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CHAPITRE VII.

CAMPAGNE DE 1814.

Les souverains alliés, étant arrivés sur le Rhin, s'arrêtèrent inquiets, incertains s'ils franchiraient cette frontière redoutable, ne sachant pas s'ils ne trouveraient pas derriere eile la France de 1792. De Francfort, ils offrirent des négociations et un congrès, à la condition que, pour bases sommaires de tout arrangement, l'Empire français rentrerait dans ses limites naturelles, et que l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne, la Hollande reprendraient leur indépendance. « Ils étaient unanimement d'accord, disaient-ils, sur la puissance et la prépondérance que la France doit conserver dans son intégrité et en se renfermant dans ses limites naturelles, qui sont le Rhin, les Alpes, les Pyrénées. » L'Empereur suspecta la sincérité des alliés au lieu de prendre la balle au bond, comme le disait le

LES FRONTIÈRES DE LA FRANCE.

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duc de Vicence, au lieu d'accepter franchement et immédiatement ces propositions, qui exprimaient tous les vœux de la France, il répondit seulement :

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Qu'une paix sur la base de l'indépendance de toutes les nations, tant sous le point de vue continental que sous le rapport maritime, avait été l'objet constant de ses désirs et de sa politique. » Les alliés regardèrent comme un refus cette phrase si vague, et peut-être en furent-ils satisfaits : « Ils ont avoué depuis, dit le duc de Vicence, que si, dès que l'Empereur connut les bases de Francfort, il avait fait partir un plénipotentiaire autorisé à les signer, ils n'auraient pas osé se rétracter, ou peut-être n'en auraient pas eu l'idée; mais l'Empereur a perdu ce dernier moment favorable; il a donné aux ennemis le temps de connaître sa situation, et leur a donné l'envie d'en profiler. »

Cependant Napoléon, ayant appris qu'une réprobation générale avait accueilli sa réponse, se décida à accepter sans réserve les bases sommaires; mais il était déjà trop tard. Cette acceptation arriva le 2 décembre, et, dès la veille, les souverains, sollicités par l'Angleterre, et d'ailleurs mieux renseignés sur l'état de l'Empire, sur les faibles ressources de Napoléon, sur le découragement général et le désir de paix universel, avaient

résolu d'envahir la France; mais ils voulurent être précédés par une déclaration modérée, paciique, conforme aux bases sommaires qui, en séparant la nation de son chef, porterait à l'un et à l'autre un coup mortel. Feignant de voir une provocation dans une levée de trois cent mille hommes que le Sénat venait de décréter, ils se dirent « appelės à promulguer de nouveau, à la face du monde, les vues qui les guidaient dans la présente guerre, les principes qui faisaient la base de leur conduite, leurs voeux et leurs déterminations. >>

« Les puissances alliées, disaient-ils, ne font pas la guerre à la France, mais à cette prépondérance hautement annoncée, à cette prépondérance que, pour le malheur de l'Europe et de la France, l'empereur Napoléon a rop longtemps exercée hors des limites de son empire... Ils désirent que la France soit forte, grande, heureuse, parce que la puissance française est une des bases fondamentales de l'état social.... Ils confirment à l'Empire français une étendue de territoire que n'a jamais connue la France sous ses rois, parce qu'une nation valeureuse ne déchoit pas pour avoir à son tour éprouvé des revers dans une lutte opiniâtre et sanglante où elle a combattu avec son audace

accoutumée... Ils ne poseront pas les armes avant que l'état de l'Europe ne soit de nouveau raffermi, avant que des principes immuables n'aient repris leurs droits sur de vaines prétentions, avant que la sainteté des traités n'ait enfin assuré une paix véritable à l'Europe. »>

Après cette déclaration aussi habile qu'elle était peu sincère, comme les événements l'ont démontré, les alliés ne répondirent à l'adhésion de l'Empereur que par des délais et des atermoiements si nombreux, que le congrès proposé par eux, et qui devait s'ouvrir immédiatement à Manheim, ne s'ouvrit que deux mois après, et à Châtillon-sur-Seine! Ils étaient déjà au coeur de l'Empire, résolus à profiter d'une fortune qu'ils avaient à peine espérée, non pas tant pour humilier Napoléon que la France elle-même, la France ancienne aussi bien que la France nouvelle, et réduire à un Etat de deuxième ordre cette aînée des monarchies de l'Europe.

Avant d'exposer le plan d'invasion des coalisés, il est nécessaire d'examiner l'état de nos frontières au moment où les femmes de Paris, comme celles de Sparte, allaient voir, pour la première fois, la fumée d'un camp ennemi.

Le Rhin, flanqué à ses extrémités d'un côté par

le bastion de montagnes et de glaces de la Suisse, d'autre côté par le chaos des fleuves et des canaux de la Hollande, ayant son cours hérissé de grandes places, étant appuyé en arrière par les Vosges, la Moselle, la Meuse, forme la plus redoutable des frontières; mais c'est à la condition expressse que la Suisse et la Hollande, restant neutres ou alliées, ne s'ouvrent pas à l'ennemi pour la tourner; à la condition que ses places soient bien garnies et servent d'appui ou de refuge à une armée de deux cent mille hommes; à la condition qu'elle ait derrière elle un gouvernement solide et une nation unie et vigoureuse. Or, si telle était la frontière du Rhin à l'époque où la République en avait doté la France, telle n'était plus cette frontière à la fin de l'Empire, à l'époque ou l'on devait compter sur elle pour la défense et le salut du pays. La Hollande s'était entièrement soulevée contre la domination impériale, et avait ouvert ses fleuves, ses forteresses, ses ports à la coalition, qui de là menaçait les départements de la Belgique et du Rhin. La Suisse, lasse de quinze années de dépendance, oubliant toutes ses traditions, traitait avec les puissances alliées, et allait servir de grand chemin à leurs armées pour tourner non-seulement la frontière française du traité de Lunéville, mais

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