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teurs, des administrateurs, des membres de la société tendent à grandir, à faire prospérer les opérations de la société.

Une fois le but à atteindre bien connu, le problème devient très-simple: il s'agit de trouver le meilleur mécanisme possible pour obtenir un résultat déterminé.

Eh bien! si nous parvenons à déterminer rigoureusement le but que doivent poursuivre les nations, comme est rigoureusement déterminé le but que se propose toute compagnie industrielle et commerciale avant sa fondation même, nous aurons immédiatement écarté toutes les questions accessoires au milieu desquelles nous nous débattons.

« Il est impossible, dit M. Sumner Maine, d'exagérer l'importance qu'a pour une nation ou une profession, l'existence d'un but distinct de progrès (1). "

Quel est donc ce but? Comment les divers peuples, comment leurs gouvernants l'ont-ils compris? L'observation des faits historiques, corroborée par l'observation de la nature humaine, nous l'indiquera.

(1) MAINE, l'Ancien droit, p. 75. « Le secret de l'immense influence de Bentham en Angleterre pendant ces trente dernières années consiste en ce qu'il a placé le but sous les yeux du pays. Nous examinerons plus loin si Bentham avait vu bien clairement le but que doit poursuivre l'humanité.

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Tous les tourments de l'homme proviennent de son ignorance de ce but. Il ne l'entrevoit qu'à travers un brouillard.

Jetez un coup d'œil sur l'histoire; elle est remplie de cruautés, de barbaries, de crimes d'hommes à hommes, de nations à nations; esclavage, servage, supplices, prisons, déportations, massacres, invasions; et pourquoi tout cela? Pourquoi l'homme a-t-il dépensé une telle puissance, une telle activité à se déchirer de ses propres mains? pourquoi? — Pour être heureux.

Le but à atteindre, c'est donc le bonheur pour tous.

Mais en quoi consiste le bonheur?

Le bonheur est, comme tous les sentiments, essentiellement relatif. L'idéal de bonheur varie selon les individus, les civilisations, les milieux. Le bonheur d'un naturel de la Terre de Feu nous paraîtrait fort médiocre.

On me dira : « Mais alors quel est le critérium du bonheur? A quel signe le reconnaissez-vous, puisqu'il est essentiellement relatif et qu'il varie d'homme à homme? >>

Sans doute; mais cependant il y a des conditions essentielles du bonheur : ce sont ces conditions qu'il s'agit d'obtenir et de remplir; une fois l'homme mis en possession de ces conditions, son bonheur

devient une question psychologique absolument personnelle.

Ces conditions essentielles du bonheur ne sont pas d'une détermination impossible. Nul ne soutiendra qu'un homme, tourmenté par la perpétuelle préoccupation de la faim, est un homme heureux. Nul ne soutiendra non plus qu'un homme exposé sans moyen de préservation à toutes les intempéries des saisons, est un homme heureux.

Pour qu'un homme puisse donc atteindre le bonheur, il faut tout d'abord qu'il puisse satisfaire ses besoins immédiats.

Plus il pourra les satisfaire facilement, plus il réunira de conditions de bonheur.

Et il ne peut y parvenir que par l'appropriation des agents naturels à ses besoins.

Je sais bien qu'il y a une doctrine, l'ascétisme, d'après laquelle la satisfaction des besoins n'est pas une condition de bonheur. Cette doctrine place tout simplement l'idéal de l'homme non dans la vie, mais dans la mort. Elle frappe l'existence terrestre d'une hypothèque au profit d'une existence future. Laissons les théologiens qui la soutiennent se disputer sur le caractère de cette vie future; je préfère, quant à moi, aux hypothèses subjectives, la réalité incontestable de l'existence. Sans me lancer dans les nuages de leur métaphysique, je constate que nous vivons, que nous devons employer le mieux possible notre

vie, remplir notre existence; car, en définitive, s'ils étaient logiques dans leur mépris de la vie, ils arriveraient au suicide. Jamais un peuple ne pourra vivre avec la haine de la vie. Il pourra se traîner misérablement, comme les infortunées populations du moyen âge, de famines en famines, de misères en misères, de désespoirs en désespoirs; il ne pourra se développer, devenir fort qu'à la condition de se mettre en contradiction avec la doctrine même qui paraît le régir. Voyez, du reste, les corporations, les hommes qui font profession d'ascétisme, qui n'enseignent que la morale du renoncement et de la pénitence; en pratique, ils abandonnent la morale même qu'ils exploitent, et, possédés de la fièvre de la domination, ils s'efforcent par tous les moyens d'augmenter leurs richesses et d'étendre leur pouvoir. Ce sont eux qui ont ensanglanté la terre de leurs guerres religieuses, allumé les bûchers de l'Inquisition, fait le massacre de la Saint-Barthélemy, décrété la révocation de l'Édit de Nantes, et essayé sans cesse de maintenir les peuples dans l'abêtissement de la terreur.

C'est qu'au moment même où ils prêchaient la doctrine du renoncement, ils comprenaient instinctivement que l'homme qui réunit le plus de conditions de bonheur est l'homme qui peut le plus.

Seulement, autrefois, cette notion de pouvoir s'entendait de la manière suivante : l'homme le plus heu

reux est celui qui peut avoir à sa disposition la plus grande part d'oppression sur les autres.

C'était fort logique.

n n'avait pas compris que la puissance de l'homme était le résultat de l'appropriation des agents naturels à ses besoins; on n'apercevait cette appropriation qu'à travers le travail servile. On ne comprenait pas le phénomène de la production directe. On ne voyait que l'esclave ou le vaincu.

On ne comprenait la puissance de l'homme que s'exerçant sur d'autres hommes.

C'est pourquoi l'idéal de bonheur, pour chaque citoyen, comme pour la collectivité des citoyens, dans les civilisations anciennes, est d'être le maître des autres.

La question était alors posée avec une terrible rigueur. Aristote, dans sa Politique, n'admettait pas de nations sans esclaves; Athènes, la libérale Athènes, était composée de 20,000 citoyens et de 300,000 esclaves; et si Platon rêvait une république idéale, il avait bien soin de placer au-dessous toute une multitude destinée à travailler au bonheur de ceux qui formaient réellement l'élément actif de la cité. Pour avoir des esclaves, il fallait la guerre; la guerre, c'était alors le grand instrument de production pour les peuples riches. Le Romain méprisait le travail, comme indigne de lui. Ce qui était digne, ce qui

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