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et que je trouve qu'il s'agit d'un bâtiment acheté par le pacha d'Egypte, qui reste à moitié chemin lorsqu'on veut le lancer à l'eau; si le même journal me parle, du ton le plus sombre, de ce pouvoir occulte qui règne dans un souterrain, ne croyez - vous pas, comme moi, voir Croque-Mitaine, dont les libéraux font peur aux grands enfans? Et ne le voyez-vous pas encore, quand on vous dit que le ministre consultera les jésuites pour choisir les officiers qui doivent montrer à Constantinople la tactique européenne? comme s'il n'était pas plus simple de rechercher ceux que Buonaparte y a déjà envoyés dans le même but.

Quand un autre journal regarde le nom de jésuite comme plus difficile à prononcer que celui de jacobin, et qu'il en donne pour preuve que tel lieu, en dépit de Jacques Clément et de Robespierre, s'appelle encore le marché des Jacobins, tandis que si on demandait où était le collége des jésuites, qui oserait répondre? quand il ajoute que ce mot sinistre est dans toutes les bouches, mais pour y être maudit; qu'il est répété avec l'expression de la crainte et de l'épouvante; enfin que ce mot parcourt la France entière

sur les ailes de la terreur qu'il inspire, qui peut empêcher qu'il ne se présente aussitôt à sa pensée ces deux mots (non moins sinistres peut-être) Croque - Mitaine et pathos? Quand ce même journal nous assure qu'il a une grande aversion pour le scandale, et que s'il ne s'agissait pas d'une si grande affaire et du salut de la patrie, il se tairait sur cette grande aventure; quand je poursuis en tremblant, déjà tout attristé de voir quelque horreur de la nature humaine commise sous un saint habit, et que je trouve qu'il est question d'un vieux jésuite de quatre-vingts ans qui a laissé sa petite fortune à un jésuite de ses amis, pour servir à ses confrères ; et quand j'apprends que parce que cet ami n'a pas voulu mentir en assurant que cette fortune lui était donnée pour son propre usage, elle a été enlevée à la destination que lui avait donnée le bon vieillard, pour être remise à des collatéraux, puis-je ne pas rire en m'apercevant que voilà tout l'effroyable scandale annoncé avec tant de précautions oratoires et de solennité? Il ne me reste qu'à douter si je dois voir dans cette occasion des libéraux faisant des dupes, ou des royalistes pris pour dupes, et croyant fermement

que Croque-Mitaine est là derrière le rideau, tout prêt à les prendre.

Mais pour le coup, ce n'est plus un vain fantôme : c'est Croque - Mitaine en personne dans tout son terrible aspect. Faites attention, vous tous qui habitez la France une vaste conspiration vous est dénoncée; elle couvre tout le pays de son immense réseau ; c'est la plus redoutable organisation qu'on puisse voir il y a des centuries, des décuries; toute la nation est enrégimentée; on a pourvu à tout; de formidables moyens de finances sont préparés, et chaque associé a fait serment de grossir le trésor général de cinq centimes par semaine. Quel homme habile a pu faire cette importante découverte? il faut que les journaux aient aussi leur police secrète, et une police admirablement bien servie; où ont-ils été déterrer cet épouvantable complot? dans les antres de la terre sans doute? Non c'est dans le catéchisme qui est officiellement publié par un évêque, et qui, dans son diocèse, est dans les mains de tout le monde. Il s'agit d'une association de charité pour la propagation de la foi, et de l'engagement de quelques fidèles de donner un sou par semaine pour

l'encouragement des missions étrangères.

Notez que les deux journaux où j'ai pris mes citations, sont peut-être ceux à la rédaction desquels sont attachés le plus de gens d'esprit. En vérité, peut-on concevoir un tel enfantillage! Et quand le siècle des lumières est ainsi tombé en enfance, n'eston pas forcé, pour le caractériser, de chercher ses expressions dans le dictionnaire des bonnes?

Avant d'entrer dans l'examen de ces dangers dont on nous fait peur, je dois commencer par déclarer que je ne suis pas jésuite, ni de robe longue, ni de robe courte, ni en frac, et que les jésuites n'ont pas eu l'occasion de me prévenir l'esprit, car je n'en ai jamais vu, et n'ai jamais parlé à aucun, que je sache; je déclare, de plus, que je ne connais point les apologies des jésuites; et je crois n'avoir jamais lu, en fait d'ouvrages où il fût question d'eux, que les Lettres provinciales et Candide en livres anciens, et M. de Pradt et M. de Montlosier en livres

nouveaux.

Je déclare également que je ne suis point et n'ai jamais été de la congrégation, et même que je ne me reconnais point les mérites né

cessaires pour en faire partie, ayant toujours été, suivant l'expression d'un de nos poëtes:

Ami de la vertu, plutôt que vertueux.

Qu'on ne voye donc pas en moi un théologien ou un casuiste qui veut défendre ses doctrines, mais un homme du monde accoutumé à ne pas croire sur parole, et à se faire une opinion fondée sur quelque motif; lequel ne s'est pas enfui dès qu'il a entendi crier: Il y a là un precipice; mais qui s'est avancé avec précaution, a bien regardé, et qui, ne voyant pas même un fossé, s'est mis à rire de la peur des autres. Je me suis efforcé, dans cet écrit, de considérer la question uniquement en législateur (titre qu'on ne peut pas me disputer, au moins pour mon 430°); j'ai voulu m'assurer des dangers qui étaient dénoncés; je les ai cherchés avec toute l'attention dont je suis susceptible, et je serais le premier à en réclamer le remède, si je les avais trouvés quelque part; mais j'avoue qu'habitué à craindre depuis dix ans les progrès et les succès du libéralisme, et par conséquent le triomphe de la philosophie moderne et de l'irréligion, je n'ai pas

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