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LES FRONTIERES DE LA FRANCE. 107 Cette guerre de la succession de Pologne, grâce à l'habileté du cardinal Fleury, qui sut en écarter l'Angleterre, donna encore à la France un avantage inespéré ce fut la cession de la Lorraine, province si longtemps convoitée, tant de fois réunie, tant de fois séparée. Cette cession fut faite dans un intérêt pacifique qu'on rencontre rarement dans les conventions diplomatiques: elle fut faite pour la tranquillité de l'Europe et la sûreté des frontières de la France. En effet, le duc de Lorraine était l'époux de Marie-Thérèse, fille unique et héritière de l'empereur Charles IV; on prévoyait qu'il parviendrait à la couronne impériale, et la nouvelle maison d'Autriche ne pouvait, en gardant la Lorraine, s'établir aux portes de la France. On donna donc le duché de Toscane à l'époux de Marie-Thérèse, en échange de la Lorraine, qui fut concédée à Stanislas Leczinski, roi détrône de Pologne, sous la condition qu'à la la mort de ce prince cette province serait donnée à la France. Stanislas mourut en 1766; la Lorraine devint alors complétement française, et le grand chemin de la Moselle vers l'intérieur du royaume se trouva, après deux siècles d'efforts, définitivement fermé.

Dans la guerre de la succession d'Autriche,

Louis XV se montra encore uniquement occupé de rétablir l'influence française en Italie: ce fut pour ainsi dire la seule affaire qu'il traita par lui-même, et il le fit avec une grande intelligence; c'est ce que témoignent ses instructions diplomatiques, qui furent presque entièrement écrites de sa main. Son plan, emprunté peut-être aux projets de Henri IV, était « de donner à l'Italie une assiette fixe, et en lier les parties éparses par une fédération générale qui la rendît indépendante des lois et de l'influence de l'étranger.»-« Il faut, disait-il, concentrer les puissances italiques en elles-mêmes, en chasser l'Autriche, et montrer l'exemple de n'y plus prétendre. » Des négociations très-actives furent entamées à cet effet, et d'après lesquelles l'Italie supérieure aurait été partagée entre le duc de Savoie, à qui l'on aurait donné le Milanais; un Bourbon d'Espagne, qui aurait eu Plaisance et Mantoue, c'est-à-dire les deux clefs du bassin du Pô; le duc de Modène, les républiques de Gênes et de Venise. La péninsule aurait continué d'appartenir au duc de Toscane, au pape, au roi de Naples et de Sicile. Tous ces États auraient formé une confédération, dont le pape aurait été le chef suprême, mais qui se serait trouvée réellement, à cause des Bourbons de Plaisance et de Naples,

sous l'influence de l'Espagne et de la France. La cour de Madrid, qui regrettait la possession du Milanais, fit la plus opiniâtre opposition à ce plan et le fit échouer. A la fin de la guerre, et dans le traité d'Aix-la-Chapelle, Louis XV se contenta de la cession de Parme et de Plaisance, qui furent données à un Bourbon d'Espagne, ce qui contrebalança la puissance de l'Autriche et de la maison de Savoie dans le bassin du Pô, principalement à cause de nos alliances avec les républiques de Gênes et de Venise.

Le même traité témoigna avec quelle docilité nonchalante, et pour ainsi dire servile, Louis XV, si actif dans les affaires d'Italie, suivait la politique de son aïeul à l'égard des frontières de la France. Après vingt victoires, étant, à la fin de la guerre, maître des Pays-Bas, d'une partie de la Hollande, de la Savoie, de Nice, il pouvait demander la cession de quelques-unes de ses conquêtes, et ses ennemis y étaient résignés à l'avance. I recula devant la résistance et la morgue de l'Angleterre, et, au lieu de garder une partie des Pays-Bas, il consentit même à la destruction et à la fermeture du port de Dunkerque. «La France, en rendant ses conquêtes, dit le maréchal de Saxe, s'est fait la guerre à elle-même.

Ses ennemis ont conservé leur même puissance; elle seule s'est affaiblie. »>

Après cette guerre, si mal terminée, il n'y eut plus, jusqu'à la fin de la monarchie, de guerres de frontières, ni de projets pour les agrandir. La puissance sur laquelle on conquérait depuis un siècle, l'Autriche, est devenue notre alliée, et nous allons engager pour elle, et contre nos intérêts, la désastreuse guerre de Sept Ans. Toute l'expansion de la puissance française, détournée de sa voie naturelle sur le continent, se fait par la mer, et c'est alors que nous essayons de fonder une puissance maritime et coloniale; c'est alors que prospèrent nos grands établissements du Canada, des Antilles, et que nous commençons un empire des Indes. La France trouve encore pour arrêter cette expansion, l'Angleterre, qui nous enlève nos principales colonies, détruit notre marine, et nous force à subir, pour la troisième fois, l'humiliation de la ruine de Dunkerque. Et comme le cabinet français voulait en démontrer l'inutilité et la barbarie: «Le peuple britannique, disait Pitt, regarde la démolition de Dunkerque comme un monument éternel du joug imposé à la France, et un ministre hasarderait sa tête, s'il refusait de donner cette satisfaction aux Anglais. »>

Louis XV chercha des dédommagements à nos désastres, et, sa pensée se tournant toujours vers l'Italie, il essaya de recommencer la grande œuvre de son aïeul, de rétablir la prépondérance de la race latine, au moyen du pacte de famille. Tous les souverains de la maison de Bourbon se liaient par une alliance perpétuelle, offensive et défensive; ils s'engageaient à ne faire d'alliance séparée avec aucune puissance de l'Europe; ils s'ouvraient réciproquement leurs ports et leurs frontières; enfin ils faisaient des peuples de la France, de l'Espagne, de Naples, de la Sicile, de Parme et de Plaisance, une seule nation ou une « seule famille ». C'était une magnifique conception, mais qui n'eut que de médiocres résultats, d'abord à cause de la faiblesse et des embarras du gouvernement de Louis XV, ensuite à cause de la position hostile de la maison de Savoie, qui rompait la continuité des États confédérés. Cependant ce pacte donna lieu à une acquisition importante, en dehors des limites naturelles, mais indispensable à nos frontières maritimes, celle de la Corse, qui rendit la maison de Bourbon maîtresse de la Méditerranée inférieure.

L'Angleterre, par le traité de Paris (1763), s'était donné l'île de Minorque; elle était déjà

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