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CHAPITRE X.

LES FRONTIÈRES DE LA FRANCE DEPUIS 1815
JUSQU'EN 1860.

La France resta, pendant quinze ans, dans les limitations et les avoisinements que lui avaient donnés le congrès de Vienne et les traités de 1815, le gouvernement de la Restauration portant injustement tout le poids de cette situation douloureuse. Les Bourbons, qui le savaient, auraient voulu s'en affranchir, et, par quelque grande réparation, recouvrer leurs droits à la reconnaissance nationale. C'était aussi le vœu des royalistes éclairés, qui regardaient les traités de 1815 comme abominables, et qui auraient désiré donner au royaume la limite du Rhin1; « sans cela, disait M. de Bonald, la France n'est pas finie et ne saurait être stable. » Mais il n'y eut à ce sujet que des projets,

Voir principalement sur ce sujet le Congrès de Vérone de Chateaubriand.

des écrits, des pourparlers avec la cour de Russie, la seule qui voulût admettre que les actes du congrès de Vienne ne pouvaient être éternels. En définitive, le gouvernement de la Restauration ne put rien faire pour réparer ou rétablir nos frontières perdues, et il en porta la peine. Quand il tomba sous les haines et les défiances populaires, ce fut moins pour avoir violé la charte constitutionnelle que pour avoir signé (« en fondant en larmes!») les traités de 1815, et les journées de Juillet furent réellement une revanche que le peuple croyait prendre contre les prétendus alliés de l'étranger.

La révolution de 1830 jeta d'abord la terreur dans les cours de l'Europe: on crut que la France, en chassant les Bourbons restaurės à la suite de nos défaites, allait rentrer dans la carrière des conquêtes, se venger de 1815 et reprendre ses limites du Rhin. Mais, sous la main pacifique du roi Louis-Philippe, la tourmente s'apaisa, et tout l'effet de la révolution de 1830 se réduisit à faire tomber un pan de la muraille ennemie, que les craintes de la coalition avaient élevée autour de la France. La Belgique se sépara violemment de la Hollande.

Les parties démembrées de la France impériale

en 1814 n'étaient pas retournées sous leurs anciens maîtres, ou n'avaient pas été placées sous des dominations nouvelles, sans répugnance et sans regret. Elles avaient pu maudire les tyrannies du gouvernement de Napoléon, ses guerres interminables, les rigueurs de la conscription; mais elles avaient reconnu et béni tout ce que nous avions apporté chez elle l'abolition du régime féodal, l'égalité politique, l'introduction de nos codes et de nos lois civiles, une administration régulière et équitable, d'immenses travaux d'utilité publique. D'ailleurs, la Belgique et la Savoie étaient françaises d'origine et de langage; et si les provinces rhénanes ne l'étaient pas, elles se trouvaient, comme la Belgique et la Savoie, intimement unies à la France par la communauté du sentiment religieux,

par la foi catholique. Enfin, elles avaient, pendant vingt ans, partagé nos victoires et nos malheurs, et ce n'était pas sans orgueil qu'elles se sentaient françaises, faisant partie de la grande nation, associées à sa gloire, jouissant des bienfaits de sa civilisation. Les exemples de la Flandre, de la Franche-Comté, surtout de l'Alsace, devenues si facilement françaises sous l'ancienne monarchie, avaient déjà démontré quelle est la puissance d'assimilation de la France, de ce pays sympathique

qui, comme la Rome ancienne, se donne tout à tous et ne veut dans son sein que des frères. Après vingt ans d'existence française, la Savoie, même Genève, était déjà un autre Dauphiné; la Belgique, grâce à Anvers, et malgré quelques oppositions, quelques rancunes, était de même une autre Flandre; quant aux provinces rhénanes, encore quelques années, et elles eussent été une nouvelle Alsace, aussi brave, aussi loyale, aussi dévouée que l'ancienne.

La Savoie, qui avait si dignement témoigné, en 1814 et en 1815, ses sentiments français, retourna néanmoins, sans trop de répugnance, sous la domination des rois de Sardaigne : c'étaient ses antiques seigneurs, qui lui avaient toujours montré une affection paternelle. Les habitants des provinces rhénanes, distribués comme des bestiaux à cinq ou six petits princes, ou bien adjugés à un grand État protestant, regrettèrent plus vivement leur changement d'existence politique. Il fallut user de ménagements pour les y habituer, et, entre autres mesures, leur conserver les lois civiles de la France. Quant à la Belgique, unie ou subordonnée à un État qui différait d'elle par la race, la religion, les mœurs, les intérêts, elle témoigna immédiatement ses répugnances, fit opposition à tous

les actes de la maison d'Orange, et, une fois passées ses premières bouffées de vengeance contre. le régime impérial, elle regretta son existence française.

A la suite de la révolution de 1830, les Belges s'insurgèrent contre le gouvernement hollandais, et un congrès s'assembla à Bruxelles pour décider du sort du pays. La majorité, d'accord avec l'opinion publique, penchait pour que la Belgique rentrât dans l'unité française, et il semble qu'un effort du gouvernement de Louis-Philippe eût suffi pour amener ce grand résultat; mais ce n'était point le compte de l'Angleterre, qui avait combattu pendant vingt ans et dépensé vingt milliards pour empêcher Anvers d'être française. Elle s'efforça de retrouver sa barrière de 1814, et fit décider que la Belgique formerait un État indépendant; que cet État aurait pour roi le duc Léopold de SaxeCobourg, devenu presque un prince anglais; qu'il serait déclaré neutre à perpétuité.

Il n'entre pas dans notre sujet de rechercher s'il eût été possible au gouvernement de LouisPhilippe d'effectuer cette réunion de la Belgique à la France, au prix d'une rupture avec l'Angleterre, et en bravant une nouvelle coalition. Il nous suffit de dire que si, d'un côté, la création du royaume

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