000 conscrits. C'est avec ces ressources qu'il comptait faire face à l'invasion et soutenir les trois corps de Victor, de Marmont et de Macdonald, dont les 45,000 hommes échelonnés depuis la Suisse jusqu'à la Hollande, allaient avoir à supporter, avec les quelques troupes postées en Belgique, les premières attaques des armées alliées.

Plus on examine la situation morale et matérielle des belligérants vers la mi-novembre 1813, et moins on saisit les motifs qui ont pu décider les Alliés : d'abord, à renoncer aux avantages qu'ils devaient à la victoire de Leipzig, et à se priver, comme la dernière partie de la campagne de 1815 ne devait pas tarder à le démontrer, des bénéfices certains que leur aurait assurés une offensive immédiate et vigoureuse; ensuite, à découvrir leur aile gauche en violant la neutralité de la Suisse; enfin, à faire choix d'un plan d'opérations excentrique qui avait tout au plus, pour excuse apparente, de diminuer l'étendue de la ligne d'opérations de l'armée autrichienne.

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