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sieurs sous le bras, et portaient à leurs chapeaux des cocardes tricolores, qui sûrement avaient été faites d'avance.

A onze heures du matin, arriva quelques troupes, ayant à leur tête deux pièces de canon, et quelques officiers envoyés par Buonaparte. Ils entrèrent dans les appartemens, dont ils ouvrirent les fenêtres. A midi, le général Excelmans fit enlever de dessus le principal pavillon du château le drapeau blanc, et y substitua le drapeau tricolore, signal du sang qui ne devait point tarder à couler.

Les soldats qui, la veille avaient été envoyés contre Buonaparte, rentrèrent dans la capitale le lendemain soir, par différentes barrières; ils avaient un air triomphant, il semblait qu'ils venaient de faire d'importantes conquêtes.

Ils agitaient leurs sabres, en criant vive l'Empéreur, et la nombreuse cavalerie en faisait de même. Comme des voitures roulaient au milieu de leurs rangs, on croyait y voir le chef de toute cette soldatesque, et les acclamations de la populace redoublaient. Le tyran faisant arriver ses troupes par quatre côtés différens, laissait ignorer par quelle barrière il entrerait luimême, et les voitures qu'on voyait au milieu des colonnes, remplissaient ses intentions, en faisant accroire qu'il était dans une d'elles.

Le drapeau tricolore ne fut arboré sur l'hôtel de-ville qu'à deux heures après-midi, et il le fut successivement sur tous les monumens publics.

Lorsque les troupes entrèrent dans Paris, triomphantes de n'avoir point combattu, elles dont la bravoure avait éclaté dans tant d'occasions, des hommes apostés de distance en distance, distribuaient de l'argent aux enfans pour les engager à crier de toutes leurs forces vive l'Empereur! La populace à qui on en avait donné d'avance, se porta toute la nuit dans les rues au-devant des soldats, et ses acclamations de joie avaient tout l'air de cris séditieux.

Buonaparte était à Fontainebleau le 20, à quatre heures du matin ; à sept heures, il apprit que les Bourbons étaient partis de Paris, et que la capitale était libre. Il partit sur-le-champ pour s'y rendre, refusant les voitures brillantes qu'on vint lui offrir, auxquelles il préféra sa calèche de voyage, escortée par un gros de cavalerie.

Sur sa route, il vit venir à sa rencontre l'armée que devait commander le duc de Berri; officiers, soldats, généraux, infanterie, cavalerie, artillerie; tous se pressèrent au-devant de lui; et chaque soldat arbora la cocarde ricolore, qu'il avait dans son sac.

L'usurpateur devança bientôt cette armée en

délire; il entra, dit-on, par la barrière d'Enfer, et suivant les nouveaux boulevards, à neuf heures du soir, au moment qu'on l'attendait le moins, il arriva aux Tuileries, à la lueur de quelques flambeaux ; ce qui fit penser avec raison, qu'il apportait au milieu de nous les torches de la guerre. Ce château qui, la veille encore, était habité par la famille royale, par le père du peuple, fut tout-à-coup souillé, à la suite d'une noire trahison, par un homme odieux, apportant des fers à la France, sous prétexte de la rendre libre, et ne respirant que la dévastation et la ruine de l'Europe.

La garde nationale qui était restée au château, et l'avait préservé du pillage, non sans les plus grands dangers, ne fut relevée fort que tard par un autre corps des légions.

Ainsi se termina cette étrange invasion, sans exemple dans l'histoire, parce qu'il n'a jamais existé dans le monde un homme aussi audacieux, aussi rempli de présomption, aussi fourbe que Nicolas Buonaparte, assez orgueilleux, assez fou pour se croire en état de résister à toutes les forces réunies de l'Europe.

Accoutumé au mensonge, il a eu l'effronterie d'assurer qu'il était venu à petites journées, depuis le lieu de son débarquement en Provence, jusqu'à Paris; tandis qu'il est de fait qu'il

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allait toujours en poste, et que le bataillon de sa garde, en dix-huit jours, a franchi l'espace entre le golfe Juan et la capitale, espace qu'en temps ordinaire on met quarante-cinq jours à par

courir.

Par quelle inconséquence de l'esprit humain un homme tel que Buonaparte a-t-il eu des partisans en France? On ne s'étonne point que la plupart des militaires lui fussent dévoués; les victoires qu'ils avaient remportées sous ces enseignes, la forte solde qu'ils en recevaient, l'avancement rapide auquel ils avaient lieu de s'attendre par la mort ou les mutilations de leurs camarades, étaient des motifs suffisans pour les attacher à ce chef, dont toute la gloire consistait dans une guerre interminable, dans d'injustes conquêtes et dans des batailles sanglantes. Mais comment des citoyens pouvaient-ils lui être dévoués ? Cet intérêt extraordinaire et même coupable était fondé sur plusieurs causes. Ils ont pris des mensonges pour le langage de la vérité. Leur esprit crédule ajoutait foi à la trêve de vingt ans, à l'arrivée de l'impératrice Marie-Louise et du petit roi de Rome, arrivée qu'on rendait vraisemblable par la nomination des officiers de sa maison, la disposition de ses appartemens, et les équipages qu'on feignait d'envoyer au-devant de cette princesse: ils n'ont

formé aucun doute sur l'abolition définitive des droits féodaux ; des dîmes, que le roi, leur disait-on, avait rétablies dans les campagnes :la liberté de la presse et individuelle leur paraissait assurée : les acquéreurs de biens nationaux cessaient de trembler pour leurs propriétés, qu'ils se représentaient à la veille de leur être enlevées : la classe ouvrière, sans considérer tous les maux qu'il lui avait faits, en obligeant de fermer les ateliers, en la décimant par la conscription, le regardait comme un grand homme, parce qu'il l'avait employée à une multitude de travaux, aux dépens de l'Italie, de la Flandre, de la Hollande, de l'Allemagne, et elle l'appelait avec enthousiasme le grand Entrepreneur. D'un autre côté, les ducs, les princes, les comtes, les préfets, et la multitude de gens salariés par les fonctionnaires qu'il avait mis en place, pouvaient-ils manquer d'êtreses créatures?Combien de personnes aveuglées et séduites! Mais leurs yeux s'ouvriront peu-à-peu; elles s'étonneront de leurs longues erreurs, et conviendront enfin que le bonheur général et individuel ne peut exister que sous l'influence d'un roi légitime, ami de la paix, de la justice, et qui se regarde comme le père de ses sujets.

Heureusement qu'il était impossible à l'usurpateur de parvenir à tromper les puissances.

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