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CHAPITRE XX.

Napoléon à l'ile d'Elbe. Apparente résignation de l'empereur. Soins qu'il donne à l'administration de ses petits États.- Situation de la France. - Les Bourbons et la Charte octroyée. Les royalistes purs. Les constitutionnels. -Les républicains et les impérialistes. Situation de l'Europe. Congrès de Vienne. - Napoléon se décide à quitter l'île d'Elbe. Débarquement au golfe Juan. Proclamations à l'armée et au peuple. — Marche sur Grenoble.

AVRIL 1814 — MARS 1815.

Le 28 avril, dans la soirée, Napoléon s'était embarqué sur la frégate anglaise the Undaunted, capitaine Usher, à SaintRaphaël. Au moment où il mit le pied sur la frégate, vingt et un coups de canon le saluèrent. On le traitait encore en empereur. Des quatre commissaires qui l'avaient accompagné depuis Fontainebleau, deux seulement demeurèrent avec lui, le commissaire anglais et le commissaire autrichien. La traversée de l'Undaunted fut heureuse, et le 3 mai on mouillait dans les eaux de l'île d'Elbe, au milieu de la rade de Porto-Ferrajo. Le débarquement fut fixé au lendemain. Mais le grand-maréchal du palais, le général Drouot, et quelques officiers de l'armée alliée se rendirent immédiatement à terre afin de notifier au

commandant de l'île l'arrivée de l'exilé, et faire les préparatifs d'une réception imposante. Le soir même, une députation composée de généraux, d'officiers de terre et de mer de la garnison, de magistrats, de membres du clergé et de notables habitants, se rendit à bord de la frégate et harangua le nouveau souverain. Le 4, au matin, Napoléon envoya à Porto-Ferrajo le drapeau qu'il adoptait. Ce drapeau était blanc, barré de rouge, avec trois abeilles jaunes. Quand on le hissa sur le fort de l'Étoile, il fut salué par l'artillerie de la place, des forts, par les batteries de la frégate anglaise et de tous les bâtiments.

A une heure, l'empereur descendait à terre. La foule était grande, pour contempler cette majesté déchue qui, après avoir promené son activité dévorante des déserts de l'Égypte aux plaines glacées des bords de la Moscowa, venait s'enfermer dans une île de vingt-cinq lieues de circonférence; et vivre au milieu d'une population de simples pêcheurs, après s'être fait une cour d'empereurs, de princes et de rois des plus vieilles souches de l'Europe. Napoléon ayant reçu du maire de Porto-Ferrajo les clefs de la ville, se rendit à la cathédrale où l'on chanta un Te Deum, et de là à la Maison-Commune, provisoirement destinée à lui servir d'habitation. Complimenté par les autorités et les employés supérieurs, il s'entretint longtemps avec eux, leur adressant diverses questions sur les ressources de l'ile, les mœurs des habitants, les moyens d'améliorations qui pourraient être le plus promptement et le plus utilement mis en pratique. Il y eut ensuite un grand dîner, dont il fit les honneurs avec une liberté d'esprit et des manières franches qui lui gagnèrent toutes les sympathies (*). Dès le matin, la proclamation suivante du gouverneur de l'ile, le général de brigade Dehesme, avait été publiée :

(*) Une année de la vie de Napoléon Bonaparte,, par A. D. B. M., lieutenant de grenadiers, ouvrage publié en 1815.

« Habitants de l'île d'Elbe,

« Les vicissitudes humaines ont conduit au milieu de nous l'empereur Napoléon, et son propre choix vous le donne pour souverain. Avant d'entrer dans vos murs, votre nouveau monarque m'a adressé les paroles suivantes, que je m'empresse de vous faire connaître, parce qu'elles sont le gage de votre bonheur futur:

« Général, j'ai sacrifié mes droits aux intérêts de la patrie, « et je me suis réservé la propriété et la souveraineté de l'île « d'Elbe. Toutes les puissances ont consenti à cet arrangement; << faites connaître aux habitants cet état de choses, et le choix « que j'ai fait de leur île pour mon séjour, en considération de << la douceur de leurs mœurs et de leur climat dites qu'ils << seront l'objet de mon intérêt le plus vif... »

L'Europe entière avait les yeux fixés sur l'île d'Elbe. Il est incontestable que dès les premiers jours de son exil, Napoléon rêva la possibilité d'une éclatante revanche, et pesa dans son esprit les chances d'un retour au pouvoir. Il savait sur quels éléments éphémères, sur quelles fictions le parti royaliste et les amis de Talleyrand avaient échafaudé la révolution blanche et la restauration. Tôt ou tard le voile des illusions monarchiques devait se déchirer; une seconde chute de la dynastie des Bourbons n'était qu'une affaire de temps. Il se préparait pour une éventualité dont son esprit embrassait déjà toutes les réalisations possibles. Mais dans sa condition précaire, à la merci de ses implacables ennemis, il ne pouvait réussir que par une dissimulation profonde de ses projets et de ses desseins. Comme il l'avait exécuté plus d'une fois sur le champ de bataille, il lui fallait masquer ses mouvements. Il le fit avec une grande habileté. Napoléon, calmant par un effort de génié les impatiences de son âme supérieure, devint un véritable diplo

mate, à l'île d'Elbe; et l'Europe put croire, à le voir s'occuper avec une ardeur continue et une sollicitude minutieuse et constante, des moindres détails administratifs de son petit royaume, qu'un miracle de résignation s'était accompli en lui. Le 18 mai, commençant son rôle, il quitta Porto-Ferrajo pour faire le tour de l'île et la visiter dans toutes ses parties. La population l'accueillit sur son passage avec enthousiasme. Surveillé par le commissaire anglais, lord Campbell, il feignit de se préoccuper beaucoup des corsaires barbaresques dont la Méditerranée était infestée; et, sous prétexte de mettre ses domaines à l'abri de toute attaque, il fit réparer les forts, dans lesquels se trouvaient trois cents pièces de canon. Un petit îlot, Pianosa, abandonné depuis longtemps, fut muni de batteries.

Au retour de cette excursion, une fête touchante eut lieu à Porto-Ferrajo. Les quatre cents hommes de la vieille garde, commandés par Cambronne, qui devaient partager l'exil de Napoléon, l'avaient seulement accompagné de Fontainebleau à Briare. De là, on les avait dirigés, par la route du Mont-Cenis, sur Savone où ils s'embarquèrent pour l'île d'Elbe. Le 26, ils prirent terre, et l'empereur passa la revue de ses vieux compagnons.

L'Hôtel-de-Ville n'avait été qu'un pied-à-terre provisoire pour la cour de Napoléon. Deux pavillons réunis par un corps de logis, situés sur un rocher entre le fort Falcone et le fort de l'Étoile, dans le bastion des Moulins, lui servirent de résidence définitive. Il donna lui-même le plan des restaurations et des emménagements nécessaires à la nouvelle destination de ce bâtiment qui avait été occupé jusqu'alors par les officiers du génie et de l'artillerie. Une maison de plaisance fut reconstruite, sur ses indications, au milieu des vignobles de Saint-Martin, à peu de distance de Porto-Ferrajo. Une habitation dépendante des mines de fer de Rio, dont le produit appartenait à la dotation de la Légiond'Honneur, et une maison dans l'intérieur de la petite ville de

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