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frontière du Rhin si redoutable, avec tous ses camps, ses défenses, ses places de guerre, fut inutile; alors aussi, un grand empire, un autre empire romain, fut détruit; alors aussi, cent peuples divers, victorieux après de nombreuses défaites, mirent le pied sur la tête des Gaulois en disant « Malheur aux vaincus! >>

Les frontières naturelles restèrent les frontières de la Gaule sous la domination des Francs; elles prirent même une nouvelle importance lorsque ces barbares, ayant vaincu les autres envahisseurs, restèrent les seuls maîtres du pays et se furent confondus avec la population gauloise. Alors ils eurent à défendre, non pas seulement comme les Romains, la frontière du Rhin, mais en même temps que cette frontière, qui était attaquée par les Alamans, les Frisons, les Saxons, celle des Alpes que menaçaient les Lombards, celle des Pyrénées que menacèrent d'abord les Visigoths, ensuite les Arabes. Les Francs ne rétablirent nulle part le système de camps, de places, de défenses artificielles des Romains; leur épée fut suffisante à arrêter les nouveaux envahisseurs, et la victoire de Clovis à Tolbiac témoigna que ces maîtres de la Gaule étaient résolus à faire respecter la frontière du Rhin. Ils se trouvèrent même entraînés, dans

cette lutte, à poursuivre les Germains sur leur propre territoire, donc à étendre leur domination au delà des limites naturelles de la Gaule. Mais la barrière du Rhin s'en trouva amoindrie et comme effacée; la couche germanique de la rive gauche devint plus étendue et plus épaisse; et en même temps que la partie orientale de la région gau.oise ne semblait plus, par sa population, qu'une extension de la Germanie, la Germanie presque entière devint la conquête de la Gaule franque. Enfin, de tout ce mélange, de toute cette confusion, de toute cette réaction des deux régions l'une sur l'autre, il résulta que, sous Charlemagne, la Gaule ne fut plus que le centre d'un grand empire, qui s'étendait au nord et au levant jusqu'à l'Elbe et au Danube, en Italie jusqu'au Volturne, en Espagne jusqu'à l'Ebre. Cette grandeur contre nature fut chèrement payée, et l'extension de la Gaule au delà de ses limites, cette extension que nous avons vue de nos jours si malheureusement imitée par le moderne Charlemagne, eut, au neuvième comme au dix-neuvième siècle, les plus funestes conséquences.

Les peuples qui avaient été agrégés de force à cet empire éphémère cherchèrent à s'en séparer; la bataille de Fontenay et le traité de Verdun (842)

effectuèrent cette séparation, et la Gaule, devenue la France, perdit pour des siècles ses frontières naturelles. Elle fut éloignée du Rhin et des Alpes, ne posséda plus que nominalement les Pyrénées, fut réduite enfin à une limite artificielle et trèsconfuse qui touchait en partie l'Escaut, la Meuse, la Saône, le Rhône. Toute la longue bande de territoire comprise entre cette limite d'une part, d'autre part entre le Rhin et les Alpes, resta indépendante, mais serrée, convoitée, disputée par la France et l'Allemagne, flottant continuellement entre ces deux régions, incapable à jamais de former un État, une nation, partagée en plusieurs parties, dont les principales furent d'abord les royaumes de Lorraine et de Provence.

Alors commença pour la France une existence nouvelle, l'existence la plus périlleuse, la plus laborieuse, qui, à travers dix siècles de combats, d'efforts, de revers, de succès, n'est pas encore terminée. Réduite à n'être plus qu'un des royaumes démembrés de l'empire de Charlemagne, elle tendit sans cesse, sans repos, à reprendre sa position et sa grandeur, en s'efforçant de regagner sinon sa frontière naturelle, sa frontière gauloise, au moins quelques-uns des pays qui l'en séparaient et dont elle pût se faire une barrière contre

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LES FRONTIÈRES DE LA FRANCE.

ses ennemis. Ce fut la tâche glorieuse imposée à ses rois.

Cette tâche semble ignorée des derniers princes de la deuxième race, alors que l'unité territoriale n'existe plus, que la France se trouve partagée en cent petits États rivaux ou ennemis, que la patrie, étant réduite au sol que mesurent les pieds, le sentiment national devient insaisissable. Et cependant ce n'est pas sans surprise qu'on voit Charles le Chauve et ses successeurs, malgré leur nullité, leur impuissance, revendiquer les royaumes de Lorraine et de Provence, et s'efforcer, de leurs débiles mains, de rendre à la France quelques lambeaux de ses limites naturelles.

CHAPITRE II

SOUS LES CAPÉTIENS ET LES VALOIS.

Avec les rois de la troisième race, le travail de reconstruction du territoire français commence réellement, et il se confond naturellement avec le grand travail d'unification nationale, qui a été l'œuvre de la dynastie capétienne. A partir de Hugues Capet, la politique traditionnelle des rois de France consiste à reculer, à étendre les limites de leur petit domaine jusqu'à ce qu'il atteigne les limites de l'ancienne Gaule. Ce n'est point l'œuvre d'un homme, ni d'un règne, ils le savent; mais chacun d'eux n'en apporte pas moins sa pierre à cet édifice, dont la construction doit durer des siècles, avec une foi profonde, un dévouement constant, l'habileté la plus persévérante. Ce n'est pas un ambition vulgaire qui les anime, mais une mission de famille qu'ils remplissent patiemment, ols rément. Ils n'ont pas de plan à ce sujet, pas de théorie, mais ils ont un souvenir confus de la

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