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Wellington a été arrêté un instant par les forteresses de SaintSébastien et de Pampelune; mais il a emporté d'assaut cette première place, et les soldats anglais se sont livrés, pendant quatre jours, sous les yeux de leurs officiers, au pillage, au viol et à l'incendie. Soult occupe Saint-Jean-de-Luz. Les efforts de Wellington viennent échouer devant son attitude ferme. Bayonne, un instant menacée, échappe au sort de Saint-Sébastien. Nous ne tenons plus en Espagne que la Catalogne et le haut Aragon, où le général Suchet s'est retranché après avoir évacué le royaume de Valence et fait sauter la citadelle de Tarragone. Cependant nos aigles, au milieu de tous ces désastres, ont eu encore une belle journée. Le 13 septembre, Suchet, attaqué au col d'Ordal, culbute les Anglais et leur fait éprouver des pertes considérables.

Les événements qui se sont passés au nord de l'Italie, dans les derniers mois de 1813, moins malheureux sans doute que ceux d'Espagne, ont aggravé pourtant notre position. Napoléon, après la victoire de Lutzen et l'entrée à Dresde, inquiet de la politique autrichienne, et prévoyant toutes les conséquences d'une trahison possible, s'est séparé du prince Eugène et l'a envoyé en Italie, pour y prendre le commandement supérieur des armées de la Péninsule. La ligne du Tyrol sera un des principaux boulevards de l'empire, si le cabinet de Vienne se joint à la coalition, et l'empereur compte sur le courage et le patriotisme des Italiens, auxquels il a rendu une patrie. Le vice-roi, dès son arrivée, a formé trois corps d'armée, qu'il a placés entre la Piave et l'Adige. Les hostilités se sont ouvertes le 17 août, au même instant où elles recommençaient sur l'Elbe. Les Autrichiens ont traversé la Save du côté d'Agram. La Dalmatie et la Croatie s'insurgent en leur faveur. Le prince Eugène lève son camp de Goritz et s'avance contre le général Hiller, établi à Adelberg. Les Français ont leur droite à Trieste, et leur gauche sur les sources de la Save. Fiume et Trieste, tombés au pou

voir des troupes de Hiller, sont repris par le général Pino. Les débuts de la campagne semblaient promettre l'avantage au prince Eugène, lorsque l'enthousiasme des Italiens se calme et se refroidit tout à coup. Le général Pino quitte l'armée, et toute l'Italie allemande se prononce pour l'Autriche. Le prince Eugène se replie sur l'Isonzo. La défection de la Bavière, en ouvrant la Péninsule à la coalition par le Tyrol, précipite notre mouvement de retraite, et c'est sur l'Adige que le vice-roi cherche un dernier appui.

Ainsi, nous avons éprouvé non-seulement un échec militaire au delà des Alpes, mais encore une sorte de défaillance morale, contre-coup affaibli des grandes défections de l'Allemagne. La réaction qui se fait dans toute l'Europe contre l'influence et la puissance de l'empire français, semble s'être glissée furtivement jusque dans le cœur des citoyens du royaume d'Italie. Ce n'est pas la trahison, sans doute, qui se manifeste sur les bords de l'Isonzo et de l'Adige, mais le découragement, mais l'inertie. Un peuple seul, et ce sera là son honneur éternel, une nationalité seule nous reste fidèle jusqu'au dernier moment, dans ce grand duel qui ressemble à un assassinat. Les Polonais mourront avec nous sur notre dernier champ de bataille.

CHAPITRE XVII.

Napoléon devant le pays.

La faction royaliste.

Le Sénat et le Corps législatif.

- Réveil de l'esprit parlementaire. Violente opposition au sein du Corps législatif. Le Corps législatif est ajourné. Réponse de Napoléon à cette Intrigues et manœuvres des agents de l'émigration. - Nouvelles

assemblée.

levées et nouveaux impôts. — Proclamation des puissances alliées. étrangères passent le Rhin et pénètrent en France.

Les armées

NOVEMBRE 1813. — JANVIER 1814.

La nouvelle de nos désastres en Allemagne, de la retraite précipitée de Napoléon après les trois journées de Leipsick, des succès de Wellington en Espagne, de l'attitude défensive que le vice-roi était forcé de prendre sur l'Adige, avait produit en France, et surtout à Paris, une grande agitation. Expliquonsnous. Il ne saurait être question ici d'une de ces agitations de peuple libre qui se manifestent dans la rue. La vie publique n'existait plus dans l'empire. Les populations, affaiblies, saignées périodiquement par la conscription, épuisées par les levées en masse, avaient tout juste encore assez de vitalité pour percevoir le danger; mais leurs sensations toutes passives ne pouvaient produire spontanément un de ces mouvements

nationaux qui triomphent des crises les plus profondes et qui sauvent les empires. Ainsi nulle émotion sur la place publique, mais beaucoup dans les régions officielles. Là, l'instruction et les intérêts matériels, à défaut du patriotisme et du sentiment des intérêts généraux, avaient conservé un reste de sensibilité qui se réveilla puissamment aux éclats de l'orage de 1813. Sans envisager d'une manière précise la possibilité d'un changement de régime, on comprenait vaguement qu'un homme comme Napoléon ne pouvait tomber à demi, et que descendre c'était déjà pour lui toute une chute. Aussi, dans le cercle de la nouvelle et de l'ancienne noblesse, de la magistrature, de l'administration et de la haute bourgeoisie, il se forma bientôt une foule de conciliabules, foyers d'égoïsme et de personnalité où la sonorité et la grandeur des mots couvraient l'étroitesse et la mesquinerie des idées. On y parlait beaucoup des droits de la nation méconnus, de la liberté foulée aux pieds, de l'intérêt de tous sacrifié à l'ambition démesurée d'un seul, des maux de la guerre, des bienfaits de la paix. Au fond de tout cela il n'y avait qu'un sentiment unique, dont tous, sans doute, ne se rendaient pas compte exactement la peur. Non pas cette peur du lâche qui tremble de perdre la vie : celle-là est à peu près inconnue en France; mais cette peur de l'homme riche qui tremble de perdre son opulence, du fonctionnaire qui tremble de perdre sa place; la peur enfin de celui qui possède et qui craint d'être dépossédé dans une conflagration générale.

Nous allions assister à la contre-partie des événements de 1792. Alors que devant le peuple libre de la grande révolution la patrie fut proclamée en danger, les dangers de la patrie galvanisèrent tous les cœurs, l'émotion nationale produisit la Terreur, et la France fut délivrée des étrangers. En 1813, devant un peuple habitué depuis longues années à ne compter pour rien, et lorsque l'activité politique était seulement tolérée dans les classes privilégiées, les dangers de la patrie stupéfièrent

tous les esprits, et l'émotion nationale n'enfanta que la Peur. C'est devant ce pays que Napoléon se trouva en présence au retour de la campagne de l'Elbe. Mais si les émotions populaires, au milieu de leurs périls immédiats, ont du moins l'avantage de donner tout de suite le diagnostic de l'opinion publique; les sourdes émotions des classes privilégiées grandissent, s'accumulent, se décuplent dans l'ombre, et quand elles se manifestent en plein soleil, il n'est plus temps d'en arrêter les effets et de donner satisfaction aux intérêts lésés qui les ont produites: l'arrêt prononcé se trouve exécuté d'avance. Aussi l'empereur, malgré les nombreux agents de sa haute police, ne put-il surprendre aucun des secrets de la révolution qui se préparait lentement dans de nombreux conciliabules. Il sentit le danger, il comprit que plus d'un Judas s'était glissé dans le gouvernement, dans ses conseils les plus intimes; mais rien ne lui fut révélé au delà. On rejeta tout sur le compte des royalistes, des rares partisans de la cour d'Hartwell, et l'unique préoccupation sérieuse de l'empereur fut du côté des frontières. Il se persuada qu'une victoire suffirait pour ramener l'opinion à cette confiance aveugle, à cet entraînement irrésistible pour sa personne, qui avaient fait le consulat à vie et fondé la dynastie napoléonienne.

La faction royaliste se rendait meilleur compte de la situation. du pays. Peu nombreuse, mais persévérante dans son œuvre, elle épiait le progrès de la désaffection pour le régime impérial, et de cet élément négatif elle espérait faire, à un moment donné, l'instrument d'une restauration. L'invasion de la France par les armées alliées était d'ailleurs son seul espoir, et elle raisonnait ainsi :

« Il est impossible que la coalition victorieuse songe au partage de la France; l'équilibre européen en souffrirait trop. Une France avec les limites de 1789 et des garanties contre un retour aux excès révolutionnaires, ne menaçant plus les rois

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