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princes étaient l'évêque de Liége, les trois Électeurs ecclésiastiques, le prince de Birkenfeld, le duc de Deux-Ponts, etc. Ils s'appelaient euxmêmes les Allemands de France, et formaient dans l'Empire un parti dont la Ligue du Rhin avait grandi l'importance. Grâce à des conventions diverses, plusieurs fois renouvelées, plusieurs fois violées, mais que garantissaient presque toujours des subventions pécuniaires, la France pouvait, surtout en temps de guerre, occuper presque tout leur territoire, y établir des magasins, garnir de troupes leurs forteresses, enfin y lever, de la même façon qu'en Suisse, de nombreux soldats, que les princes de ce pays s'honoraient de commander. Louis XIV eut ainsi continuellement dans ses armées jusqu'à douze régiments d'infanterie et six régiments de cavalerie, composés d'Allemands, commandés par des princes voisins du Rhin, et qui prirent la plus grande part à toutes nos guerres, même en Allemagne. Louis XV suivit cet exemple, et sous son règne le nombre des régiments allemands s'éleva jusqu'à vingt-cinq‘. .

1 Voici les noms de quelques-uns de ces régiments: Furstemberg, Royal-Allemand, Salm-Salm, Lamark, Hesse-Darmstadt, Nassau, Royal-Deux-Ponts, Royal-Bavière, Royal-Liégeois, etc. Voir l'Histoire des troupes étrangères au service de France, par Fieffé.

La rive gauche du Rhin, au XVIIe siècle, était donc, sous le rapport militaire, une autre Alsace. Turenne, dans la guerre de Trente Ans, avait longuement pratiqué ces pays, ainsi que les mercenaires cruels et pillards, mais braves et solides, qu'on y recrutait; il tenait donc à ce qu'on les ménageât, à ce qu'on eût soin de les laisser d'Empire, à ce qu'on ne touchât pas à leurs souveraineté. Aussi ce fut d'après ses avis que Louis XIV, dans les projets qu'il avait conçus « pour soutenir et augmenter la puissance de la France, » se borna. à des conquêtes moins étendues, et qu'on peut résumer ainsi acquérir les Pays-Bas sur l'Espagne; détruire la république des Provinces-Unies et en prendre la partie méridionale; obtenir par des traités particuliers l'occupation durable des Électorats ecclésiastiques et des autres pays de la rive gauche du Rhin. On donnait ainsi à la France, sinon complétement ses limites naturelles, au moins des frontières très-éloignées, et les plus redoutables qu'il y eût en Europe.

Ce grand plan de conquêtes n'eut point tout le succès que ses auteurs en attendaient. Louis XIV acquit d'abord par achat l'importante place de Dunkerque; puis il tenta la conquête de ces

Pays-Bas qui ont si souvent échappé à l'unité française. A la mort de Philippe IV, roi d'Espagne, il revendiqua ces provinces au nom de la fille de ce prince, devenue reine de France. « Le roi s'assure, disait-il dans sa déclaration de guerre, que ces peuples n'oublieront pas que les rois de France étaient leurs seigneurs naturels avant même qu'il y eût des rois de Castille, qu'ils aimeront à rentrer dans le sein de leur ancienne patrie. » Mais il ne put qu'ébrécher les Pays-Bas, et, forcé de s'arrêter devant la coalition de l'Angleterre, de la Hollande et de la Suède, il signa le traité d'Aix-laChapelle (1668), par lequel il acquit sculement une partie de la Flandre et du Hainaut, « pays, disait-il, qui ont de tout temps appartenu aux rois de France et fait partie de leur domaine. » La frontière du royaume, au nord, se trouva ainsi reculée et consolidée au moyen des places de Furnes et Bergues sur la Colme, d'Armentières et Courtray sur la Lys, de Lille sur la Deule, de Ath sur la Dender, de Douay sur la Scarpe, de Tournay et d'Oudenarde sur l'Escaut, de Charleroy sur la Sambre. Ces places étaient singulièrement pêlemêlées, comme disait Vauban, avec les places qu'on laissait en arrière à l'Espagne, mais c'était des

étapes pour pénétrer plus tard jusqu'aux confins des Pays-Bas, et faire tomber d'elles-mêmes les places qu'on semblait délaisser.

Après ce traité avantageux, et qui n'était qu'un répit donné à l'Espagne, Louis XIV fut sur le point d'arriver à ses fins par deux traités, l'un avec l'Empereur, qui partageait éventuellement la monarchie espagnole et donnait à la France les Pays-Bas; l'autre avec le roi d'Angleterre, qui partageait les Provinces-Unies et donnait à la France la partie méridionale. « Le véritable moyen de parvenir à la conquête des Pays-Bas, écrivait Louvois à Condé, est d'abaisser les Hollandais et de les anéantir, s'il est possible. » (Janvier 1671.) Mais le succès de ces traités fut empêché par les événements de la guerre de Hollande, la coalition qui s'ensuivit, les efforts que dut faire la France pour lutter contre la moitié de l'Europe. Louis XIV descendit de la hauteur de ses grands projets, et fut réduit par le traité de Nimègue (1678) à n'arracher à l'Espagne que la Franche-Comté, avec quelques villes de l'Artois, de la Flandre et du Hainaut'.

Ces villes, bien choisies, se serraient, s'ap

1 Mignet, Négociations relatives à a succession d'Espagne, t. 1.

puyaient, se complétaient l'une l'autre, et faisaient à la France une véritable frontière. Les principales, Cambray, Bouchain, Valenciennes, Condé, situées sur l'Escaut, Maubeuge, située sur la Sambre, couvraient la trouée de l'Oise, et nous verrons quelle importance elles ont eue dans l'histoire de nos frontières. Aire et Saint-Omer complétaient la possession de l'Artois. Dans la Flandre, Ypres, Werwick, Warneton, Poperinghe, Bailleul, Cassel, avaient pour objet de fermer le plat pays compris entre la mer et la Lys. On rendit d'ailleurs à l'Espagne les places trop avancées dans les Pays-Bas, et qui semblaient des amorces pour des conquêtes ultérieures, Charleroy, Ath, Courtray, etc., ce qui indiquait des idées réfléchies de modération et, comme nous le verrons tout à l'heure, la conception d'un nouveau plan pour la défense de la France. Enfin le traité de Nimègue donna à la France une possession aussi précieuse que celle de l'Alsace, la Franche-Comté, qui compléta notre frontière du levant et nous donna la Suisse pour voisine. « C'est une province, dit Louis XIV, grande, fertile, importante, qui par sa situation, sa langue, et par des droits aussi justes qu'anciens, devoit faire partie du royaume, et par qui, m'ouvrant un nouveau passage en Allema

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