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L'un, dans son avarice immonde,

De l'or corrompt la pureté;
L'autre corrompt la vérité,

Qui vaut tous les trésors du monde.

Quatre jours après le 18 brumaire, le 22 (13 novembre 1799), le Vaudeville célébra les événements, dans un à-propos fait et appris en vingt-quatre heures, et intitulé: la Girouette de Saint-Cloud. Le couplet d'annonce était ainsi conçu :

D'un fait qui vivra dans l'histoire,
Tout à l'heure on vous parlera;
Et si nous manquons de mémoire,
Aucun de vous n'en manquera.
Cette pièce, avant d'être prête,
Fut annoncée aux spectateurs :
L'ouvrage est mal dans notre tête,
Mais le sujet est dans vos cœurs.

Les deux couplets suivants eurent les honneurs du

bis:

Nous connaissons certain génie,
Actif autant qu'il est puissant;
Qui sait de l'Europe à l'Asie
Franchir l'espace en un moment.
Si dans ses courses immortelles,
Il nous mit à couvert partout,
Je crois qu'aujourd'hui de ses ailes
Il pourra bien couvrir Saint-Cloud.

La fuite en Egypte, jadis,

Conserva le Sauveur des hommes;
Pourtant quelques malins esprits
En doutent au siècle où nous sommes.
Mais un fait bien sûr en ce jour,
Du vieux miracle quoi qu'on pense,
C'est que de l'Egypte un retour
Ramène un sauveur à la France.

Le 18 frimaire (9 décembre), première représenta

tion du Vaudeville au Caire; nouveau couplet de circonstance, également applaudi :

Vos faibles chansons d'un héros
Peuvent-elles vanter la gloire?
Peut-il entendre vos pipeaux

Au milieu des chants de victoire?
A de plus sublimes concerts
Son oreille est accoutumée :
Son théâtre, c'est l'univers,

Et son chantre, la Renommée !

Un grand succès obtenu sous le consulat au Vaudeville, c'est M. Guillaume, ou le Voyageur inconnu. Ce petit chef-d'œuvre, qui date de 1800, se maintint au répertoire pendant près de vingt-cinq ans. On faisait toujours répéter les deux couplets suivants : le premier, qui célèbre la gloire de Malesherbes, le défenseur de Louis XVI; l'autre, qui est une leçon de morale:

Ce magistrat irréprochable,
L'ennemi constant des abus,
Ce philosophe respectable,
L'ami des talents, des vertus,
Honorant la nature humaine
Par son austère probité,

Quelque part que le sort le mène,
Il marche à l'immortalité.

La chute inattendue de ce couplet (c'est ainsi que les auteurs appellent les deux derniers vers) produisit un mouvement électrique et une sensation profonde.

Voici le second couplet :

Epoux imprudent, fils rebelle,
Vous aurez des enfants un jour :
A l'autorité paternelle

Vous prétendrez à votre tour.

Mais, monsieur, ce pouvoir suprême,

Ce pouvoir, le plus saint de tous,

De quel droit l'exercerez-vous,

Quand vous l'aurez bravé vous-même !

Fanchon la vielleuse fut l'immense succès du Vaudeville, pendant l'année 1803. Cette pièce fut jouée le 19 janvier.

Geoffroy disait en rendant compte de cette pièce :

«La foule est au Vaudeville : c'est la rareté; on y voit une vielleuse riche et vestale : c'est la curiosité. Fanchon est presque aussi courue que mademoiselle Georges. >>

Un des couplets qui faisaient pâmer le public d'alors, véritable chef-d'œuvre de pathos, était ainsi conçu :

Au milieu du désordre affreux
Que le choc a fait naître,
Cette rose frappe mes yeux :
Je crois vous reconnaître,
Je veux vous sauver !...
Pour vous préserver
De ce péril extrême,

Je sais vous saisir,
Et j'ai le plaisir

De vous rendre à vous-même.

Mademoiselle Belmont était alors l'actrice à la mode. Elle avait une rare beauté, et ne manquait pas d'un certain talent. Après le succès de Fanchon, elle épousa son camarade Henri; mais cette union ne fut pas heureuse : les deux époux divorcèrent; madame Belmont quitta le Vaudeville pour l'Opéra-Comique, où elle devint sociétaire. Liée avec Dupaty, elle affectait des allures de basbleu. Lors du baptême de M. le duc de Bordeaux en

1821, les théâtres de Paris donnèrent des pièces de circonstance; Théaulon apporta à l'Opéra-Comique un àpropos intitulé: le Baptême de Henri IV. Membre du comité de lecture, madame Belmont, qui se croyait obligée d'être libérale, par suite de sa liaison avec Dupaty, motiva son avis dans le bulletin suivant :

«Je refuse la pièce, attendu que Henri IV, étant né protestant, n'a jamais été baptisé. » Non-seulement on baptise les protestants, mais madame Belmont oubliait que Henri IV a été deux fois catholique.

Ce bulletin devint l'objet de la risée du théâtre.

Pendant l'année 1804, le Vaudeville joua deux fois gratis, comme les autres théâtres : le 25 messidor an xii (14 juillet), en l'honneur de la prise de la Bastille en 1789, et le 10 frimaire an x (1er décembre), en l'hon-neur du couronnement, fixé au lendemain.

En 1805, le Vaudeville fut mandé par Napoléon au camp de Boulogne.

Le 5 frimaire (26 novembre), spectacle gratis en l'honneur de l'entrée des Français à Vienne.

Le 30 frimaire (21 décembre), spectacle gratis pour célébrer la victoire d'Austerlitz; on y chanta plusieurs couplets de Barré, Radet et Desfontaines. Voici un de ces couplets :

Nos guerriers couverts de gloire
En tous lieux sont triomphants:
En marchant à la victoire

Ils vont à pas de géants;

Les Autrichiens sont vaincus,
Et les Russes sont battus.

Mes amis, des Français
Chantons les brillants succès;
Bientôt nous chanterons la paix.

Le 22 février 1807, Barré, Radet et Desfontaines célébrèrent la victoire d'Eylau, en ajoutant les couplets suivants au Rêve, ou la Colonne de Rosbach :

Le Russe paraissait content
De sa dernière danse,
Et nuitamment,
Furtivement,

Reculait par prudence;
Mais voilà qu'en carnaval,
Il veut revenir au bal:

Hélas! tout comme en Prusse,
Le Russe repoussé,
Rossé,

A quitté son pas russe

Pour le croisé-chassé.

Ses généraux disaient d'avance:

« Nous sommes bien sûrs du succès,
» Car déjà le Russe commence

>> A n'avoir plus peur des Français. »
Or voici quelle est la recette

Qui le guérit de sa frayeur :

Devant nous, pour n'avoir pas peur,
Tous les jours, il bat en retraite.

A la fin de l'année théâtrale 1807, une scission éclata entre les auteurs du Vaudeville : quelques-uns, fatigués de la lutte impuissante qu'ils soutenaient contre le répertoire de Barré, travaillèrent pour le théâtre Montansier-Variétés, qui, chassé du Palais-Royal par l'influence de la Comédie Française, jouait à la Cité, pendant qu'on achevait de construire la salle des Panoramas. Cette salle des Panoramas fut inaugurée le 25 juin de cette année 1807.

En vertu du décret du 8 juin 1806, qui déclarait, article 5, que le ministre de l'intérieur pourrait assigner

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