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famille, comme dit Milton, les attachent aux institutions et aux lois de leur pays; ils sont citoyens sans cesser d'être membres du sacerdoce. Ils tiennent à la société par des liens indissolubles, et en prêchant la morale évangélique, ils donnent l'exemple de toutes les vertus.

A l'époque où le célibat des prêtres fut confirmé, les déchirements de l'Église annonçaient la décadence de la papauté. Ce fut pour retenir dans ses intérêts une milice innombrable que la cour de Rome conçut l'idée d'isoler les prêtres et les moines, de les séparer de la société, et de réunir toutes leurs pensées et toutes leurs affections sur un chef étranger. Nous devons à cette politique les guerres religieuses, les excès du fanatisme, peut-être même ceux de la révolution. On ne s'écarte jamais impunément de la loi naturelle.

Une chose digne de remarque, c'est que, depuis l'abolition des vœux monastiques et la destruction des milliers de couvents dont la France était surchargée, les mœurs privées ont fait de grands progrès et s'améliorent de jour en jour. On voit moins de célibataires; les devoirs de la familie ne sont plus tournés en ridicule; les liens de la société se resserrent, et des vertus réelles ont remplacé des vertus de convention.

Le célibat des prêtres n'a point été prescrit par une loi formelle de la Divinité. C'est un point de discipline qui peut être mis en délibération, et réformé sans qu'il en résulte aucun inconvénient pour le dogme et la morale. « Le célibat des prêtres, dit l'abbé de Saint-Pierre, n'est point essentiel à la religion chrétienne, il n'a jamais été regardé comme un des fondements du schisme qui nous sépare des Grecs et des protestants. Ainsi l'Église, ayant le pou. voir de changer tous les points de discipline d'institution humaine, si les États de l'Église catholique recevaient de grands avantages, de rentrer dans cette ancienne liberté, sans en recevoir aucun dommage effectif, il serait à souhaiter que cela fût. La question de ces avantages est moins théologique que politique, et regarde plus les souverains que l'Église qui n'aura qu'à prononcer. >>

Ces réflexions de l'abbé de Saint-Pierre sont excellentes, et il résulterait de grands avantages pour les peuples et pour les rois de l'abolition du célibat ecclésiastique. L'opinion à cet égard est parfaitement éclairée; mais le grand obstacle est dans la politique de la cour de Rome, qui, toujours soumise au même ordre d'idées, ne s'écarte point du système adopté dans des siècles moins éclairés. Un jour viendra peut-être, où de vieux préjugés, de vieilles pensées de domination, feront place à des vues plus saines et plus religieuses.

A. JAY.

Les couvents se multiplient en France, et peu s'en faut qu'aujourd'hui les communautés de femmes ne renferment un personnel aussi nombreux qu'avant la révolution de 1789, qui les a supprimés. Il est vrai que l'on peut en sortir à volonté, quand on ne se croit pas lié par les vœux qu'on y fait prêter, et que la loi ne sanctionne pas.

Mais la question la plus importante, celle qui divise le plus les esprits, c'est de savoir si l'on pourrait permettre le mariage aux prétres catholiques. On croit qu'il y aurait les plus grands dangers, à moins qu'on n'interdise la confession des personnes du sexe aux prétres non sexagénaires. Ces prêtres sont ordinairement sans patrimoine, ils pourraient chercher à corrompre les jeunes héritières ou les veuves pour devenir leurs époux : la confession auriculaire présente déjà tant de dangers aux familles, lorsqu'elle devient fréquente!

Il n'est pas exact de dire que le mariage n'a été interdit aux prêtres catholiques que depuis le concile général de Trente, dont la disposition date de novembre 1563. Cette interdiction absolue remonte au quatrième, concile général de Latran tenu dans le moyen âge, en 1215. Elle avait été portée, auparavant, mais plus ou moins éludée: l'état de l'Europe pouvait justifier cette mesure au moyen âge; l'oppression résultait du servage général, et le joug féodal ne permettait la lutte qu'à ceux qui, n'ayant pas de famille, pouvaient, en se déplaçant, échapper à la tyrannie des hommes de fer.

Mais depuis que les lois ont repris le dessus sur la force, y a-t-il même utilité dans cette loi de pure discipline ? Les prêtres ne donneraient-ils pas de meilleurs exemples, s'ils étaient mariés, et les mœurs publiques n'auraient-elles pas à s'en applaudir, comme dans les pays protestants et dans les pays régis par la religion grecque orientale, où le mariage n'est interdit qu'aux évêques?

Ce sont les prêtres les plus âgés et les plus vertueux qui, dans les conciles généraux, ont combattu les propositions de la cour de Rome, appuyées par le jeune clergé, pour établir la loi du célibat.

Le concile de Trente s'exprime ainsi, en parlant du sacrement de mariage, canon 9:

« Si quelqu'un dit que les clercs revêtus « des ordres sacrés, ou les réguliers qui ont a fait vœu solennel de chasteté, peuvent con<< tracter mariage, et que ce contrat est valable, << malgré la loi ecclésiastique, ou le vœu; et << que la prohibition n'est qu'une condamna«<tion du mariage, lequel est une faculté ou« verte à tous ceux qui ne sentent pas en eux << le don de chasteté, même après l'avoir fait, qu'il soit anathème, puisque Dieu ne refuse a pas, à ceux qui le demandent régulièrement,

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CÉLIBAT - CELTES «<le mariage, et ne permet pas que nous soyons tentés au delà de notre pouvoir.

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Et le concile s'appuie sur la première épître aux Corinthiens, X, 13, passage qui n'a aucun rapport au mariage, dont saint Paul a parlé ailleurs en termes très-explicites, en n'interdisant aux évêques que la polygamie.

La loi du célibat est, en effet, contraire à ce texte de la Genèse : croissez et multipliez, et à la loi naturelle, dont la religion ne peut être que la sanction. Il n'y a pas un mot dans les évangiles, qui donne à penser que JésusChrist ait interdit le mariage à ses disciples (qui étaient mariés) et à leurs successeurs; et l'on ose représenter comme infâme l'opinion qui demande le rapport d'une règle purement disciplinaire, reconnue comme telle en 1802, lors de la discussion du code civil et de la loi organique du concordat!

Aujourd'hui qu'une des chambres de la cour de cassation a, contre l'opinion de son procureur général, M. Dupin, jugé que la loi organi. que du concordat avait, en ce qui concerne les prêtres, aboli les lois de 1789 et de 1790, qui ont aboli en France les vœux perpétuels, et qu'ainsi les officiers de l'état civil pourraient refuser de célébrer les mariages des prêtres catholiques, la question n'est pas résolue; car aucun tribunal n'a encore jugé que le mariage contracté, en violation du vou, était nul et les enfants bâtards; beaucoup d'officiers de l'état civil ont marié des prêtres catholiques, en fermant les yeux sur leur qualité, et il ne paraît pas que les prêtres qui usent du droit consacré par la charte d'abjurer le catholicisme, pour embrasser la religion protestante, puissent être enchaînés par une qualité à laquelle ils auraient renoncé, et qu'ils soient justiciables autrement que de l'opinion publique, que de leur conscience.

Autrefois les protestants ne voulaient pas recevoir parmi leurs pasteurs des prêtres catholiques ayant abjuré; il paraît qu'il n'en est plus ainsi une discussion parlementaire en 1846 a fait connaître que le gouvernement ne s'y opposait pas, mais qu'il empêchait l'ancien prêtre catholique de célébrer le culte protestant dans la paroisse où il avait officié comme ministre de l'église catholique romaine. Peut-être vaudrait-il mieux abandonner ces questions à l'opinion des citoyens, qui sont les maîtres de choisir leurs pasteurs.

ISAMBERT.

CELLAIRE. ( Histoire naturelle.) Genre de polypiers créé par Pallas, subdivisé par de Lamarck, Lamouroux, MM. de Blainville, Nordmann, etc., et qui est devenu une famille distincte, dont les genres principaux sont ceux des CELLAIRES et des FLUSTRES (Voy. ce dernier mot). Les cellaires sont des animaux marins tentaculés, à polypiers membraneux,

divisés en loges articulées ou jointes entre elles, et dans chacune desquelles réside un polype. Les espèces qui vivent actuellement sont répandues dans presque toutes les mers; il s'en trouve à l'état fossile dans les terrains qui renferment des productions marines.

De Lamarck, Animaux sans vertébres.
Lamouroux, Polypiers.

De Blainville, Manuel de Zoophytologie et Die-
tionnaire des sciences naturelles, t. LX, 1830.
E. DESMAREST.

CELLEPORE. (Histoire naturelle. ) De Lamarck avait créé sous ce nom un genre de polypiers, dont les naturalistes modernes ont fait une petite famille, partagée en cellepores proprement dits et tubipores. Les cellepores comprennent des espèces remarquables par leurs cellules plus ou moins ellipsoïdes, presque verticales et irrégulièrement amoncelées les unes sur les autres : il en résulte que la surface des polypiers est très-inégale, et que les cellules sont disposées sur plusieurs étages; aussi la masse totale peut-elle devenir considérable. Les cellepores habitent presque toutes les mers; on en connaît une trentaine d'espèces.

De Lamarck, Animaux sans vertèbres.

E. DESMAREST.

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CELTES. (Histoire.) La race celtique est une de ces populations primitives qui se répandirent autrefois sur la surface du globe, et dont l'origine se rattache aux premiers souvenirs de l'histoire du monde. Cette grande famille a peuplé les contrées centrales et occi. dentales de l'Europe; elle en a été dépouillée par d'autres races barbares et par la conquête romaine, et refoulée aux extrémités de l'Occident, dans des forêts et des montagnes, où les vainqueurs ne purent jamais les forcer. Aujourd'hui, les débris de ce grand peuple, réfugiés dans la Bretagne, dans le pays de Galles, en Écosse et en Irlande, conservent encore leurs traditions, leurs mœurs antiques, et sont restés l'image vivante de ce que leurs ancêtres furent autrefois. Mais les souvenirs du passé ont presque tous disparu, et l'histoire de cette race est aujourd'hui bien incertaine. Les an

ciens ne nous ont conservé que de rares indications, auxquelles la critique moderne a ajouté toutes les lumières de la linguistique. C'est avec des preuves tirées de l'histoire des langues, et même de la conformation physique des races, que M. Amédée Thierry, dans son Histoire des Gaulois, a éclairci les origines de la race celtique.

La population primitive des Gaules était divisée en race gallique et en race kimbrique. Les Kymri et les Galles ou Celtes sont regardés par les historiens anciens, Plutarque, Appien, Strabon, Diodore de Sicile, comme étant de la même famille. De plus, il est démontré que les Cimbres sont les mêmes que les Cimmériens des Palus-Méotides; les Celtes se trouvent par là rattachés aux Cimmériens; et ces trois noms, Celtes, Cimbres et Cimmériens, représentent des peuples frères. Ces tribus errèrent d'abord dans les immenses plaines qui s'étendent entre la Caspienne, le Pont-Euxin, le Tyras (Dniester ) et la mer du Nord. C'est dans ces limites que les anciens placent d'abord la Celtique, mettant en face la Scythie, dont les tribus combattent et poursuivent les Celtes et les Cimbres. La Celtique s'éloigne ensuite de l'Orient, où elle a pris naissance, et elle ne s'arrête dans ce déplacement successif que sur les bords de l'Océan. Dans cette longue marche, depuis la Caspienne jusqu'à l'Atlantique, les Celtes ont laissé derrière eux de nombreuses traces de leur passage. Les Cimbres, dans la presqu'île danoise; les Boiens, dans la forêt Hercynienne; les Scordisces et les Taurins, sur le Danube, et beaucoup d'autres, sont autant de Celtes restés derrière la masse de la nation, qui vint se concentrer dans la Gaule. Les Cimbres s'étendirent dans la Belgique et la Grande-Bretagne, où les habitants du pays de Galles s'appellent encore Cymrn.

Les Galles ou Celtes se répandirent dans le reste de la Gaule. A différentes reprises, plusieurs tribus celtiques recommencèrent en sens inverse le voyage que toute la nation avait fait, et émigrèrent vers l'est les unes rentrèrent dans la vallée du Danube; les autres allèrent en Asie Mineure, et y fondèrent le royaume des Galates; d'autres, passant les Alpes, établirent une Gaule en Italie. C'est là que les Romains rencontrèrent d'abord les Gaulois. Après les avoir vaincus dans la Cisalpine, ils les poursuivirent dans la véritable Gaule. Les tribus celtiques résistèrent avec héroïsme; elles s'unirent à Annibal; partout elles combattirent avec opiniâtreté le génie grec et romain. Mais, épuisée par cette longue lutte, la nation gauloise tomba en décadence au second siècle avant l'ère chrétienne; les chevaliers et les prêtres, c'est-à-dire les ordres prépondérants dans chaque tribu, se disputè.

rent la souveraineté, et bientôt César parut pour les mettre d'accord en les subjuguant. Il trouva la Gaule divisée en trois régions : la Belgique au nord, la Celtique au centre, l'Aquitaine au sud.

La Celtique était peuplée par les tribus celtiques ou galliques proprement dites. Elle était circonscrite par l'Océan, depuis la Garonne jusqu'à la Seine, à l'ouest et au nordouest; par la Seine, la haute Marne et les Vosges, au nord-est; par le Rhin et les Alpes à l'est; par la Durance, le Rhône, le golfe de Lion, les Pyrénées orientales et la Garonne au sud. Déjà les Romains s'étaient emparés d'une partie de cette contrée, et en avaient fait la Narbonnaise. Les Celtes étaient divisés en grandes tribus gouvernées soit par des rois, soit par l'aristocratie des prêtres ou des guerriers. Ces tribus empruntaient presque toutes leur nom à la configuration du pays qu'elles habitaient; le mot celte lui-même (ceilt) veut dire habitant des forêts. Les tribus principales étaient les Helvétiens, entre les Alpes et le Jura; les Séquanais, entre le Jura et la Saône; entre la Saône et la Loire, les Éduens, qui dominaient les Ambarres, les Ségusiens et les Bituriges; les Arvernes, peuple des montagnes, qui avaient pour clients un grand nombre d'autres peuples; entre la Loire et la Garonne: les Santons, les Lémovices, les Pétrocoriens, les Pictons; entre la Loire et la Seine: les Venètes, les Unelles, les Redons, les Cénomans, etc.; et, sur les bords de ces deux fleuves, les Andegaves, les Carnutes, les Turons, les Senons, les Meldes et les Parisiens.

Toutes ces tribus celtes furent soumises par César, ainsi que les Belges d'origine cimbrique. Dès lors, avec leur indépendance, les Gaulois perdirent leurs mœurs, leurs coutumes, leur langue et leur religion. Ils se firent Romains. L'ile de Bretagne fut le seul lieu où se conservèrent leurs antiques traditions. Les druides s'y réfugièrent avec leur religion, leur langue et leurs mœurs; et aujourd'hui, dans quelques contrées de l'Angleterre et de l'Écosse, et à l'extrémité de notre Breta. gne, ces débris des Celtes se maintiennent encore, à peu près purs de tout mélange étranger.

D'Anville, Notice de l'ancienne Gaule, 1825, in-4°. L'abbé Lebeuf, Recueil de divers écrits pour servir d'éclaircissement à l'histoire de France, et de supplément à la Notice des Gaules; 1738, 2 vol. in-12. Walckenaer, Géographie ancienne historique et comparée des Gaules; 1839, 3 vol. in-8°.

Dom Martin, Éclaircissements historiques sur les origines celtiques et gauloises ; 1744, in-12. — Histoire des Gaules; 1752, 2 vol. in-4°.

Pellontier, Histoire des Celtes; 1740-50, 2 vol. in-12; 2e édit., revue par Chiniac de la Bastide, 1770-71, 2 vol. in-4°.

Picot (J.), Histoire des Gaulois; 1804, 3 vol. in-8°. Amédée Thierry, Histoire des Gaulois; se édit,

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CELTIQUES (Langues). Les Grecs donnè. rent aux habitants de l'ouest de l'Europe le nom de Keλtoi, dont nous avons fait Celtes. Le nom moderne a toutefois moins d'extension que n'en avait celui d'où il dérive, et par langues celtiques nous entendons seulement les idiomes que parlaient, avant l'invasion des Romains, les habitants de la Gaule et ceux des îles Britanniques.

Tacite nous apprend que les Bretons insulaires et les Gaulois ne différaient que fort peu sous le rapport de la langue, et Ptolémée remarque de son côté que les noms propres d'homme et de lieu présentaient une grande conformité chez les peuples d'Albion et sur une partie du continent.

La langue des Celtes était du reste pour une oreille romaine rude et barbare; aussi Quintilien dit-il que, dans la bouche de ses compatriotes, les termes gaulois se trouvaient tout à fait défigurés, adoucis qu'ils étaient par des organes qui ne se pliaient pas à leur rudesse. Ovide et l'empereur Julien ne trouvent pas d'autre point de comparaison, pour donner une idée de la prononciation de nos ancêtres, que le mugissement des bêtes et le croassement des corbeaux.

Malgré cette opinion peu respectueuse des anciens à l'égard du celtique, dom Pezron soutient que la langue des Titans, de Saturne, « de Jupiter et des autres grands dieux de l'antiquité païenne, a été la même que celle des « Celtes ou Gaulois. »

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Samuel Bochart trouve entre le breton et les idiomes sémitiques une telle ressemblance, qu'elle ne saurait être, selon lui, l'effet du hasard. Dans ses Œuvres (1), il donne un recueil de mots celtiques, qu'il explique, d'une manière pen satisfaisante, il est vrai, par l'hébreu, le chaldéen et le phénicien. A l'aide d'étymologies encore plus forcées et de rapports encore moins réels, le Brigant veut retrouver dans toutes les langues du globe, sans en excepter celles des indigènes de l'Océanie, des traces du celtique, dont il n'hésite pas à faire en conséquence la langue primitive.

Si nous laissons de côté l'ibérien ou basque, qui s'étendit autrefois en deçà des Pyrénées, sur une notable portion du midi de la Gaule, mais dont le caractère s'éloigne beaucoup de celui des langues qui nous occupent, nous verrons que celles-ci présentent deux branches principales. La branche gaële, la plus ancienne des deux, était répandue dans l'est et le midi de notre patrie, où elle n'a laissé, du reste, que de légères traces, dans les quelques

(1) Leyde, 1678, 2 vol. in-fo.

racines qu'elle y a léguées au provençal, par exemple, tandis qu'elle subsiste encore sur le sof des Iles-Britanniques, dans l'albanakh ou erse de la haute Écosse, dans le manks de l'île de Man, et dans l'érinakh de l'Irlande. Au moyen de la nomenclature géographique, on peut en outre suivre la trace de son ancienne existence dans la basse Écosse et en Angleterre. La branche bretonne, kymrique ou kumbrique, qui semble se rattacher, par son nom, aux Cim. mériens de Crimée et aux Cimbres dont la défaite illustra Marius, dominait dans le nord et l'ouest de la Gaule. Cette dernière n'existe plus sur le continent, depuis les conquêtes des Francs et des Romains, que chez les antiques populations de l'Armorique, dans le brezounec, breyzad ou bas-breton. En Angleterre, après avoir d'abord supplanté le gaël, elle s'est trouvée à son tour, à la suite de l'invasion des Saxons, reléguée aux extrémités méridionale et occidentale de l'tle, dans la Cornouaille et le pays de Galles. En ce moment, elle n'y subsiste plus que dans le cymraëg ou kymraig de ce dernier pays, le cornique étant éteint depuis à peu près un siècle.

On est assez généralement d'accord aujourd'hui pour rapporter les langues celtiques à la souche indo-européenne. Schlegel a pourtant énoncé des doutes sur cette parenté; et M. Pott soutient encore (1) que, bien que fortement mêlées d'éléments sanscrits, elles ont une base tout à fait indépendante de la famille indienne. La proportion inégale dans laquelle cet élément indigène se trouve mélangé au fonds que le celtique a en commun avec les langues germaniques, par exemple, forme un des traits principaux qui établissent la distinction des deux branches que nous avons reconnues, l'élément indo-européen occupant plus de place dans la branche bretonne que dans l'autre. C'est en raison de la rareté de cet élément dans les idiomes gaëls que ceux-ci sont plus rapprochés entre eux que ne le sont les idiomes bretons, parmi lesquels l'armoricain par l'abondance des ruines étrangères, est celui de tous qui s'éloigne le plus du celtique pur. Disons, toutefois, qu'une partie des différences qu'on remarque à la lecture est plus apparente que réelle, et qu'elle disparaî trait si les mêmes sons étaient exprimés par écrit de la même manière dans les deux pays.

Quoi qu'il en soit, c'est moins par les racines que par le système grammatical que diffèrent les uns des autres les idiomes celtiques. Le caractère le plus général consiste dans l'importance du rôle que joue dans tous la permutation des consonnes, et une des différences les plus essentielles est l'existence en gaël de la déclinaison avec des désinences particu

(1) Etymologische Forschungen.

lières, du moins pour trois cas, tandis qu'en breton les rapports des noms ne sont exprimés que par les prépositions. Un autre trait non moius caractéristique, c'est que la voix passive se forme, dans les idiomes de la première branche, au moyen de flexions, et dans ceux de la seconde à l'aide d'auxiliaires.

Nous allons, dans le reste de cet article, nous occuper plus particulièrement du celtobreton ou armoricain, renvoyant, pour les détails analogues sur les autres dialectes, à l'article particulier du pays où chacun d'eux a

cours.

La langue celtique disparut graduellement des autres parties de la France, mais réussit à se maintenir dans les cantons reculés de l'Armorique, où elle continua à régner longtemps sans rivale, tandis qu'ailleurs elle était traitée avec le plus grand dédain. Au septième siècle, saint Éloy et Grégoire de Tours ne la nomment que la langue rustique et villageoise. Cependant, en 843, les évêques bretons firent payer cher à leur métropolitain le mépris qu'il faisait de leur langue : ils refusèrent de reconnaître sa juridiction par le seul motif qu'il ne parlait pas breton. Nous voyons plus tard, en 1742, intervenir une déclaration du roi qui exclut formellement du concours pour les cures de la basse Bretagne les ecclésiastiques qui ignorent l'idiome particulier du pays.

Parlé encore à l'exclusion du français dans les campagnes et dans les petites villes de la basse Bretagne, le celto-breton est la langue d'une population de trois cent mille âmes, répandue dans tout le département du Finistère et dans une grande partie de ceux des Côtesdu-Nord et du Morbihan. Il a modifié par son génie particulier les emprunts qu'il a fails aux langues des Romains et des Francs; et l'on y reconnaît toujours avec leur signification première tous les mots cités comme celtiques par les écrivains de l'antiquité. Quand les Bre. tons insulaires vinrent, au cinquième siècle, chercher dans la Bretagne continentale un asile contre l'oppression des Anglo-Saxons, conquérants de leur pays, ils y retrouvèrent avec une seconde patrie leur langue maternelle. Dès le siècle suivant, le celto-breton était tel qu'il est aujourd'hui. On y distingue quatre dialectes, dont le plus pur et le plus concis est celui de Tréguier, dit Trécorien ou breton-bretonnant. Celui de Vannes est, au contraire, le plus corrompu. Celui de Saint-Pol-de-Léon, remarquable par sa régularité et sa douceur, est toutefois celui de tous qui a le plus subi l'influence du latin. Le quatrième, celui de la Cornouaille française ou de Quimper-Corentin, est dur et aspiré. Les nuances particulières à chaque dialecte consistent principalement dans la terminaison des infinitifs et dans celle de quelques noms. Il y a aussi des con

tractions et des permutations de lettres qui tiennent à un accent fort, capricieux et variant de canton à canton. Les manuscrits bretons sont écrits en caractères latins, soit purs, soit entremêlés de lettres saxonnes. Il règne dans l'orthographe une grande incertitude.

La langue celto-bretonne possède une littérature qui n'est pas aussi pauvre qu'on pourrait le supposer. Ses premiers monuments sont toutefois perdus. On sait que l'histoire, les institutions politiques, les dogmes religieux des Celtes se trouvaient consignés dans des vers que l'on confiait à la mémoire, mais qui ne s'écrivaient pas. Diodore de Sicile, parlant du style des Gaulois, nous dit qu'il était concis et énergique, mais rempli d'hyperboles : il dit encore que leurs vers ne manquaient ni de grâce ni d'harmonie. Les chanteurs populaires bretons ont sauvé de l'oubli quelques débris des poésies des anciens bardes gaulois, dont ils ont même perpétué le nom. Les bardes conservèrent dans leurs compositions le caractère primitif jusqu'à l'arrivée en Armorique des chrétiens de la Grande Bretagne, parmi lesquels était saint Magloire, et qui vinrent, aux cinquième et sixième siècles, apporter à leurs frères du continent des croyances et des inspirations d'un ordre nouveau. Les chants que l'on répète encore dans les fêtes de village et aux veillées peuvent se partager en trois classes, savoir les chants historiques, les chants religieux et les chants d'amour. La versification y est basée sur la mesure et la rime. Les vers ont jusqu'à quinze syllabes, et sont ordinairement partagés en deux hémistiches. Ces chants sont loin du reste de constituer les seuls monuments de la littérature bretonne, qui avait, au contraire, déjà pris un essor remarquable à une époque où, encore étrangère à la France, la Bretagne était complétement vierge de l'influence de notre langue. Les trouvères du treizième siècle prirent souvent pour modèles les anciens lais bretons.

Les célèbres Prophéties de Guinclan, barde du pays de Tréguier, datent de 450, suivant les uns, de 240, suivant les autres. La Vie du roi Érech fut composée en vers bretons vers 480, et les lois du bon Hoël remontent à l'an 510. Au huitième siècle, parut le Brut brenhined, chronique royale, écrite en vers bretons, que Geoffroy de Montmouth mit en latin vers 1140, et qui a servi de fond à tous les romans de laTable ronde. Au quinzième siècle, Anne de Bretagne fit traduire le Nouveau Testament en breton. Parmi les autres monuments littéraires de la même époque, on trouve une tragédie sacrée, La Prise de Jérusalem, et une comédie intitulée les Amourettes du Vieillard. Une autre tragédie en vers bretons, dont le sujet est la passion et la résurrection de N. S. J. C., fut imprimée à Paris en 1530. En 1570, on im

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