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à l'ennemi; c'étaient tous de vrais soldats; la troupe se plaint d'être mal payée, mal habillée. . . »

La deuxième lettre est du même jour, à 2 heures de l'aprèsmidi :

« Mon général,

« Je serai forcé, par ma position, de passer la journée la bride au bras, pour ne pas être exposé à perdre en entier ma division. L'ennemi viendra certainement en masse pour m'obliger à la retraite sur Dommartin, ce que je n'aurais pas le temps de faire si j'étais dans Gondreville, encore moins si l'ennemi arrivait par la route qui va à Pont-Saint-Vincent.

« Je dois, d'ailleurs, vous déclarer que, dans l'état actuel des chemins et du ferrage, ma cavalerie, qui peut être abordée, est plus que compromise. De ma personne, j'ai voyagé à pied depuis Nancy jusqu'ici; jugez des autres.

« Vous n'ignorez pas, mon général, que la cavalerie allemande est ferrée avec soin et que les cosaques ne le sont pas; leurs chevaux courent à merveille sur la glace.

«Ma présence ici ne fait que compromettre ma division, car, à l'approche de l'ennemi, je serai forcé de me retirer comme une simple grand'garde, et il en résultera que mes chevaux vont souffrir horriblement et que, dans quelques jours, ma division n'existera plus. Du reste, comment vivrais-je? Gondreville est ravagé à n'y pas trouver un fétu de paille. »

Il est donc bien évident que l'Empereur, au moment où il donnait aux maréchaux les ordres dont nous venons de parler, n'avait pas connaissance de l'état lamentable dans lequel se trouvaient ses troupes.

«On trompe l'Empereur; ceux qui l'approchent ne l'aiment pas et ceux qu'il a comblés d'honneurs et d'argent le trahissent; >> telles sont les paroles que l'indignation avait, quinze jours auparavant, arrachées au général Pajol, dans une lettre particulière qu'il adressait le 30 décembre 1813 à son beau-frère, Victor Oudinot', lettre à l'aide de laquelle on s'explique aussi certaines

1 Cette lettre est absolument inédite puisqu'elle a été prise par la cavalerie du IV corps à la poste de Colombey, le 28 janvier 1814, avant d'avoir été remise à destination. Le manque de place nous oblige, à notre grand regret, de résister au plaisir que nous aurions à reproduire ici cette lettre, qui figure au

des erreurs commises à ce moment par Napoléon, erreurs que son génie allait lui permettre de réparer, dans la limite du possible, dès que, arrivé à l'armée, il n'en sera plus réduit à ne voir que par les yeux des autres.

La manière d'opérer des Alliés n'en est, en revanche, que plus incompréhensible, et, malgré la lenteur de leur marche, malgré la timidité peut-être voulue de certains de leurs généraux de cavalerie, on ne parvient pas à s'expliquer leur profonde ignorance et des mouvements et de la situation précaire des quelques troupes qu'on leur avait opposées.

15 janvier. Cavalerie du VIe corps à Sarrebourg. Wittgenstein, en effet, continuait à se laisser arrêter comme à plaisir par les quelques éclopés qui défendaient Phalsbourg, Bitche et les petites places de la Petite-Pierre et de Lichtenberg, qu'il aurait pu, sans le moindre danger, laisser derrière lui en se contentant de les faire observer. En agissant de la sorte, il lui eût été, dès le 5 ou le 6 janvier, possible de porter Pahlen en avant. Il pouvait le faire d'autant plus résolument, à partir du 15, que le détachement du général Seslavin arriva ce jour-là à Saverne. Malgré cela, la cavalerie du VIe corps ne dépassa guère Sarrebourg, bien qu'elle n'y eût naturellement rencontré personne, et se borna à surveiller timidement la route de Blamont et celle de Phalsbourg à Nancy par Fénestrange', en envoyant toutefois quelques coureurs jusqu'à Lunéville.

La cavalerie du Ve corps, à Bayon, se relie par ses partis avec les coureurs de Blücher. Évacuation de Nancy par les Français. L'avant-garde du Ve corps, quoique n'ayant plus rien devant elle depuis la retraite de Victor, ne poussa, le 14, que jusqu'à Bayon; ses coureurs seuls allèrent jusqu'à Nancy, et un petit parti de cavalerie, sous les ordres du capitaine baron

K. K. Kriegs Archiv. sous le n° 629 du premier fascicule de 1814, et qui, bien que d'un caractère absolument intime, est, depuis le premier mot jusqu'au dernier, l'expression du patriotisme le plus pur et dépeint bien les sentiments du général qui devait, quoique souffrant encore de blessures à peine fermées, charger un mois plus tard à la tête de sa division et se couvrir de gloire en enlevant aux Wurtembergeois le pont de Montereau.

↑ Wittgenstein à Schwarzenberg, 13 janvier (K, K. Kriegs Archiv., ad 1,493).

von Grafenreuth, du 5e régiment de chevau-légers, qui s'était porté sur Lunéville, rencontra, au nord de cette ville, une patrouille du corps Sacken. Cet officier informa aussitôt Wrède de l'arrivée à Château-Salins, depuis le 14, du général Sacken et d'une division de dragons. Wrède', en transmettant ces nouvelles à Schwarzenberg, ajoutait que la levée en masse n'avait pu se faire dans le département de la Meurthe; qu'on disait à Lunéville que la garde était entre Paris et Châlons, où l'Empereur rassemblait des troupes pour livrer bataille; enfin, que Marmont se repliait de son côté de Metz sur Châlons. Le commandant du Ve corps terminait sa dépêche en annonçant au généralissime qu'il porterait, le 18, sa gauche à Mirecourt, sa droite à Colombeyaux-Belles-Femmes (Colombey-les-Belles), et qu'il serait, le 19, à hauteur de Neufchâteau.

Il avait, ce jour même, transféré son quartier général de Colmar à Saint-Dié et avait eu, dès sa sortie de Colmar et pendant sa route, à essuyer à plusieurs reprises les coups de feu de francstireurs, qui, embusqués dans les bois voisins de la route suivie par les colonnes, tiraient de là sur le général, sur son escorte, sur les isolés, les traînards et les convois2.

La nouvelle de l'évacuation de Nancy par les Français était encore confirmée à Schwarzenberg par une dépêche de Stscherbatoff', qui écrivit au prince après avoir été rejoint à Vézelise. par un officier du général prince de Biron. Ce dernier avait, en outre, fait part à Stscherbatoff de l'abandon, par les Français, du pont de Flavigny, de la continuation de leur retraite sur Toul, point vers lequel Stscherbatoff comptait se diriger dès le 16 au matin.

Conformément aux ordres que lui avait donnés le généralissime. Wrede avait dissous, à partir du 15, le corps volant du colonel Scheibler et envoyé son aide de camp, le prince Thurn et Taxis, communiquer au feld-maréchal Blücher et au général comte Pahlen les instructions de Schwarzenberg, qui prescrivait au Ve corps d'avoir à se porter sur Neufchâteau, pour donner, de là,

1 Wrede à Schwarzenberg, Saint-Dié, 16 janvier (Ibid., ad I, 371).

* HEILMANN, Feld-Marschall Fürst Wrede, p. 327.

3 Stscherbatoff à Schwarzenberg, Vézelise, 15 janvier (K. K. Kriegs Archiv., 1. 344).

la main à Blücher arrêté devant Metz. Wrède, en confirmant, dans la dépêche qu'il adressait à Schwarzenberg, l'évacuation de Lunéville et la retraite des Français, était obligé de reconnaître que. dans ce pays, il lui était très difficile de se procurer des émissaires1.

Caractère des relations existant entre les généraux alliés. Puisque nous venons, à propos de cette dépêche, de parler de l'envoi du major prince Thurn et Taxis auprès de Blücher, il nous semble qu'il serait à propos d'insister quelque peu sur la nature des relations des généraux alliés entre eux.

La correspondance échangée à cette époque entre les principaux généraux alliés est, en effet, d'autant plus curieuse à consulter qu'elle permet de se rendre un compte exact des tiraillements qui n'ont cessé d'exister entre eux pendant tout le cours de la campagne.

Presque dès le début des opérations, Wrède critique en termes des plus vifs les mesures prises par Schwarzenberg, mesures qui, comme nous l'avons dit, réduisaient l'effectif du Ve corps présent le 15 janvier à moins de 30,000 hommes, par suite des détachements que le généralissime avait obligé le général bavarois à laisser devant Schlestadt, Huningue et Neuf-Brisach, places qui tinrent bon jusqu'à l'armistice. Ces tiraillements menaçaient de tourner à l'aigre, et, seul, le tact de Schwarzenberg réussit à calmer, quoique en partie seulement, la susceptibilité de Wrède.

L'historiographe de Wrède, le général major Heilmann est luimême obligé de le reconnaître et de citer la lettre que Schwarzenberg adressait, à ce propos, au vaincu de Hanau, le 15 janvier : « Ce n'est pas pour moi une tâche aisée que celle qui consiste à concilier les différentes manières de voir, les intérêts divers qui se manifestent et se produisent forcément dans toute armée alliée. »

Le général Heilmann, en approuvant les paroles de Schwarzenberg, constate, d'ailleurs, que Wrède se considérait comme l'égal et non comme le subordonné du prince de Schwarzenberg, et que, dans sa correspondance avec le généralissime, il n'employait

1 Wrède à Schwarzenberg, de Saint-Dié, 15 janvier (K. K. Kriegs Archiv., I, 343).

jamais les mots respectueusement ou obéissant, et se contentait de la simple formule de : J'ai l'honneur.

Le général Heilmann signale également les velléités d'indépendance manifestées par Wrède, qui, aussitôt après avoir passé le Rhin, s'était mis à correspondre directement avec Blücher. Il lui avait fait part de ses critiques et de ses plaintes, motivées, il est vrai, par la lenteur imprimée aux opérations, par la légèreté et l'inconséquence qui régnaient au quartier général de Schwarzenberg, et lui avait manifesté le désir d'opérer de concert avec lui. On doit même reconnaître que Blücher parut, dans le principe, approuver et encourager l'attitude de Wrède, et c'est ainsi qu'il lui écrivait de Cusel, à la date du 7 janvier :

« Votre Excellence m'a fait connaître, par l'entremise du major prince de Thurn et Taxis, qu'Elle désirait opérer de concert avec moi contre l'ennemi. Je suis, de mon côté, tout prêt à accepter votre concours, et Votre Excellence, après avoir pris connaissance de ma position actuelle, ne manquera certainement pas d'exécuter certains mouvements dont je La prie de m'informer. D'après tous les renseignements que je possède, l'ennemi est dans une situation des plus critiques, situation qui nous invite à lui livrer bataille, d'autant mieux qu'en raison de la grande supériorité de notre cavalerie, une bataille perdue ou indécise ne saurait avoir pour nous de conséquences fatales, tandis que l'ennemi, au contraire, sera obligé de tout mettre en jeu et de tout risquer. J'ai prescrit au général d'infanterie von Sacken de chercher à se relier par Bitche ou par Saarwerden avec le corps du comte Wittgenstein. »>

Dès que Schwarzenberg eut connaissance de la correspondance échangée à son insu entre Blücher et Wrède, de l'intention nettement manifestée par le général bavarois d'agir absolument à sa guise, il fit savoir à Blücher, nous dit le général Heilmann, qu'il avait formellement interdit à Wrède d'accentuer davantage son mouvement vers la droite, qu'il lui avait notifié l'ordre d'avoir à se considérer comme une partie intégrante de la grande armée, et d'avoir, par suite, à se relier à elle. Cette déclaration de Schwarzenberg devait mettre fin à un état de choses inadmissible et obligea Wrède à calmer ses velléités d'indépendance. Wrède, en effet, en expédiant, le 15 janvier, le prince de Thurn et Taxis au quartier général de Blücher, n'osa pas se dispenser d'en rendre compte dans les termes suivants : « Je viens d'envoyer mon aide

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