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affirmation sous son apparence naïve. Il y a une foule de philosophes profonds, d'hommes d'État éminents qui ne s'en sont jamais doutés. Vous comprenez bien que ceux-là n'avaient garde d'observer l'individu pour essayer d'améliorer l'état social. Un coup d'œil jeté sur l'histoire des théories politiques nous donnera la preuve de cette ignorance.

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CHAPITRE II.

LE DROIT SOCIAL ET LE DROIT DIVIN.

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Les Australiens.
Le père de
Omnipotence
Ulpien.

La liberté individuelle n'existe pas dans l'état primitif.
La famille grecque, romaine. Les thémistes.
famille. La tradition religieuse. La cité antique.
de l'État. Le césarisme. Théorie de l'absolutisme.
Le droit divin. Saint Paul. Saint Augustin.
Byzance. Le droit divin et le mahométisme.
suet. De Bonald et de Maistre. Conclusion.

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Le droit divin à Louis XIV et Bos

Au dix-huitième siècle, Rousseau avait inventé un « état de nature » dans lequel l'homme était beaucoup plus heureux et plus libre qu'il ne l'est dans nos États civilisés. Il fut de mode, pendant une assez longue période, de s'enthousiasmer pour les charmes de la vie sauvage. On opposait au despotisme de notre civilisation la liberté de l'état primitif.

Il n'y a qu'un malheur pour toutes ces belles tirades: c'est qu'elles étaient complétement en dehors de la réalité des faits.

« Le sauvage n'est libre nulle part, dit M. John Lubbock (1). » Dans le monde entier, la vie quotidienne du sauvage est réglée par une quantité de coutumes (aussi impérieuses que des lois) compliquées et souvent fort incommodes, de défenses et de priviléges absurdes. Ainsi M. Lang nous dit en parlant des Australiens: « Au lieu de jouir d'une liberté personnelle complète, comme on pourrait le croire au premier abord, ils se laissent mener par un code de règle

(1) Origines de la civilisation. Traduction Barbier, p. 440.

ments et de coutumes qui constitue une des tyrannies les plus épouvantables qui ait peut-être jamais existé sur terre, car il place non-seulement la volonté, mais les biens et la vie du plus faible à la disposition du plus fort. » — « On se tromperait fort, dit l'évêque de Wellington, si on croyait que les indigènes de la Nouvelle-Zélande n'ont ni coutumes ni lois. Ils sont et ont toujours été les esclaves de la loi, des coutumes et des précédents. » M. John Lubbock cite de nombreux exemples de ce despotisme empruntés à d'autres peuples. Partout les formalités abondent.

Si nous passons à une vie sociale plus avancée, à la vie patriarcale des Grecs, des Latins, telle que nous la connaissons, nous constatons que, nulle part, l'individu n'a une vie propre. Il est incorporé dans une famille, une tribu, un clan, une caste. Il n'existe pas par lui-même. Il n'existe que pour et par l'agrégation dont il fait partie.

Le parent mâle le plus âgé, l'ascendant le plus âgé de la famille est le maître absolu des femmes, des enfants, des esclaves qui la composent. Mais ce chef lui-même de la famille subit une coercition. Il dépend de traditions qui font partie de la famille et auxquelles il doit se soumettre.

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Au-dessus de lui, il y a des dieux qui l'inspirent, le guident, le dirigent, limitent son action, rendent des sentences par sa bouche, « des thémistes », comme dit Homère. Le Djaus védique, le Zeus grec, le Jupiter latin, dominent le chef de la tribu de toute la puissance que leur attribuent les tendances subjectives auxquelles la science ne peut opposer aucun contre-poids. Que dis-je? en Grèce, à Rome, chaque famille a son dieu particulier, son héros, son dieu caché (muchios), une sorte d'ange gardien, de saint tutélaire, ce Dieu que les Grecs appellent le juge-maître, écría décroiva, que les Latins appellent Lar familiaris. Le père, chez les Hindous, les Grecs, les Romains (ganitar, yevvytáp, genitor) est le prêtre

de ce dieu en même temps qu'il est subordonné à sa puissance. Il commande en son nom. Ce mot de père ne représente pas l'idée de paternité, mais l'idée d'autorité.

Il n'y a donc dans le premier agrégat humain qu'une individualité : le père, et lui-même est dominé par la tradition religieuse de la famille, par le culte des morts qu'on retrouve partout, avec les mêmes caractères, dans l'Inde, en Grèce, en Italie. Chaque tribu adore ainsi son dieu propre, ancêtre divinisé A Athènes, les Eumolpides vénèrent Eumolpos, auteur de leur race; les Phylatides adorent le héros Phylatos; les Butates, Butès; les Busilides, Busélos; les Lakiades, Lakios; les Amynandrides, Cérops. A Rome, les Claudius descendent d'un Clausus; les Cæcilius honorent comme chef de leur race le héros Cæculus; les Calpurnius un Calpus; les Julius un Julus; les Clælius, un Clælus (1).

A l'origine des sociétés l'individu n'existe donc pas. Il est absorbé dans la famille, dans la phratrie, dans la gens et même lorsqu'il paraît être le maître, il est subordonné aux ancêtres, à un dieu, à une création anthropomorphiste quelconque.

On sait que la cité antique n'est pas un agrégat d'individus, mais un agrégat de familles. Chaque cité a des bornes sacrées qui entourent son territoire, des dieux, des hymnes, des fêtes qui lui sont propres, dont les étrangers sont exclus. On comprend que la divinité de la ville ne devant pas protéger les étrangers ne devait pas être adorée par eux.

Le dieu Satropes appartenait à Elis; la déesse Dindymène à Thèbes; Sotoria à Ægium; Britomortis à la Crète. Nous trouvons souvent le même nom d'un dieu dans deux villes

(1) Fustel de COULANGES: La cité antique. MAINE : L'ancien droit. GROTE Histoire de la Grèce. MOMMSEN: Histoire romaine.

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différentes c'est le même nom, mais ce n'est point le même Dieu. Il y a un Jupiter à Athènes et un autre Jupiter à Sparte; il y a une Athéné à Athènes et une autre à Sparte; il y a une Héra à Samos et une autre Héra à Argos; il y a une Pallas chez les Grecs et une autre chez les Troyens.

Il fallait être Argien pour entrer dans le temple de la Héra d'Argos; il fallait être Athénien pour entrer dans le temple de l'Athéné d'Athènes. L'homme ne connaissait que les dieux de sa ville: « Je ne crains pas les dieux de votre pays, dit un personnage d'Eschyle, et je ne leur dois rien. » Chaque cité avait sa liturgie gardée secrète avec un soin jaloux. L'ennemi qui attaquait une ville tachait de la faire abandonner par ses dieux, et d'enlever leurs statues; Ulysse dérobe la Pallas des Troyens.

Mais précisément parce que la cité est un agrégat religieux, le citoyen doit être entièrement subordonné à ses mœurs, à ses traditions, à son culte, aux lois qui naissent de cet ensemble.

L'État avait l'omnipotence d'une Église. Il s'emparait des moindres actes du citoyen et l'obligeait à les accomplir

d'une certaine manière.

A Athènes, la cité antique où l'individu fut susceptible du plus grand développement, la loi défendait à l'homme de garder le célibat; à Sparte, non-seulement l'homme devait se marier, mais il ne devait pas attendre trop longtemps.

La loi pouvait encore régler son activité, lui prescrire ou lui interdire le travail ou certains genres de travaux. La loi entrait encore dans des détails plus intimes. A Locres, elle défendait aux hommes de boire du vin pur; à Milet, à Marseille, à Rome, elle en interdisait l'usage aux femmes. A Sparte et à Rome, l'enfant contrefait devait être sacrifié. L'État est le seul éducateur des enfants. Malheur à celui qui

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