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prirent les armes, et le malheureux roi paya de sa couronne et de sa vie ses velléités d'agrandissement national.

Un acte plus obscur de ce prince témoigna que la pensée traditionnelle des rois de France n'était pas abandonnée, malgré l'ardeur des passions religieuses. La ville de Genève était, comme l'on sait, la Rome du calvinisme; elle formait une petite république alliée des Suisses, mais que convoitaient les ducs de Savoie. Ces princes étaient les seuls vassaux de l'ancien royaume de Bourgogne qui eussent échappé à l'unité française; ils s'étaient formé sur les deux revers des Alpes, et surtout avec des pays français, un État que François Ier et Henri II avaient essayé de détruire, parce qu'ils le jugeaient un obstacle inquiétant pour l'unité territoriale de la France. En effet, ils possédaient sur le versant français des Alpes le comté de Nice, autrefois vassal de la Provence, la vallée de Barcelonnette, le duché de Savoie, et dans le Jura, la Bresse, le Bugey, le Valromey, le pays de Gex, etc. De l'autre côté des Alpes, ils n'avaient que la petite pricipauté du Piémont et le comté d'Asti; encore cette partie était-elle ébréchée par les possessions françaises de Pignerol, du marquisat de Saluces et de plusieurs autres vallées

italiennes. S'ils parvenaient à s'emparer de Gonève, ils tenaient l'entrée du Rhône, l'une des parties les plus vulnérables de la France, ils menaçaient Lyon et pouvaient donner la main aux protestants du Midi. Henri III, le vainqueur de Jarnac et de Moncontour, par deux traités faits en 1579 et 1584, prit sous sa protection la république calviniste de Genève, et l'arracha ainsi à l'ambition des ducs de Savoie. Cette politique fut suivie avec soin par les Bourbons, et les traités de 1579 et de 1584 ont été renouvelés par eux jusqu'à la fin de la monarchie.

CHAPITRE III.

SOUS HENRI IV, LOUIS XIII ET LOUIS XIV, JUSQU'AUX TRAITÉS DE NIMÈGUE,

L'œuvre de la formation de nos frontières avait été embarrassée depuis trois siècles par de nombreuses entraves guerres des Anglais, guerres des Bourguignons, guerres d'Italie, guerres de religion; mais pendant le règne de Henri IV elle est reprise avec succès, avec méthode, avec une parfaite intelligence de la grandeur nationale. Les Bourbons en font la pensée dirigeante de leur politique et l'affaire principale de leur gouvernement; mais ils y trouvent de grands obstacles. Il y avait des siècles que les pays distraits de l'ancienne Gaule n'étaient plus français; du côté du Rhin surtout, la couche germanique était devenue de plus en plus épaisse et difficile à pénétrer; les intérêts, les mœurs, la langue séparaient des peuples que la géographie seule réunissait; enfin, plus le rapatriement avait tardé à se faire, plus il devenait laborieux et exigeait d'efforts et de sacrifices. Aussi les Bourbons,

LES FRONTIÈRES DE LA FRANCE.

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malgré leur habileté, leur persévérance, malgré les grands hommes qu'ils employèrent à cette œuvre, malgré les victoires dont ils la décorèrent, ne parvinrent-ils qu'à réunir une partie de l'ancien territoire, et ils n'y parvinrent que ville par ville, morceau par morceau, à force de guerres et de négociations, par une lutte opiniâtre, en ayant contre eux presque constamment la moitié de l'Europe. Nous verrons quelle cause capitale les a empêchés d'en faire davantage.

Henri IV, en montant sur le trône, apporta à la France deux petites provinces, héritage de ses pères, le comté de Foix et le Béarn, par lesquels la frontière des Pyrénées se trouva continuée et n'cut plus à attendre que l'acquisition du Roussillon. Ensuite, et d'après l'exemple de Henri III, il chercha à détourner sur l'Italie l'ambition des princes de Savoie, en leur enlevant une partie de leurs provinces françaises; il échangea donc le marquisat de Saluces, débris de nos conquêtes d'Italie, contre la possession plus modeste et plus utile de la Bresse et du Bugey, qui mit notre frontière du levant sur le Jura, dans le voisinage de nos alliés de la Suisse et de Genève notre protégée. Les ducs de Savoie commencèrent à se défranciser.

Dans ses grands projets de remaniement de l'Europe, Henri IV voulait faire bien davantage. Il eût arraché l'Italie à la domination de l'Autriche, en donnant au pape le royaume de Naples, aux Vénitiens la Sicile, au duc de Savoie le Milanais, et il aurait fait de tous les États italiens une confédération indépendante à la fois de l'Autriche et de la France, mais attachée naturellement à celle-ci par la communauté de race, de langue et de religion. D'ailleurs, la France eût complété sa frontière des Alpes par l'acquisition de la Savoie. « Tout ce qui parle naturellement français, disait-il, doit être sujet du roi de France. » Du côté de l'Allemagne, il voulait réunir la Lorraine par un mariage, puis le Luxembourg, le Limbourg, les duchés de Clèves et de Juliers, « comme pays assis sur notre frontière et qui portent droit sur les ProvincesUnies; » enfin absorber même lesdites provinces.

Conjoindre entièrement et inséparablement la France avec les Pays-Bas, disait Sully, est le seul moyen de remettre la France en son ancienne splendeur, et la rendre supérieure à toute la chrétientė1. >>

On lit à ce sujet dans le Corrolaire des Histoires d'Agrippa d'Aubigné : « Est à noter qu'il ne venoit au roy aucune augmentation en apparence que l'étendue de son règne (royaume) au mont Cenis et aux rivières anciennes qui en faisoient le partage vers la haute

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