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« doit se mêler de son métier. » Barras connut en effet, qu'il avoit tort, et s'intéressant au jeune militaire, il lui procura l'amitié de ses Collègues, avec lesquels il était en mission. Buonaparte, digne de l'estime qu'il leur inspirait, commanda la terrible mitraille qui fit périr à Toulon, un grand nombre de citoyens.

Il rendit compte en ces termes, de cette horrible opération, aux Commissaires de la Convention nationale : « Citoyens Représentans, c'est du champ de bataille, marchant dans le sang des traîtres, que je vous annonce avec joie que vos ordres sont exécutés, et que la France est vengée. Ni l'âge ni le sexe n'ont été épargnés; ceux qui avaient seulement été blessés par le canon républicain, ont été dépêchés par le glaive de la liberté, et par la bayonnette de l'égalité.

"Salut et admiration!

« Signé, BRUTUS BUONAPARTE,

Citoyen sans-culotte.

Ces premiers pas dans la carrière du meurtre semblèrent endurcir son âme. Après le 9 thermidor, il fut destitué comme terroriste, incarcéré pendant plusieurs mois, et tomba dans la misèrc. Mais Barras ne l'avait point oublié, et le

mit en activité dans la journée du 13 vendémiaire; il le chargea de foudroyer les sections, lorsqu'elles marchaient contre la Convention, dont l'étendue des pouvoirs tyrannisait le peuple. Il accepta cette funeste mission, et tira à boulet sur des citoyens qui n'avaient point d'artillerie. Ne pouvant se dissimuler la barbarie de sa conduite, ses partisans ont vainement soutenu qu'il n'avait fait tirer qu'à poudre : le portail de l'église Saint-Roch a long-temps conservé l'empreinte des boulets.

Ce zèle à servir les passions de quelques législateurs, qui oubliaient le rôle respectable qu'ils devaient jouer, servit à l'avancement de Buonaparte. Il voulut encore augmenter sa fortune par un mariage heureux, qu'il regardait alors comme l'alliance la plus illustre à laquelle il put aspirer; il obtint avec la main de madame de Beauharnais, le commandement en chef de l'armée d'Italie. Nous passerons sous silence les discours qu'on a tenus dans le public à ce sujet, et qui compromettaient peut-être injustement la nouvelle épouse et l'un des Membres du Directoire-exécutif.

Ses victoires en Italie lui attirèrent une grande considération, et le rendirent redoutable au Directoire-exécutif. Pour se débarrasser d'un tel adversaire, un des membres du Gouvernement

imagina l'expédition d'Egypte, entreprise avec l'élite des armées de terre et de mer, et qui coûta des sommes énormes. Les cinq directeurs se trouvaient heureux de se délivrer d'un homme qui leur paraissait aussi redoutable; ils espéraient que cet ambitieux général périrait dans l'expédition ou qu'il pourrait fonder un Empire, objet de tous ses vœux. Cet espoir ne fut qu'une illusion. Buonaparte se contenta de triompher des Turcs et des Mamelucks, grâce à la bravoure de ses troupes, dont en aucune occasion il ne ménagea jamais la vie. La flotte qui l'avait amené en Egypte, et qui était mouillée sur les côtes, fût entièrement détruite par les Anglais : perte : perte difficile à réparer. Mais le général en chef, maître du Caire et d'Alexandrie, y fut à peine sensible que lui importait d'avoir des vaisseaux et quelques milliers d'hommes de moins? Il ne considérait que sa gloire personnelle. Tout ce qui faisait obstacle à ses projets était renversé ou détruit. Il lui arriva, en Egypte, de faire égorger un grand nombre de prisonniers qui le gênaient dans sa marche. Ses propres soldats furent aussi ses victimes. Cinq cents d'entre eux, malades ou blessés, languissaient dans un hospice à Jaffa; les médecins lui déclarèrent qu'ils craignaient pour la vie de ces infortunés: «Eh bien, s'écria-t-il, qu'on les déli

:

«vre de leurs maux en les faisant mourir? » Il fallut exécuter cet ordre d'une barbarie inouïe; on leur fit prendre une forte dose d'opium qui

termina leur existence.

Dans ces circonstances, après avoir fait fusiller quatre mille prisonniers, parce qu'ils le gênaient dans sa marche, et s'être déclaré partisan ou zélateur de Mahomet, il apprit les troubles qui régnaient en France, et que la faiblesse du Directoire était incapable de calmer. Aussitôt il se propose de tirer parti de cet état de choses; il quitte son armée sans la prévenir, la laissant aux soins d'un général qu'il nomme, et charge de remédier à la position critique où se trouvent les troupes. Il s'embarque en secret sur une frégate fine voilière, trompe la vigilance des Anglais, et a le bonheur de débarquer à Fr‹jus, petit port de la côte de Provence. Arrivé à Paris, il met en jeu tous les ressorts de l'intrigue, se forme un puissant parti dans le Corps-Législatif, dont son frère Lucien était président, et il est nommé consul, malgré l'opposition de plusieurs représentans, qui voulurent même s'ériger en Brutus, et le poignarder au milieu de l'assemblée qui tenait alors ses séances à Saint-Cloud, afin d'être moins gênée dans ses opérations. Pour capter le plus grand nombre des suffrages, il assura qu'il avait déjoué une terrible conspiration, et qu'il ne s'a

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gissait pas

de moins

que

d'accourir de Paris à

Saint-Cloud pour précipiter dans la Seine trois cents législateurs. Il promit de donner, sous peu de jours, les détails de cette redoutable conspiration; mais il n'en a jamais parlé depuis cette époque. Et, qu'aurait-il pu en dire, si ce n'est quelques nouveaux mensonges? Il s'était engagé en même temps à ne tenir les rènes du Gouvernement que pour rétablir la liberté; mais il appesantit au contraire le joug du despotisme, démentant de la manière la plus formelle ce passage de son discours à la tribune de SaintCloud « Français, si j'abuse du pouvoir que vous me confiez, tournez contre moi vos bayonnettes, et que je serve d'exemple à ceux qui tenteraient de vous opprimer. >>

Les désirs de l'ambitieux ressemblent à la soif de l'hydropique, ils augmentent quand on les croit satisfaits. Enivré du succès de ses armes et de l'encens que lui prodiguaient journellement ses flatteurs, il dédaigna le titre de roi de France, dont les descendans de Saint-Louis s'étaient glorifiés pendant plusieurs siècles, il se fit proclamer empereur, en annonçant audacieusement qu'il s'était rendu aux vœux dela Nation française, tandis que la plupart des votes, inscrits dans les registres des départemens et des communes, avaient été arrachés aux fonctionnaires publics,

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