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Rien de semblable: il y a des agents naturels qui sont à la disposition de l'homme, à une seule condition: c'est qu'il les connaisse!

Notre idéal est donc non de dompter des hommes, mais d'acquérir la plus grande somme d'utilité contenue dans les agents naturels. Elle ne peut s'acquérir que par la science et l'industrie, et de là nous arrivons à cette conclusion:

Tout ce qui favorise l'effort de la science et de l'industrie est bon;

Tout ce qui l'entrave est mauvais.

La conquête de l'homme par l'homme et la conquête des choses par l'homme sont deux buts contraires, opposés, qu'on ne peut poursuivre à la fois; il faut opter entre l'un ou l'autre.

Que vaut la conquête d'un peuple auprès de la conquête de la vapeur? Il faut répondre nettement à ce dilemme. La réponse ne peut être douteuse. Eh bien ! si la réponse n'est pas douteuse, pourquoi hésiterions-nous dans notre choix?

Maintenant que la question est ainsi dégagée des obscurités qui l'entouraient, nous savons à quel but doit être appliqué le mécanisme social :

Assurer à chacun la liberté complète de se servir de toutes ses forces et de toutes ses facultés pour augmenter sa puissance.

Ou en d'autres termes :

Il s'agit de déterminer les conditions de l'état social dans lequel, l'homme, pouvant obtenir le maximum de puissance de ses facultés, pourra arriver au maximum d'appropriation des agents naturels avec un minimum d'effort dans un minimum de temps.

Pour obtenir cette condition essentielle de bonheur, il faut que l'homme puisse employer librement toutes ses forces à l'appropriation des agents naturels. C'est la liberté.

Il faut en outre que l'homme soit certain que cette liberté ne sera pas entravée et que l'appropriation des agents naturels faite par lui ne lui sera pas enlevée par la violence.

C'est la sécurité.

Du reste, la liberté et la sécurité sont une seule et même chose.

La liberté, c'est pour chacun le libre usage de ses facultés.

Qu'est-ce que la sécurité? C'est la garantie qu'il pourra toujours librement user de ses facultés.

Du jour où il n'y a plus de liberté, il n'y a plus de sécurité; et par cela même, du jour où il n'y a plus de sécurité, il n'y a plus de liberté.

Nous avons, en un mot, à déterminer le caractère de l'action de l'État, à l'égard des hommes et à l'égard des choses, ou autrement à déterminer le rôle politique et économique de l'État.

Dans ces conditions, le problème est extrêmement simple.

Si nous jetons un coup d'œil sur les développements successifs de l'humanité, nous constatons que, dans les premières agrégations humaines, l'homme est sous la dépendance étroite de l'homme; dans la famille primitive, dans la tribu, dans la gens, dans la phratrie, sa personnalité est complétement absorbée dans le groupe. Puis, dans la cité antique, sa personnalité s'accentue davantage : mais l'homme n'est encore qu'une fraction passive de l'État. Au moyen âge, l'homme dépend étroitement de l'homme, depuis le plus puissant des seigneurs jusqu'au plus misérable des serfs. Dans la monarchie de droit divin, il n'y a qu'un homme : le roi. Tous dépendent de lui. Enfin, dans les sociétés modernes, au fur et à mesure que l'industrie se développe, que l'appropriation des agents naturels s'étend, la personnalité humaine s'accentue et la Révolution oppose les Droits de l'homme aux droits de l'État.

De ces faits, nous pouvons donc tirer cette conclusion: l'action de l'homme sur l'homme est en raison inverse de l'action de l'homme sur les choses.

Cette loi établie, la solution du problème a reçu une nouvelle simplification.

L'action politique de l'État faisant partie des

actions de l'homme sur l'homme doit être éli

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minée de plus en plus. L'État n'a qu'un rôle : garantir la liberté et, par conséquent, la sécurité des citoyens.

Si, sous prétexte d'assurer la sécurité, il viole la liberté des citoyens, il manque à sa mission; car il viole la sécurité même qu'il prétendait assurer.

Pour arriver à ce résultat, il s'agit de trouver une organisation dans laquelle les intérêts des gouvernants soient toujours d'accord avec les

intérêts de la communauté.

Du côté politique, réduction de l'action de l'État sur l'homme il ne doit plus prétendre à diriger nos idées, nos doctrines, notre religion, notre morale; il ne doit plus s'emparer des hommes, les passer dans son laminoir, de manière qu'ils soient tous réduits à la même taille; car, une nation est d'autant plus forte que les aptitudes des individus qui la composent sont plus diverses. Elles se complètent les unes par les autres. C'est une question de division du travail.

L'État ne doit rien empêcher. Toute limitation qu'il apporte à l'action de l'homme est un frein mis au progrès général de la nation.

Donc, il faut réduire l'action de l'État sur l'homme à garantir la liberté et la sécurité de chacun; il s'agit de chercher le mécanisme le plus propre à assurer ces garanties.

Au point de vue de l'action de l'État sur les choses, il s'agit de chercher le mécanisme le plus propre à faciliter pour chacun des citoyens l'appropriation des agents naturels.

Tel est le problème que j'essaye de résoudre dans la première partie de cet ouvrage.

que

Il est temps que tous les hommes de bonne volonté se mettent à l'œuvre. Quoi! nous, Français, nous sommes actifs, intelligents; et nous continuerions à nous vautrer dans notre apathie! Nous nous vantons volontiers de marcher à la tête du monde civilisé; et avec cette prétention, nous n'aurions d'autre politique de nous traîner derrière un maître, comme un troupeau de moutons, le suivant jusqu'à l'abattoir, s'il lui plaisait de nous y conduire, et nous accepterions tous les mots d'ordre, au lieu de nous faire des convictions! En République même, nous serions des sujets à la fois dociles et mécontents, au lieu d'être des citoyens actifs et éclairés! Non! il est temps que nous sachions secouer tous notre torpeur, et que, refaisant notre éducation politique, nous abandonnions les vieux sentiers pour essayer de découvrir les horizons de l'avenir.

Le dix-neuvième siècle est déjà sur son déclin ; il ne faut pas qu'il disparaisse sans avoir achevé la grande tâche que lui ont léguée les hommes du dixhuitième.

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